Nous allons vous conter deux périodes de traversée soit celle des
Canaries au Cap Vert et celle du
Cap vert à la Martinique
La traversée des Canaries au Cap vert a duré 6jours, du 28 novembre au 5 décembre.
Le 28 nov., après avoir parlé à nos amours de blonde et d’enfants, nous laissons les Canaries pour le Cap vert vers 13h. Danielle n’avait pas navigué depuis 2002 en Grèce ; elle est donc attentive aux manœuvres et aux demandes de ces deux capitaines.
Nous démarrons avec un vent de 10 nœuds et le régulateur d’allure a peine à nous tenir le cap. Le pilote automatique prendra donc le relais. Dès 15 h. nous faisons la sieste. Après le souper soit 19h., Danielle et moi décidons d’établir nos quarts de surveillance. Le capitaine, pour sa part plonge dans un juste sommeil. Il laisse la surveillance du voilier au Mer Veille et aux 2 matelotes. Il faut ce qu’il faut. Les Canaries s’illuminent dès la tombée du jour et cette luminosité nous suivra sur plus de 40 milles parce que l’île de Hierro se situe au sud de l’archipel. La houle nous brassera toute la nuit et le peu de vent sur le matin, nous forcera à demander au moteur de faire sa part. Danielle veille longtemps sur le pont pour sentir la mer et admirer la voie lactée.
Au petit déj. du 29 nov., Danielle nous présente du pain doré : la traversée augure bien. Nous remontons les voiles au début de l’avant-midi, mais le vent ne tient pas et nous nous résignons à démarrer le moteur. Lecture et sieste s’ajoutent au spectacle des dauphins sur le coup du midi. Le moteur fera son ronron jusqu`à 3h AM. Espérons que nous ne ferons pas trop de moteur !
Au cours de la nuit du 30 nov., nous avons ouvert l’œil aux heures plutôt que de rester éveillées. À 3h AM, nous montons des voiles puisque le vent se lève. Tout l’équipage est sur le pont pour effectuer la manœuvre. À 11h., nous naviguons à 6 nœuds, c’est agréable. Nous nous adaptons à la haute mer et malgré une bonne faim, nous dégustons très tranquillement les repas que Ginette préparent.
Comme nous sommes relativement près des côtes, les oiseaux volent autour de nous. Nous remarquons leur agilité à voler face au vent et en prenant le creux de la vague pour s’abriter et poursuivre leur route. Michel écoute et communique avec le Réseau du Capitaine dès midi. C’est comme lors de notre traversée de 2001, les radios amateurs nous accompagnent avec leur météo et le bonjour quotidien.
Nous sentons que nous nous amarinons. À preuve, nous nous remémorons l’alphabet maritime ( Alpha, Bravo, Charlie…) Il nous en manque, mais avec la grande mémoire de Michel, nous faisons le compte. La nuit tombée Danielle nous alerte. Des bateaux à l’horizon, circulent. L’instrument «Le Mer Veille» a bippé. Sommes-nous en gisement de collision ? Non, en identifiant les feux, nous constatons qu’ils passent loin. Pour Danielle, c’est autre chose. Elle surveillera leur progression jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Nous sommes sous voile avant, en ciseaux, toute la nuit à environ 10-12 nœuds de vent. On se la coule douce. Et voilà qu’à 4 h AM, le vent tourne un peu et tout l’équipage se retrouve sur le pont pour enlever les tangons.
Le 1er déc., nous nous levons vers 8h et moi un peu plus tard ce matin. Danielle et Michel ont déjà pris un début de petit déj., mais je leur cuisine un œuf surprise pour compléter. Nous avons une belle journée de voile à 10-15 n. du NE. Le régulateur d’allure reprend le contrôle du cap. Michel fait de l’amélioration locative aujourd’hui : il ajoute des planchettes dans chacune des armoires pour éviter qu’à chaque fois qu’on ouvre tout nous tombe dessus avec le roulis. C’est époustouflant, on arrive encore à trouver s’occuper après tant d’heures de mer sur Air d’été. En fin de journée, les filles veillent dehors jusqu’à 21h.et le capitaine roupille.
Le 2 déc., la houle et le vent, nous brassent et nous tenons difficilement dans nos couchettes. Michel, nous conte son rêve fou et on en rit. Nous vivons nuit et jour maintenant. Nous sommes fatigués de cette nuit. À 13h, nous entendons un zling, la ligne à pêche file. Michel remonte une dorade turquoise, bleue, jaune et grise. C’est magnifique. Nous sommes heureux de la griller dans la pôele. Yum !
Les jours et les nuits qui suivent jusqu’au 5déc. se ressembleront. Au cours des journées, nous admirons la mer, nous ajustons les voiles, mais plus ou moins parce que le vent demeure dans la même direction. Nous mangeons dehors pour éviter le mal de mer et nous nous servons de petites portions. Les menus changent : céréales, œufs, crêpes et toasts avec jus pour le déjeuner. Le repas du midi sera sans conteste le repas principal puisque le soir, la fatigue se fait davantage sentir. Entre des repas de dorade, nous aurons de la lasagne et du bœuf bourguignon Les filles veillent en regardant le firmament tous les soirs. Nous faisons la garde de nuit et le capitaine en confiance avec son équipage et le Mer Veille dort profondément. Nous ferons au cours de la nuit un ajustement de voile parce que le vent augmente ou diminue. La surveillance la nuit consiste à vérifier le cap et à surveiller le passage de bateaux qui n’auraient pas leur radar en fonction. Au cours de cette traversée, nous aurons découvert les poissons volants (exocets) qui se retrouvent sur le pont du bateau à cause des vagues qui les y projettent.
Dans la nuit du 5déc., nous nous faufilons entre deux îles et un rocher pour entrer dans la baie de Mindelo. Nous avons parcouru 800 milles nautiques en 6 jours et demi. Nous avançons lentement et apercevons une marina laquelle n’était pas indiquée dans notre guide 2000. Il s’en passe du développement en huit ans. À 3 heures du matin, trois personnes nous accueillent au port. Du jamais vu ! Nous nous installons à la pendille et dormons jusqu’au lever du jour. Bravo ! Nous sommes au Cap vert.
Nous serons à Mindelo du 5 au 9 déc. . Mindelo est un grand port ; nous sommes donc entourés de grands navires de transport. Ça ne nous semble pas très moderne, nous voyons des rafiots plus ou moins entretenus.
Nous rencontrons des gens qui vivent ici, mais plusieurs Africains du continent y viennent espérant gagner leur vie. Tous tentent de nous vendre des bricoles et nous courent après. «Madame…tu vas bien... how are you?» Ils cherchent à nous parler dans notre langue. Des enfants quêtent. Nous sommes en Afrique.
Nous retrouvons dans cette petite ville l’architecture portugaise, vestige de leur colonisation. Nous nous promenons un peu plus loin à chaque jour. Comme nous sommes au pays de la langouste, nous allons au resto pour en déguster. Nous avons cependant un problème. Nous ne pouvons payer qu’en euro ou en argent local; nous n’avons plus ni l’un ni l’autre. Les guichets automatiques ne nous fournissent pas d’argent non plus. Ben, nous réussissons quand même à manger parce que le proprio nous fait crédit jusqu’au lundi lorsque la banque ouvrira. C’est merveilleux ! En tout cas, l’atmosphère est bien agréable. Nous entendons la musique de Cesera Evora et bien d’autres. Le marché public est animé et les gens sont de bel humeur.
Après une traversée, c’est le temps des travaux pour réparer ce qui a fait défaut en mer. Danielle et Michel nettoient donc le tuyau d’évacuation des toilettes parce qu’il est bouché depuis quelques jours déjà. Heureusement, nous avions la fosse septique, mais faut réparer. Ils s’y mettent.
Nous sommes attentifs à la météo des alizés et attendons une fenêtre pour partir. Des équipages partent à peu près tous les jours pour le Brésil ou les Antilles. Nous nous préparons pour le 9 déc. Nous nous approvisionnons pour 23 jours tout en sachant que nous avons déjà fait le plein aux Canaries et que la traversée devrait durer environ 17 jours.
Le grand départ pour les Antilles vers La Barbade est le 9 déc. Nous avons fait nos formalités de sortie pour remettre à qui de droit de l’autre côté de l’Atlantique. Avec un peu de trémolo, nous larguons les amarres vers 15h. Nous sommes trois voiliers à quitter au cours de la même heure. Nous nous perdrons de vue rapidement de vue parce que l’un se rend au Brésil, nous sur la Barbade et l’autre sur la Martinique. Une dizaine de degrés à tribord et à bâbord y fait.
Nous prendrons 16 jours et demi pour traverser l’Atlantique vers l’arc Antillais avec en prime une aventure imprévue.
Le 9 déc., entre les îles du Cap vert, le vent s’accélère à 20 noeuds sans houle. Nous filons et c’est bon. À peine sortis du couloir, une dorade s’offre à nous pour souper. Heureux sommes- nous dans cette généreuse mer. La houle s’installe rapidement lorsque nous laissons les îles. Nous installons le foc tempête pour diminuer le roulis, mais c’est plus ou moins efficace attendu que la houle vient de si haut dans le nord et que le vent la maintient.
Le 10 déc., Michel décide de faire une route plus sud dans les alizés afin d’éviter les forts vents prévus de 30 noeuds plus au nord et d’éviter les dépressions qui se comblent rapidement sur elles-mêmes. Le soleil tape fort, nous installons une toile pare-soleil. Ouf ! c’est mieux pour nos cocos et notre peau. Ne vous inquiétez pas, nous sommes crémées jusqu’aux orteils à la 30 s’il vous plaît et nous buvons beaucoup d’eau. Le vent passe davantage à l’est une partie de la journée puis revient au NE de 10 à 15 noeuds. Nous filons toujours de 5à 7 noeuds avec des surfs à 9 noeuds. Nos quarts de surveillance à Danielle et moi se partagent au gré de notre état de fatigue.
Le 11 déc., nous aurons une autre journée costume de bain. Comme la houle persiste, nous nous obligeons à porter notre harnais à chaque fois que nous allons sur le pont avant. Vaut mieux cela que d’effectuer les manœuvres de l’homme à la mer que nous récapitulons d’ailleurs. Nous assistons à notre spectacle de dauphins vers 14h et vers 16h, un navire apparaît à l’horizon. Il se dandine en traçant des demi-cercles tout en se rapprochant de nous. Michel communique sur le canal 16 avec ce navire. C’est un pêcheur Espagnol qui lance et reprend ses filets. Il livre son poisson au Cap vert à 200milles.
Comme le poulet a décongelé tranquillement, que nous avons encore une belle dorade et qu’il vaut mieux cuisiner tôt dans la journée, je le fais cuire au presto puis il se conservera sous vide 24 heures, grâce à la cuisson sous pression. La bouffe à bord doit être planifiée parce que le temps et le cœur sont plutôt imprévisibles.
12 déc., la nuit est plus agitée. Nous vérifions le cap à toutes les heures et comme le pilote et le régulateur fonctionnent, je m’assure que la roue est bien barrée afin qu’un instrument ne nuise pas à l’autre. Le vent s’établit entre 20 et 25 noeuds du NE comme prévu. Les alizés sont forts, mais constants. Nous organisons donc nos voiles et la vie à bord en conséquence. Michel devra aujourd’hui ajuster la bombonne de propane à deux reprises parce que le gaz ne se rend pas au poêle. C’est du sport ! Descendre sur la marche extérieure du bateau, ouvrir le caisson et ajuster le régulateur. Il est attaché et on double la sécurité avec un autre cordage question qu’il se sente justement retenu.
Danielle trouve ça plus difficile aujourd’hui. On la laisse se retirer dans sa bulle. Sur le bateau, le respect des bulles doit être proportionnel à l’espace restreint.
Le 13déc, la lune nous a accompagnée toute la nuit ce qui a le don de diminuer nos angoisses nocturnes. Nous nous levons vers 8h et le lever de soleil rend rose tout l’horizon. A vrai dire, il est amplement temps que nous reculions notre heure. Nous convenons d’un recul de deux heures et nous ferons de même trois jours avant d’arriver aux Antilles. Nous croisons de loin un minéralier. On dirait qu’il fait un détour pour nous passer, mais dans les faits, c’est la rondeur de l’horizon qui nous trompe. Malgré la communication que Michel, nous ne recevons aucune réponse. Le vent et la houle nous brassent encore et le même temps est prévu pour encore deux jours. Il faut s’y faire. On est plus souvent dehors le jour et la nuit nous ne sortons pas du cockpit à moins que tout l’équipage soit commandé.
Du 14déc au 19déc., nous vivons un scénario similaire. Nuit surveillée par les filles, mais Michel surveille de sa cabine. Les repas sont toujours trop copieux et la bière est de moins en moins consommée. Je cherche à chaque jour à diminuer les bruits dans le bateau qui deviennent insupportables la nuit. Nous admirons la mer et Air d’été qui se comporte comme un pro. Avec le décompte quotidien, nous devrions prendre 15 jours pour atteindre La Barbade. Nous maintenons une vitesse moyenne de 5 noeuds et le vent est toujours du NE. Danielle m’inscrira aux Jeux olympique parce que je réussis à cuisiner dans le roulis en maintenant tout en place. Vive les cardans du poêle, les attache-plats et mon coeur sans mal de mer. Chacun de nous lit ce qui l’intéresse dont Millénium 1-2-3. Avec la permission du capitaine et la confiance dans « Le Mer Veille » les filles dorment et vérifient maintenant au deux ou trois heures les conditions de navigation. Nous tentons de réduire l’impact du roulis en plaçant le foc tempête au mât, mais rien n’y fait.
Une barre d’attache du régulateur d’allure casse. Michel sort le coffre d’outils et perce une ferrure qu’il installe avec des collets sur le bout de la tige cassée et le tour est joué, Il resserre les autres vis, vérifie l’équipement et le remet en fonction. C’est tout un exploit dans la vague et le roulis. Nous ne partirions jamais sans un capitaine qui ne connaît pas son bateau et qui n’est pas capable de tout réparer. Vive le nôtre ! Nous dormons tous dans le carré, c’est l’endroit le plus confortable.
Le 19 déc., il fait beau et doux. Le vent de NE est de 15 noeuds. C’est presque une autre journée costume de bain. C’est notre anniversaire de mariage : 38 ans. Michel nous a fait des brioches aux dattes. Nous nous régalons. Nous communiquons avec le Réseau du Capitaine qui à chaque jour à partir de notre position, nous donne l’état de la mer et la prévision météo. C’est aussi l’occasion d’entendre d’autres équipages et de recevoir des nouvelles du Québec parce qu’il y a quelqu’un qui fait une revue des grandes lignes des journaux.
Je sorts du carré et qu’est-ce que je vois comme dans un film ? Le mât se casse près des barres de flèches et ensuite le mât sort du tabernacle et entraîne avec lui les deux étais avant et nos deux voiles en ciseaux. «Michel le mât tombe» Il sort branche l’antenne de la poupe et entre aussitôt pour dire au Réseau du capitaine : «Sécurité, sécurité, sécurité. Ici VE2MPJ, nous venons de perdre notre mât, l’équipage n’a rien, nous évaluons et revenons sur les ondes dans 20 minutes... Je peux communiquer parce que j’ai une deuxième antenne radio... » Nous sommes tous les trois sur le pont, nous portons nos harnais et nous regardons si nous pouvons récupérer quelque chose. C’est trop lourd, nous ne pouvons rien remonter. Les voiles et le mât sont entre deux eaux. C’est d’une tristesse. Nous voyons que le bateau se fait frapper, mais sans fracas. Heureusement que le temps est clément. Je retourne à l’intérieur chercher des outils pour tenter de scier et récupérer.
Le Réseau nous appelle. « Confirmation, nous ne pouvons rien faire pour récupérer le mât, c’est cassé au niveau des barres de flèche et le mât est sorti du tabernacle, c’est le bôme qui retient avec les étais. Nous allons bien, mais comme ça touche à la coque, nous devons tout couper, nous vous rappelons dans une demi-heure... » Je cours dehors et Michel scie les haubans et étais après avoir essayer de dévisser les ridoirs de bâbord et le vis de mulet. Danielle soulage la coque avec des pare-battage. Le bôme nous donne du fil à retorde, il tient et nous le poussons pour qu’il ne fracasse pas la coque. Nous poussons, pensons de scier un chandelier parce que le pont se fissure. Alors Michel scie le dernier hauban et plouf ! avec une poussée des pieds.
Maintenant tout traîne derrière. Que se passe-t-il ? Une drisse retient quelque chose. Michel tire et nous tirons. Nous récupérons la têtière du mât, l’anémomètre et des bouts de cordages. Je retourne encore à l’intérieur et parle à Mad. Nathalie, relais au Venezuela. «Tout va bien pour nous, mais nous avons dû balancer le mât et le bôme. La coque ne semble pas touchée parce que nous n’avons pas de voies d’eau. Nous allons installer un gréement de fortune...» Michel continue. «Nous manquerons de diesel» Le Réseau du Capitaine est vraiment un réseau. Tout se met en place pour nous secourir. Un radio amateur de Québec nous parle et nous dit qu’il peut nous mettre en contact avec un réseau américain sur la fréquence 14300 Mhz. Le Réseau du Capitaine et cet autre de Québec continue d’organiser notre secours. Les coordonnées de notre bateau et de notre balise de détresse sont communiquées aux services qui assurent notre secours.
Nous reprenons nos esprits et nous nous félicitons d’agir avec promptitude et calme. Nous mangeons un peu. Nous entreprenons de faire le ménage sur le pont en ramassant les étais récupérés, roulons les cordages et attachons au filet les haubans. Michel bouche les trous des ridoirs et sur le pont au cas où. Nous avons des appels de support à toutes les heures.
À 16h, le Réseau du capitaine et le radio de Québec nous confirment qu’un pétrolier de ravitaillement de la marine américaine viendra sur notre route pour nous donner du diesel. À 19h, le pétrolier nous parle à la VHF parce que Michel a installé 1 mètre de fil en guise d’antenne de secours pour la radio maritime. Nous nous rencontrerons d’ici une heure, il est en vue. 20h. et les capitaine se parlent. Le pétrolier se placera au vent et nous serons sous le vent. C’est énervant ; un bâtiment de près de 1000 pieds de long et 60 de haut est là. Le chef du pont nous lance des amarres et c’est eux qui contrôle notre voilier. Nous avions mis tous nos pare-battage.
Deux bidons sont déjà prêts. « Please cheak if it’s what you need ?» C’est du mazout noir, peut-on ? Non. « Sorry, we need diesel or heating fuel, the red one...» Nous retournons les bidons reçus et ils nous retournent 300 litres de diesel. Nous discutons de l’endroit pour placer tous ces bidons. À l’arrière. Danielle ficelle le tout. Nous serons près pour le mauvais temps prévu pour les prochains jours. Une fois terminé, nous retournons au capitaine du pétrolier une boîte de sirop d’érable. Nous nous laissons sous les clic ! clic! des appareils photos des marins. Tiens, nous n’avons pas pris de photo ni du mât à l’eau ni du pétrolier. On l’aura dans notre mémoire.
Nous reparlons au Réseau du Capitaine par Mad. Nathalie. Nous leur confirmons que nous avons eu du diesel et que tout va bien pour l’instant. La pression baisse un peu. Nous nous assoyons enfin, un peu découragés, mais résignés devant la désolation. Nous savons que ce ne sera pas facile, mais nous avons ce qu’il faut pour gagner sur la malchance : expérience, le matériel nécessaire et le moral.
Nous expédions des messages sur Winlink toute la journée et en soirée afin de rassurer les nôtres, mais aussi pour puiser du courage dans leurs encouragements. Dire que Danièle F. a tout entendu en direct sur le Réseau du capitaine : ça devait être fort dérangeant ( lire trouille). Nous passons une première nuit à moteur avec un peu d’inquiétude, mais nous nous reposons.
Bravo à notre équipage qui a su mettre son expérience, son sans froid, son esprit d’équipe avec chacune des compétences personnelles au profit de l’instant présent et du futur. Nous gardons aussi de cette journée le souvenir d’une extraordinaire d’entraide entre les radios amateurs et les gens de la mer. Moins de 8 heures après notre accident nous étions en route à moteur vers la Martinique. Le voilier était comme avant mais sans mât. Tout était en état de marche, eau, nourriture, instrumentation. L’équipage était encore sous le choc mais ça allait. Merci à tous les bénévoles qui nous ont soutenus et qui ont continué à le faire pendant les 6 jours qui ont suivi
20 dec. ,il reste 680 milles. Nous nous levons et faisons ce qu’il se doit pour monter notre mât de fortune. Un de nos deux tangons, le foc tempête, des cordages et des poulies. Danielle pose plusieurs questions pour comprendre et s’assurer que ça tiendra. Elle est précieuse notre équipière avec ses questions. Elle permet que nos gestes plus ou moins automatiques soient repensés. Nous avons en place un tout petit gréement, mais qui nous permet d’avancer doucement à voile soit près de trois noeuds. Nous ouvrons le moteur à 1200 à 1800 tours et nous atteignons 5 noeuds. Nous avançons et le bruit ne nous casse pas trop les oreilles. Nous reprenons aussi notre routine soit ménage, bouffe, sieste, lecture et communication radio. Je fais de la bouffe parce que le grand vent prévu rendrait la cuisine difficile.
Lors de notre communication avec le Réseau, nous apprenons que nous sommes attendus à La Martinique au port Le Marin. C’est rassurant parce que nous savons que nous aurons beaucoup à faire. Nous expédions un message à la compagnie qui nous assure. Ce sera une préoccupation tant que ce ne sera pas réglé. Nous avions une nouvelle évaluation du bateau avec cet assureur espérons que tout ira, non pour obtenir un bateau neuf, mais pour le remettre à sa valeur et prêt à naviguer comme avant. Nous dressons déjà une liste des dégâts pour ne rien oublier.
Au cours de la nuit du 21 déc., le vent tombe et reprend à 5-10 noeuds du NE. La vague vient de deux côtés et le roulis en est influencé. Ça bouge de tous côtés et sans à peu près pas de voile, le voilier n’est pas supporté. En conséquence, nous ne savons plus comment se placer pour dormir. Michel se retrouve par terre, je change de tête à pied et Danielle est aussi dans le carré. C’est chic en titi. Tout est sans dessus dessous : on se replacera le temps venu.
Aujourd’hui, Michel change l’emplacement du foc tempête, c’est-à-dire le point d’envergure vers le haut, le point d’écoute sur la rail avant tribord et le point de drisse comme point d’écoute. Effectivement nous nous portons mieux. Le bimini est aussi en place pour nous protéger du soleil.
Du 22 au 25 déc. Il reste 430m, puis 280m puis 130m. Nous avançons chaque jour à peu près au même rythme. Le vent monte jusqu’à 30 noeuds du ENE avec des diminutions à chaque jour. La vague est parfois énorme soit de 5 mètres, mais elle aura en moyenne 3 mètres. L’écume blanche est presque toujours présente. Avec le GPS et les cartes marines interfacées, nous ajustons chaque jour notre cap. Nous continuons de donner notre position au Réseau du Capitaine.
Air d’été se comporte bien avec la petite voile associé au moteur. Plusieurs fois, nous nous sommes dits que nous aurions eu de belles journées de voile, mais le sort en a voulu autrement. Les levers et couchers de soleil sont toujours aussi magnifiques. Danielle remarque d’ailleurs une faiblesse au régulateur d’allure: ça bouge. Michel se met au travail. On le retient et on lui passe les outils et dans le roulis la boîte de clés à molette fout le camps dans le fond du cockpit. Gardons le calme si ce n’est pas le sourire. On a plus besoin de notre Gita pour nous diriger avec le vent, on l’enlève. Après ce sera au tour du régulateur de propane à faire des siennes. Michel retourne donc sur la marche arrière. Pour naviguer au long cours, il faut connaître tous les métiers comme notre super capi.
Tiens Ginette a une sensation de mal de mer et d’inconfort. C’est ma journée au ralenti. Le stress tombe peut être. Puis ce sera au tour de Michel et de Danièle. Allons le corps et l’esprit ont leurs raisons qu’on ne peut tout comprendre. L’important est de laisser vivre.
Au fur et à mesure Michel et Danièle transvident le diesel. Et voilà, c’est au tour du filtre à diesel de l’alimentation de bloquer. Question de s’occuper, nous le changeons après avoir vérifié les autres éléments. Michel saigne les conduits et je pompe au pouce le dernier bout pour que le tout se rende aux injecteurs. Un deuxième filtre sera ajouté au bout du siphon automatique de trans-vidage. La courroie du moteur glisse : Michel la change et on fait la même chose à la courroie du pilote automatique qui force dans le surf trop fort poussé par la vague arrière. Toute l’instrumentation y passe en plus de jeter un coup d’œil au gréement de fortune.
Comme vous pouvez le remarquer, nous ne manquons pas d’occupation en plus de la bouffe, la sieste, la lecture et l’éternel regard vers la mer et les étoiles de la nuit. Chaque matin, nous enlevons les exocets (poissons volants) que la mer a jetés sur le bateau. Quelques dauphins nous accompagnent et nous croyons avoir été le jouet d’une baleine. Michel, pour sa part émet l’hypothèse que c’était un requin baleine parce que l’animal ne respirait pas en dehors de l’eau. On n’a pas mis le pied à l’eau pour vérifier. Des albatros, des mouettes et des sternes sont aussi venus virevolter autour. La mer est pleine de ressources pour nous laisser admirer. C’est contemplatif.
Nous passons Noël en mer comme c’était prévu. Nous ne dégustons pas le Sauternes, ni le foie gras. Nous ne faisons pas d’échange de cadeaux. La mer roule encore et le goût n’y est pas. Nous préparons notre arrivée à la Martinique avec le CROSS et les gens de la radio amateur.
26 dec. Terre terre : nous l’apercevons à 20 milles nautiques. Nous approchons de l’île et un autre voilier est derrière nous. C’est étrange, nous étions seuls et nous voici deux.
Nous contactons le Cross et c’est un bateau québécois, le Moana2 et un autre qui viennent en annexe nous chercher à l’entrée de la baie et nous guider jusqu’à la baie de Ste. Anne. À 19h15 l’ancre touche le fond de sable à la Martinique. Nous sommes arrivés! Quelle aventure !
Enfin , c’est notre tour de fêter Noël. Nous échangeons nos cadeaux et dégustons enfin notre vin semi-doux et un pâté de canard. Joyeux Noël!
Nous sommes à l’ancre. Plusieurs viennent nous féliciter le lendemain matin. C’est réconfortant : merci. Nous n’arrivons pas à confirmer au Réseau que nous sommes entrés, mais d’autres radios amateurs le feront à notre place. En avant-midi, nous levons l’ancre et partons pour le port Le Marin. Nous avons une place, malgré que plusieurs sont en attente dans la zone d’ancrage. Encore merci.
Les jours qui suivent sont consacrés à réconforter nos familles. Ensuite nous serons touristes parce que nous ne pouvons faire d’affaires durant le congé des fêtes. C’est Noël pour tout le monde. Allez à bateau. Vos « mâts à l’eau ».
Bonne année toulemonde!
Ginette, Michel et Danielle.
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