18 avril 2012
En navigation vers le Sri Lanka
Récit no 207 - Notre arrivée au Sri Lanka
Une dernière parenthèse sur l'Inde avant de passer au Sri Lanka...
L'autre soir, suivant la recommandation de Julia et de ma belle-soeur Mireille, nous avons regardé le film 'Slumdog Millionaire': un film très à propos, suivant notre récente visite en Inde. Le film est basé sur un roman mais franchement, plusieurs des atrocités qu'on y voit sont à mon avis, très plausibles. La pauvreté en Inde est marquante, sans compter la senteur, qui je crois, nous a marqué à jamais, plus spécialement aux abords du Gange, où les murs étaient non seulement maculés d'urine mais aussi décorés de petits tas de merde humaine, enlignés le long du mur. Et que dire de notre arrivée en train à Agra (Taj Mahal) vers 06h00 AM. Quelle ne fut pas notre surprise de voir tout le monde (des dizaines et des dizaines de personnes) accroupies derrière les bosquets, les fesses à l'air faisant leur besoin en nous regardant droit dans les yeux alors que le train passait, à quelques mètres à peine derrière eux. Ils ne semblaient pas éprouver la moindre gêne. Les enfants regardaient les crottes tombées à gauche et à droite, ils avaient les yeux écarquillées et n'en croyaient pas leurs yeux.
Une autre chose qui m'a marquée et dont j'ai oublié de parler est le petit mouvement de tête que font les gens, on le voyait un peu dans le film, mais à peine. Vous savez les petits chiens collés dans le 'dash' des voitures, ceux avec la tête (montée sur un ressort), qui dodeline de gauche à droite. En Inde, il est très difficile de savoir si les gens vous répondent oui ou non à une question, car ce mouvement de tête... est pour le moins, pas toujours évident à interpréter. A la minute qu'on les regarde, qu'on leur adresse la parole, qu'on pose une question... La tête commence à leur balancer (comme celle de votre petit chien dans le 'dash'). Mettons que c'est pas clair, clair, la différence entre oui et non, ou du moins moi je ne l'ai jamais comprise. Si jamais j'acquiers un jour un de ces petits chiens à ressort... C'est décidé, je vais le nommer Hindi!
Bon alors... le Sri Lanka maintenant ...
Alors que nous naviguions, nous n'avons pas remporté énormément de succès côté pêche, cette semaine. Mais en fin de PM aujourd'hui, juste au moment où René s'apprêtait à prendre une douche sur la jupe arrière, un bateau de pêche, sorti de nulle part, est apparu. C'est toujours un peu surprenant de faire de telles rencontres en mer, on craint toujours un peu que ce soit des pirates, mais finalement les pêcheurs en question se sont révélés très gentils. Ils venaient du Sri Lanka, étaient bien fiers que nous soyons catholiques (comme eux) et disaient que malgré notre différence de couleur de peau, nous avions le même sang qui coulait dans nos veines. Ils nous ont offert un thon jaune et des crackers en échange de quoi nous leur avons donné des petits flasques d'alcool, des cigarettes et deux DVDs.
Au cours de notre deuxième nuit de navigation, vers minuit, alors que je m'apprêtais à venir prendre le relais de René pour mon quart de nuit, j'entends le moteur de babord faire quelques soubresauts, puis caler. Nous nous précipitons dehors pour constater que nous sommes empêtrés dans un énorme filet de pêche qui semble s'étendre à perte de vue. Il n'y a qu'une solution, plonger pour aller constater les dommages et voir si nous pouvons dégager le bateau. René plonge et réussit à dégager l'hélice et le safran de tribord. Pour babord ce sera plus compliqué, le capitaine me demande de me joindre à lui pour un bain de minuit... ce que je m'empresse d'accepter... avec joie, vous vous imaginez! Je vais réveiller Thomas pour qu'il puisse au moins nous surveiller. Avec ces vagues, en pleine mer, au milieu de la nuit noire, il serait facile de se faire assomer sous la coque. Inutile de dire que je ne me sens pas très rassurée de sauter à l'eau ainsi en pleine nuit mais bon... ça fait partie de mon énoncé de fonctions (sous la ligne toutes autres tâches connexes. J'ai pris mon courage à deux mains et j'ai sauté. Armés de nos lampes sous-marines et de couteaux, René coupait et moi j'éclairais. Malheureusement, nous n'avons eu d'autre choix que de couper le filet de pêche pour dégager le bateau. J'avoue que c'était un peu dommage de couper un si beau filet de pêche, qui en plus, nous semblait tout neuf. Conséquemment, nous craignions de voir le propiétaire de ce beau filet rappliquer au pas de course pour venir nous réclamer son dû en guise de dédommagement. Il aurait pu nous présenter une facture assez salée et nous n'avions pas tellement envie de nous retrouver au milieu de pareille situation, alors nous avons abandonné toute tentative de dégagement de l'hélice de babord. Elle devrait attendre au petit matin et nous allions nous contenter d'un seul moteur pour le reste de la nuit. Nous n'avions qu'une seule idée en tête, soit quitter cet endroit au plus vite, ni vu ni connu. Nous étions un peu peinés pour les pêcheurs mais, par contre, il faut dire que leur filet n'était pas très bien indiqué; il n'y avait aucune balise lumineuse clignotante en vue.
A partir de ce moment, nous avons passé nos nuits à faire la sentinelle à l'extérieur assis sur le pont, armés de nos lunettes d'approches et 'Spot light'. Les nuits étaient longues! Considérant la quantité innombrable de bateaux de pêches tout partout autour et devant nous, c'était tout un 'slalom' que d'essayer de serpenter parmi tous ces bateaux et ces bouées clignotantes et comme pour nous confondre, le ciel était criblé d'éclairs tout autour de nous. Ca faisait beaucoup de lumières à gérer. Heureusement, nous n'avons plus eu d'autres incidents et sommes arrivés à destination en fin de PM vendredi le 20 avril.
Nous pouvions le constater depuis la mer; le Sri Lanka était chapeauté d'un plafond de nuages, et pour cause, c'est justement la saison des pluie qui s'y installe. Nous qui n'avions plus eu de pluie depuis février en Thailande, nous sommes servis. Nous n'étions pas sitôt arrivés que nous avons essuyé notre première averse de pluie, le 'timing' était bien choisi. Nous avions tous les officiels du port sur Cat Mousses qui nous sommaient de nous dépêcher craignant de voir la pluie abîmer leurs beaux habits. C'est bien beau vouloir se dépêcher mais il fallait mettre deux ancres à l'avant puis reculer sur un espèce de quai flottant en plastique, sur lequel nous devions nous amarrer à babord et tribord. Il fallait pouvoir calculer combien long de chaîne mettre: pas trop pour ne pas rentrer dans le quai mais en même temps suffisamment pour pouvoir reculer au quai et pouvoir sécuritairement monter et descendre du bateau lorsque nécessaire. (Bon sécuritaire on s'entend... hier je me suis cassée deux orteils en sautant mais ça c'est une banalité).
Puis, il y avait la parade d'officiels qui voulaient nous faire remplir papier par-dessus papier: je vous confirme, qu'ici aussi, ils sont fanatiques des étampes. Notre étampe du Cat Mousses s'est faite aller ce soir-là. Disons que notre patience était mise à rude épreuve. Me croiriez-vous si je vous disais que monsieur le douanier, celui-là même qui nous a demandé de lui faire un inventaire de notre réserve d'alcool à bord, (le même monsieur qui nous a scellé nos compartiments pour nous en restreindre l'accès pendant notre passage au Sri Lanka), nous a demandé un 'Backshish' ('bribe' ou je ne sais quoi en français), soit un petit don d'alcool. ' Hoonnn! Désolé monsieur l'agent, avec le scellé que vous venez d'apposer, nous n'avons plus accès à nos bouteilles... ça nous aurait fait plaisir mais vous comprenez...' Puis ce fut à monsieur le docteur de la quarantaine à nous demander une bouteile de Whisky. Ça j'avoue que ça nous agresse au plus haut point! Et dire que cette pratique (de quêtage) est formellement interdite par les autorités du port, comme l'indique une énorme pancarte que nous avons prise en photo à l'entrée! Ce soir-là, j'avais juste envie de repartir au plus vite, mais au petit matin... le soleil était de retour et la météo n'annonçait rien de bon comme vent pour reprendre la mer. Nous sommes donc partis finaliser nos papiers avec l'immigration et nous avons fait de très belles rencontres qui nous ont fait réaliser, qu'hormis ces premières expériences désagréables à notre arrivée, le Sri Lanka avait beaucoup à offrir.
En après-midi, nous avons pris arrangement avec un chauffeur de taxi pour qu'il nous emmène, visiter le sud du pays pour quelques jours cette semaine. Au programme, nous envisageons entre autre un safari au Yala National Park, ainsi que l'ascension d'une montagne de 2243 mètres, appelée 'Adam's Peak'. Cette excursion est en fait un pélerinage qui se fait depuis plus de 1000 ans et qui consiste à gravir une série de 5200 marches entre 2 heures du matin et le lever du soleil. Nous étions plus ou moins réticents à accorder aussi rapidement notre confiance à ce monsieur mais en fin de PM il nous a emmené chez lui pour rencontrer sa femme et ses deux enfants et nous offrir des fruits de son jardin (mangues, fruits de la passion et goyaves). Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que cinq ans auparavant, il avait emmené, pour le même genre de périple, une famille de navigateurs australiens (Vagabond Heart) que nous avons bien connue dans les Marquises. Cette famille est restée en étroit contact avec Sajee (notre monsieur). Ils l'avaient d'ailleurs aidé, financièrement, à sa relever du tsunami de 2004 pour se rebâtir une nouvelle maison, la sienne ayant été rasée. Depuis, ils correspondent régulièrement et cette famille lui envoie à l'occasion un peu d'argent. Bref, nous sommes tombés sur un bon monsieur en qui nous pouvons avoir confiance et sans plus de questions, nous allons le laisser nous emmener sur ce petit périple que nous sommes à planifier. Vu la grandeur du territoire à couvrir et la conduite un peu rocambolesque des pays asiatiques, nous préférons nous laisser conduire plutôt que de louer notre propre voiture. Ce sera plus simple et plus rapide.
Pour terminer, un peu d'informations générales... Le Sri Lanka, en forme de larme, se situe au sud est de l'Inde et fut autrefois appelé Ceylan jusqu'en 1972. C'est une république indépendante du Commonwealth; cette île d'une superficie de 65 607 km carré, avec ses neuf provinces et 22 districts, fait 353 km de long par 183 km de large. Avec une population de plus de 20 million d'habitants, les langues parlées sont le Tamoul (comme dans le sud de l'Inde), le cinghalais et l'anglais. Les religions sont surtout bouddhistes et musulmanes. La capitale est Colombo et la devise y est le roupie srilankais (126 roupies pour 1$). Ce pays se relève à peine d'une guerre, qui n'a pris fin qu'il y a trois ans. En effet, jusqu'en mai 2009, des conflits incessants ont sévi entre Tamouls et la majorité cinghalaise. A la fois les pressions de l'Europe pour la résolution de ce conflit, le leadership du gouvernement Sri Lankais et l'essouflement du mouvement de libération tamoul ont mené à la fin des conflits. Le nouveau gouvernement oblige maintenant tous les Sri Lankais à parler 3 langues, le cinghalais, le tamoul et l'anglais. Ils s'identifient tous maintenant comme Sri Lankais et non par leur origine ou religion. Le Sri Lanka a une multitude de ressources naturelles inexploitées et maintenant que la guerre est terminée, le gouvernement a la ferme intention de rediriger ses budgets de guerre en faveur de la croissance économique.
Nous nous trouvons actuellement dans le port de Galle, dans le sud-ouest du Sri Lanka. Cette ville est très prisée pour le cachet exotique que lui confère son passé colonial hollandais. A prime abord, nous nous sentions ici un peu comme en Inde puisque physiquement, les habitants du Sri Lanka affichent le même physique que les Hindous. Par contre, une fois en ville, nous avons constaté trois différences marquantes: 1. Les femmes ici ne portent pas le sari comme les femmes hindous. (C'est dommage car après avoir vu les si beaux agencements de tissus que portent les femmes indiennes, les habillements occidentaux me semblent parfois dépareillés. Les femmes Hindous sont, à mon avis, un modèle de féminité avec leurs habits et bijoux.) 2. On n'entend pratiquement pas de son de klaxons sur les routes. 3. Tout est beaucoup plus propre et les déchets sont là où ils devraient se trouver, soit dans les poubelles. En ce qui concerne le petit mouvement de tête (vous savez le chien...), nous ne sommes pas trop dépaysés; ici aussi ils le font, mais plus subtilement.
Pour finir, côté santé, nous sommes toujours à combattre les bactéries ramenées de l'Inde. Il nous tarde de voir les crampes et les diarrhées cesser complètement. Pour le capitaine, toute flatulance est toujours hors de question, il n'y a pas de risque à prendre! Et puis il y a la grippe dans mon cas et celui de René, mais on va finir par s'en sortir. Notre dernière grippe remontait à si loin que nous avons perdu l'habitude, ça frappe fort, on ne s'ennuyait pas de ça. Plus à suivre dans mon prochain récit quant à notre périple à l'intérieur des terres.
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