Message du 8 mai
8 mai 2012
En navigation vers les Chagos
Récit no 209 - Les Maldives
Finalement, nous avons passé la ligne de l'Equateur vers 03h30 AM, le matin du 8 mai. Les enfants tenaient à ne pas manquer ça. Sur Cat Mousses, toutes les occasions sont bonnes pour fêter. Nous avions sorti le champagne pour l'occasion. Nous avons bien tenter de convaincre les enfants de nous aider à finir la bouteille mais en vain. Depuis le passage de cette ligne, comme à chacun de nos passages de l'Equateur et comme c'est souvent le cas à cette latitude, la mer est d'un calme plat. Pas une once de vent, mis-à-part les petites formations orageuses que l'on rencontre la nuit!
Nous avons atteint l'île de Foamulah quelques heures plus tard, vers 08h30 AM. Ce fut un arrêt fort intéressant que nous sommes très heureux d'avoir fait. Il semble que la culture asiatique soit maintenant derrière nous, un nouveau chapitre s'amorce.
Nous avons choisi cette île sur les conseils d'un ami (Sylvio de Matajusi), à cause de la possibilité de réapprovisionnement en diésel. Nous aurions bien voulu explorer davantage les Maldives, malheureusement, on nous demandait 1000$ pour entrer au pays et à un moment donné, à force de sortir un mille dollars par-ci et un autre par-là, les cordons de la bourse se resserrent. On a décidé de le garder dans nos poches celui-là. Mais tout de même, notre journée nous aura permis de tâter le pouls des Maldives.
La population de cette île de Foamulah est de 13 000 habitants. C'est une petite île d'à peine 5 km de long.
Inutile de dire qu'ils ne doivent pas souvent avoir de visiteurs ici. En tout cas, notre arrivée dans le fort fut très remarquée. Nous sentions que nous étions l'attraction du village. On aurait dit que tous les hommes du village venaient faire leur tour pour nous observer. Le tourisme à cet endroit semble complètement inexistant, mais comme ils viennent de terminer la construction d'un aéroport (il y a trois mois), ceci devrait générer davantage de possibilités de tourisme.
Très peu de ces gens parlent l'anglais, les communications étaient donc très limitées. La religion y est musulmane et la devise est le rufyia, soit 15 rufyias pour 1$. L'île compte environ 7 ou 8 villages, tous très propres et soignés. Les maisons sont jolies, les gens sont fiers. Bien que curieux, les habitants de l'île restent très polis et réservés. Il était évident qu'ils cherchaient à aider. Dès notre arrivée, ils ont pris René et Thomas sur leur 'scooter' pour les amener à la station d'essence de l'île. Finalement avec les bidons et tout, il a fallu que tout se fasse à pieds. Un vrai travail de moine! Au bout de quelques heures, sous le soleil ardent, au terme de 5 voyages de 3 bidons chacun, René avait finalement refait le plein de quelques 300 litres de diésel, de quoi nous tenir pour un petit moment.
Pendant ce temps, je me suis chargée de faire la réparation de notre grand voile. Une petite section devait être recousue et craignant que les dommages ne dégénèrent davantage, je ne pouvais plus remettre cette tâche à plus tard. Nous le savions depuis longtemps mais il nous apparaissait plus simple de le faire à la main que de tout démonter la grand voile pour l'amener dans une voilerie en Thailande.
Pour remercier un des monsieurs qui avait emmené René à la banque du village le matin, nous avons décidé d'aller prendre le repas du midi dans le restaurant de son ami. Ce fut un bon investissement car, suivant le repas, le gérant nous a déniché une voiture (taxi) pour aller faire nos courses en PM. Les gens sont vraiment aux petits soins sur cette île. Le seul guichet automatique de l'île étant hors service, il a fallu retourner à la banque en PM. Alors que nous attendions en file, plusieurs personnes nous ont offert leur numéro pour qu'on passe avant eux dans la file d'attente et Dieu sait que ça faisait longtemps qu'ils attendaient leur tour. Ils sont vraiment très généreux, ça surprend toujours de voir pareille générosité, surtout quand on sort d'un pays à forte densité comme l'Inde où la mentalité est chacun pour soi, 'run for your life'. Alors, que là-bas, certaines personnes nous auraient marché sur le corps pour nous dépasser en file dans les endroits publics, ici les gens nous auraient donné leur chemise. C'en était gênant. Bref, bien qu'il ne faille jamais généraliser, puisque partout il y a des gens extraordinaires, c'est quand même spécial de constater les différences de culture, d'un pays à l'autre.
Notre chauffeur de taxi nous a trimballé tout l'après-midi pour rassembler ce qui nous manquait de fruits, légumes, oeufs, pains et viande. Il a fait le tour du monde pour nous dénicher des pommes de terre. Le soir venu, une fois de retour au bateau, nous avons eu la visite, à tour de rôle, des deux hommes qui nous avaient accueillis et aidés à notre arrivée le matin. Ils sont tous deux venus avec leur fille (de 2 et 3 ans) pour visiter le bateau et l'un d'eux nous a offert des fruits, dont une nouvelle variété dont nous ne connaissions même pas l'existence.
Ce petit port de mer, n'existe que depuis sept ans. Une chance qu'ils ont aménagé ce port, sinon je ne vois comment nous aurions pu nous arrêter à cette île. On s'explique mal comment ils faisaient avant. Bizzarement, la grève de cette île ressemble comme deux gouttes d'eau à celle de l'Ile Tromelin, cette île où un navire français, transportant une cargaison clandestine d'esclaves, s'était échoué en 1761. Cet excellent roman d'Irène Frain, nous avait été prêté par notre amie Isabelle de Wasabi. On y relate le naufrage, où 22 des 143 passagers du navire périrent, la survie sur cette île inhospitalière et la construction d'un bateau de fortune en vue d'aller chercher des secours. C'est avec ce bateau de survie que les blancs français se sont entassés pour regagner Madagascar en 100 heures et supposément revenir sauver les 60 malheureux esclaves noirs qui avaient été laissés derrière faute d'espace. Malheureusement, les secours ne sont revenus que 15 ans plus tard, il ne restait alors plus que huit survivants: soit sept femmes et un bébé. D'après l'image du livre et les descriptions, la grève qui longe le brise lame nous protégeant, semble être une copie conforme: les mêmes formations rocheuses et de corail, la même violence des vagues qui frappent inlassablement, jour et nuit, la même couleur de l'eau et du sable de la plage. C'est frappant comme ressemblance, à la différence que l'île Tromelin est plus petite, plus austère et complètement inhabitée, nous espérons vivement avoir l'opportunité d'aller passer à proximité de cette île lorsque nous ferons route vers Madagascar. Pour avoir lu le roman, Thomas rêve de voir cet endroit de ses popres yeux. Toujours est-il que pour en revenir au port de Foamulah, mettre ce brise lame en place a dû être toute une entreprise. De plus, à voir comment les bateaux sont attachés dans ce petit port, ça doit devenir très vilain lors de mauvaises températures.
Finalement, nous avons décidé de passer la nuit à quai avant de reprendre la mer. On nous le déconseillait en raison des risques de visites nocturnes par des malfaiteurs mais suite à ce qu'on a connu de cette île au cours de la journée, nous avons considéré le risque assez faible. Nous décidons donc d'y dormir, malgré l'installation précaire sur le quai en béton qui aurait pu nous occasionner de sérieux dommages s'il y avait eu un orage cette nuit-là. Heureusement la nuit fut calme et sans vent. Dormir est toutefois un bien grand mot car finalement, j'ai passé la nuit couchée dans le cockpit à dormir d'un seul oeil pour surveiller les 'voleurs' (armée de mon balai et de mon détecteur de mouvements), mais surtout pour m'assurer que le bateau ne cognait pas contre le quai. Les gens de cette île vivent de la pêche, et finalement j'ai passé la nuit debout, emportée par ma curiosité. En effet, nous avons passé la nuit à observer le va et vient et toute l'activité nocturne reliée à la pêche. Super intéressant de voir l'action qui s'y déroule le nuit. On a très peu dormi mais on s'est imprégnés de la réalité et du rythme de vie de ces pêcheurs. C'est beau de voir les différences d'un pays à l'autre. Ici, bateaux de pêche sont aussi complètement différents de tout ce qu'on a vu à date.
Nous avons repris la mer dès 07h00 AM le lendemain matin. Cet PM je fus réveillée de ma sieste par un branle-bas de combat. On venait d'attraper... pas un, ni deux, mais trois petits thons jaunes. Ca faisait longtemps! C'était la fête sur Cat Mousses.
Le lendemain c'est un espadon qui a mordu, mais il s'est sauvé avec l'hameçon. Snif! Depuis le temps qu'on rêve d'un espadon. On l'a vu sauter comme un fou furieux pendant un bon moment pour se débarasser de l'hameçon. J'ai bien peur qu'il n'en viendra jamais à bout le pauvre, mais c'était spectaculaire à voir.
Ce soir pour mon quart de nuit, une surprise m'attend dans un sac 'Ziploc' sur le comptoir. Une belle grosse coquerelle, lire cafard pour les Français. Ouash!!! J'en ai des palpitations et la chair de poule. C'est une première pour ma carrière 'd'exterminatrice' et ça me glace le sang de savoir que nous avons peut-être une communauté de ces bestioles à bord. Nous avons dû chopper ça lors de notre 24 heures passé au quai dans le port des Foamulah aux Maldives, ou à moins que ce ne soit au Sri Lanka ou en Inde. Je déteste quand on est forcés d'utiliser le quai municipal d'un endroit. C'est ma hantise. A chaque fois je crains le pire, soit un rat ou des coquerelles et voilà... maintenant c'est fait! Elles ne perdent rien pour attendre ces bestioles, elles vont savoir comment je m'appelle. J'ai sorti toute mon artillerie cette nuit et je me promets de leur organiser un petit festin dès demain! A la guerre comme à la guerre!
Nous planifions atteindre les Chagos, le 12 mai au matin et y passer environ trois semaines. Nous en profiterons pour faire quelques tâches et travaux. Je me promets de terminer mes vernis si le temps reste suffisemment sec.
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