30 mars 2013
En navigation vers Trinidad Récit 242 -
La Guyane française Nous venons tout juste de terminer une escale d'une semaine en Guyane française, ce département d'outre-mer français, pris entre le Suriname et le Brésil. Les habitants de la Guyane sont appelés les Guyanais. Le nombre exact d'habitants est estimée à 236 000 habitants mais la présence de milliers de clandestins (30 000 à 60 000),pour la plupart employés à la recherche de l'or, rend le décompte un peu compliqué.
La population provient d'environ 80 pays, dont une quarantaine de nationalités, réparties comme suit: Les Créoles guyanais (environ 40 % de la population), Amérindiens de différentes ethnies, descendants des Noirs Marrons appelés « Bushinengés », H'mongs originaires d'Asie (arrivés en septembre 1977), Français originaires de France métropolitaine (environ 12 % de la population) et les autres populations (Chinois, Libanais, Brésiliens, Haïtiens, Surinamais, Guyaniens, Hindustanis, Javanais du Suriname et Laosiens (environ 40 % de la population de Guyane).
Bref, un beau mélange culturel dont la langue officielle demeure le français. En 1809, une force navale anglo-portugaise avait capturé le territoire de la Guyane pour le remettre aux mains du Brésil, jusqu'à ce qu'il retourne aux mains des Français, comme colonie, suivant les guerres Napoléonniennes. En 1946, la Guyane obtint officiellement le statut de département d'outre-mer (973).
Nous sommes arrivés à Dégrad Des Cannes le 19 mars en PM, pour nous mouiller dans la rivière et relaxer un peu.Dès l'approche des côtes, on ne peut que remarquer que l'eau prend une teinte, peu attrayante, soit de brun (café au lait). En fait, pour reprendre les paroles de nos copains du bateau Kangaroo, qui expliquaient merveilleusement bien le phénomène dans un de leurs articles... 'Les 378 km du littoral sont sous l'influence du fleuve Amazone, 450 km plus au sud, qui rejette 35 tonnes de sédiments par seconde, charriés ensuite par lecourant remontant la côte Est de l'Amérique du Sud.
A environ 4 miles des côtes, on aperçoit une ligne de démarcation, une sorte de frontière où l'eau devient brunâtre'. Dès le lendemain, après avoir fait des pieds et des mains, René réussit à louer une voiture pour deux jours. Heureusement qu'un bon samaritain guyanais lui offre gentiment le service de taxi. Il l'a trimballé d'un bout à l'autre de la ville tout l'avant-midi, c'est que c'est loin du bateau cette ville de Cayenne.
On savait que les Guyanais étaient généreux sur l'auto-stopping, mais à ce point! Le plan d'urbanisme et les communes un peuéparpillées font que les transports en commun ne sont pas très développés dans ce pays. Ainsi, il y a longtempsque nous avions vu autant de voitures. Gare à celui qui se cherche un stationnement! Il faut s'armer de patience. Ensuite, nous faisons un peu d'administration dont une lessive dans la ville de Cayenne (la capitale).
Ce jour-là,toutefois, nous ne sommes pas très efficaces car nous avions oublié la fameuse sieste ou pause de l'après-midi, où tous les commerces sont fermés jusqu'à 14h30-15h00 sinon 16h30 dans certains cas... puis nous découvrons que (en plus) c'est mercredi. Résultat, plusieurs commerces ne réouvrent pas leurs portes de la journée comme ce fut le cas du bureau de tourisme par exemple. Mais tout de même, nous décidons d'aller nous gâter les yeux en faisant la tournée rapide des supermarchés (Carrefour, Géant Casino et Super U).
A défaut de pouvoir acheter, on z'yeute, faute d'espace dans le frigo (c'est qu'on a encore des tonnes de poissons et un tout petit frigo puisque le frigo principal du bateau ne fonctionne plus pour le moment). On regarde avec envie et au moins, on stock du vin et du non périssable. Ha les supermarchés français... fabuleux! Baguette, fromage, charcuteries, bon vin...
Et que dire du marché de fruits et légumes de Cayenne. Un pur régal pour les yeux! Des ramboutans, des mangoustines! Ça nous manquait, il y a un moment que nous n'avions pas été gâtés de ce côté. Remarquez qu'au Brésil, il ne manquait pas de choix non plus (jamais nous n'avions vu de fruits de la passion aussi gros - tout simplement gigantesques). De plus, le Brésil nous avait, heureusement, aussi permis d'acheter plusieurs viandes sous vide et sans besoin de réfrigération.
Toujours est-il que le lendemain nous sommes bien déterminés à rentabiliser notre deuxième journée avec la voiture. Après un saut au bureau de tourisme et une réservation pour une visite future au centre spatial, nous partons pour le jardin zoologique de la Guyane, question d'avoir un aperçu rapide de la faune et de la flore de ce pays au climat équatorial amazonien. Nous sommes en plein coeur de la zone intertropicale de convergence.
Ici le soleil est tantôt brûlant et la pluie va et vient, rendant la forêt tropicale encore plus dense et luxuriante. Faute de temps (mais surtout de budget), pour nous payer une excursion en canot dans une rivière guyanaise, dans l'espoir d'y observer des animaux ou surtout oiseaux exotiques; nous nous rabattons sur le zoo.
Là, nous voyons une multitude d'animaux dont plusieurs espèces jamais rencontrées auparavant: différents singes, paresseux, Ibis rouge, perroquets de toutes sortes, Caimans, Tatou, Pakara, Agouti et autre). Une belle sortie en famille à voir de nouveaux animaux, en espérant les revoir plus tard en liberté dans la nature. En PM, nous partons vers Kourou pour y faire quelques géo-caches et faire une reconnaissance au centre spatial. Le matin du 23 mars, nous prenons la mer en direction des Iles du Salut mais faisons d'abord un saut d'une journée à l'Ilet Mère afin d'y voir les singes Saimiris (singes-écureuils) à pattes jaunes et agoutis en liberté.
Wow! Nous étions seuls au monde sur cette île déserte et quel plaisir nous avons eu avec ces adorables petites créatures; douces, curieuses et pas farouches pour deux sous. Ils nous montaient dessus, cherchaient des poux dans la tignasse de Thomas, lui mordillaient les oreilles, essayaient de lui ouvrir les yeux. Trop cute!
L'un deux a fait pipi sur Nicolas (Ouf, moi j'aurais trouvé ça moins drôle, mais Nicolas a pris la chose en riant). Ces petits singes sont très doux contrairement aux macaques ou babouins qui sont devenus un peu trop agressifs en certains endroits.
Je ne vous apprends rien en vous rappelant que la Guyane est bien connue pour son bagne qui fut un lieu de déportation des bagnards condamnés aux travaux forcés. Bien que le bagne ait été aboli, des ruines de bâtiments subsistent, encore aujourd'hui, aux îles du Salut et il nous tarde de les visiter. Dès notre approche en bateau, on aperçoit les trois ilôts des îles du Salut.
Nous mouillons devant l'île Royale qui abritait surtout les bâtiments administratifs, hôpital, église, maisonnettes des gardiens et quelques lieux de réclusion. Un monsieur fort intéressant nous en fera un tour guidé de deux bonnes heures le lendemain, suivant la visite du musée. Puis en PM, nous rallions l'île St-Joseph, sinistre endroit de réclusion individuelle, demeuré sauvage et que la végétation a pris d'assaut depuis.
Il est vrai de dire que les eaux entourant ces îles sont tumultueuses. Les courants y sont extrêmement forts, 6 noeuds en certains endroits. L'île du Diable, aujourd'hui bannie aux visiteurs n'était d'ailleurs accessible que par tyrolienne à partir de l'île St-Joseph et c'est là qu'étaient détenus les prisonniers politiques.
Bref, cet endroit sauvage, où des milliers de palmiers semblent avoir pris possesion des îles, est devenu un véritable petit paradis qui cache bien l'enfer du bagne qui y régna à l'époque. A titre d'information, il faut savoir que la Guyane était devenue une colonie pénale au milieu du 19 ième siècle.
Dans le but de pallier au manque de main-d'oeuvre, susciter le développement de la Guyane, et surtout débarrasser la métropole d'opposants politiques républicains et de délinquants de droit commun, le Second Empire crée des bagnes en Guyane. Ils accueillent des transportés, des déportés puis également des relégués jusqu'en 1946. D'ailleurs, le bagne des Iles du Salut fut vite surnommé 'dry Guillotine' ou guillotine sèche. En fait, très peu de morts furent infligées via la guillotine sur l'île Royale. Nul besoin en fait, puisque qui entrait sur ces îles, (prisonniers comme personnel de tout genre) avaient peu de chances de quitter l'endroit vivant et plus spécialement pour les bagnards, dont les conditions carcérales étaient tout sauf salubres.
Le taux de mortalité atteignait pour eux les 50%, d'où le nom de guillotine sèche. Les épidémies de tous genres et le manque de nourriture faisaient un nettoyage naturel. Alors qu'on tentait de ne perdre de prisonniers politiques pour éviter les scandales médiatiques, il en était tout autre des autres bagnards. Un prisonnier de moins équivalait à des problèmes de moins pour le personnel en poste et curieusement, les rapports de décès indiquaient pratiquement tous la même cause de décès: mort par arrêt cardiaque. C'était plus simple et ça évitait les soupçons, questions et enquêtes indésirables.
Puis, suivant la deuxième guerre mondiale, la décision fut prise de fermer le bagne et de rapatrier les derniers survivants. Ainsi, la France avait initialement espéré des détenus qu'ils ne reviennent jamais et fussent aussi des colons une fois leur peine servie. Mais ce fut un échec.
A partir de 1945, commença l'évacuation des prisonniers et les derniers survivants quittèrent le bagne en 1953. Aussitôt mouillés devant ces îles du Salut, nous avons pris le soin de ré-écouter le film de Papillon, question de nous remettre dans le contexte avant notre visite guidée. Dans ce film, on revoit bien Papillon, après avoir largué sa poche de jute remplie de noix de coco, sauter d'une très haute falaise, supposément à partir de l'île du Diable. Dans le livre, il raconte avoir soigneusement calculé le nombre de vagues pour identifier la plus forte des 7 vagues (soit la vague qu'il avait surnommée Lisette).
En fait, en voyant la morphologie de l'île du Diable, qui est très basse sans grande hauteur... nous avons été déçus de constater que le roman, bien que basé sur des faits vécus, était aussi très romancé. Il n'y a pas de falaise sur cette île et de toute façon, l'évasion de l'île du Diable décrite par Papillon avait été imaginée de toutes pièces car en fait, sa dernière évasion s'était faite de la prison de Cayenne.
Bref, il a un peu maquillé certains détails mais il faisait bon de visiter ce lieu fantôme tout en se remémorant les conditions carcérales décrites par Papillon dans son livre et film. Ce fut une visite fort enrichissante que nous avons grandement appréciée. Heureusement, la Guyane est aujourd'hui connue pour une cause plus noble: le Centre spatial guyanais (CSG) (base de lancement des fusées Ariane et lanceur civil européen de satellites commerciaux), situé dans la ville de Kourou.
En 1964 le général de Gaulle prend la décision de construire une base spatiale à Kourou en Guyane, destinée à remplacer la base saharienne située en Algérie et à développer l'économie guyanaise.
La position du département est privilégiée, proche de l'équateur avec une large ouverture sur l'océan. Le Centre Spatial Guyanais depuis les premières fusées 'Véronique', s'est largement développé au fil des années. Port spatial de l'Europe avec des lanceurs comme Ariane 4 et Ariane 5 qui se révèlent un véritable succès commercial dans le monde, le Centre spatial guyanais développe aussi le Programme Vega et une base de lancement Soyuz construite à Sinnamary, soit, celle que nous avons visitée avec notre tour guidé, l'après-midi du 25 mars.
De retour au bateau...heure de pointe - nos amis les moustiques nous attendaient de pied ferme. Ils nous dévoraient alors que nous avions les deux mains attachées ou plutôt occupées à transporter tous les sacs d'épicerie que l'on ramenait au bateau. On courait, on sautait, on criait, mais en vain... ils continuaient de nous piquer sous nos yeux impuissants. On se serait cru pourchassés par un essaim d'abeilles.
A part ça quoi de neuf?....et bien, on continue à bouffer du thon... à toutes les sauces, mais on ne s'en plaint pas. Fajitas au thon, trempette au thon, sandwichs au thon, ceviché, sashimis, pâté chinois au thon, hamburgers de thon, butter chicken (au thon), thon strogonoff, thon mariné et poêlé, Bacalau de thon, Stir Fry de thon à l'aigre-douce, bouchées à la King au thon...
Nous sommes présentment en navigation vers Trinidad pour y faire quelques travaux avant l'arrivée de mon frère le 28 avril. Mais le capitaine a capitulé et il appert que nous ferons d'abord un arrêt à Tobago, l'île voisine, à 60 miles de Trinidad.
Nous devrions y arriver dimanche matin, en temps pour célébrer Pâques, au terme d'une navigation de 4 jours avec des courants favorables qui atteignaient parfois jusqu'à 3 noeuds. Ça accélère grandement les navigations, on ne s'en plaint pas.
Un après-midi, lors de cette navigation vers Trinidad- Tobago, en voyant un banc d'oiseau et une baleine au loin, mes pêcheurs frétillaient d'impatience. J'ai dû lever mon embargo sur la pêche (on a maintenant terminé le thon frais - il ne reste que celui qui est bien scellé sous vide et précuit pour allonger la durée de conservation (sans compter les cannages et les filets de thion séchés)).
Bref, Nicolas met sa ligne à l'eau en disant qu'il sent qu'il y a des espadons ici. Cinq minutes (même pas) plus tard.... Ziiiiippppp! La ligne sort, sort et sort. On ramène tranquillement ce poisson qui réagit bizarrement dans son combat. Et oui!!! C'est un poisson voilier (sailfish, de la famille des espadons) avec son beau rostre. J'étais folle!!! Wow! On l'a ramené jusqu'au patin, on l'a filmé, on a tenté de le remonter, mais il nous faisait un peu peur avec son rostre menaçant.
Une fois il s'est donné un élan et a pratiquement sauté dans le cockpit à partir de la jupe arrière. Mais, on a un peu trop lésiné à attendre qu'il se fatigue et il a fini par couper la ligne. Pauvre Nicolas! Il retenait ses larmes de toutes ses forces mou pauvre chou.
Ça doit faire 3 ou 4 fois qu'on perd un espadon. Depuis le temps qu'il en rêve, une autre fois peut-être! Plus à suivre sur nos aventures du prochain mois à Tobago et au chantier de Trinidad.
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