Nouvelles des Navigateurs

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entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

jeudi 13 septembre 2012

CAT MOUSSE - René et la famille vers Madagascar

12 septembre 2012


En navigation vers Madagascar



Récit no 221 - L'aventure de 'Billy the Fisher'



Le retour en mer se fait bien. Les vents sont d'une quinzaine de noeuds en moyenne et proviennent du côté, nous sommes donc sur une allure confortable au portant. Les petits coeurs sont encore sensibles; bien que personne n'ait été malade encore, nous avons tendance à vouloir nous étendre, c'est plus confortable. De mon côté, je dors tout ce que je peux pour reprendre ma routine et pouvoir rester éveillée lors de mes quarts de nuit. Demain, troisième journée, nous devrions reprendre du poil de la bête un peu.



La première journée on s'est fait brassés un peu en soirée à cause des vagues confuses résultant de l'effet de l'île mais après,ça s'est normalisé. Notre passagère, Rosalie, notre filleule de 15 ans qui naviguera avec nous jusqu'à la mi-novembre en Afrique du Sud, se porte assez bien. Elle est bien sage et disciplinée et se garde sur les gravols pour l'instant. Elle est sur une cure de repos, elle dort comme un koala à longueur de journée et ses périodes d'éveil ne sont que très brèves, lors des repas. Me croirais-tu Mireille, si je te disais que le soir il n'est pas encore 20h00 que tous les enfants sont couchés, oui, oui, incluant ta fille. Ce n'est pas nous qui le demandons, mais qu'y a-t-il d'autre à faire que de dormir en mer quand la nuit tombe, qu'il fait un noir d'encre et qu'on se fait brasser comme des marionnettes?



Les estomacs sont fragiles, on mange mais en petites quantités seulement. Hier soir, après le souper et la vaisselle, je suis passée à deux doigts d'être malade. Je fut prise de violents hauts le coeur, mais le clapet qui empêche les reflux gastriques vers le haut est resté bien scellé. Pas question d'être malade, à la guerre comme à la guerre Madame Giguerre! Ce matin Thomas et Antoine ont fait un peu d'école mais rien d'extravagant. Nous ne sommes pas encore complètement amarinés mais ça viendra. Nicolas et René ont vu une baleine non loin du bateau en cours d'avant-midi. Puis à l'heure du lunch, juste au moment de passer à table, René a remarqué qu'un poisson avait mordu, c'est là que l'aventure commence.



Immédiatement, Nicolas et lui se sont attelés à la tâche de remonter la dorade. Tout le monde prépare le cockpit pour l'arrivée du poisson, quand nous avons entendons des cris. Je lève la tête pour voir ce qui se passe. Nicolas est toujours sur le patin avec la gaffe pour accrocher la dorade que René tire, mais chaque fois que René tire un peu plus sur la ligne, Nicolas hurle de plus belle et remonte avec le poisson. Et puis on voit... il se trouve que l'hameçon que la dorade avait dans la bouche, dépassait, et Nicolas, en s'affairant tout près avec sa gaffe, s'est fiché l'hameçon dans le bras. On voit l'hameçon bien rentré dans la peau, au niveau du coude, on voit le point d'entrée et le point de sortie. Nous sommes estomaqués, nous sommes tous sous le choc, Catherine est dégoutée. René ne semble pas trop réaliser au début que chaque fois qu'il tire un peu plus sur la ligne pour remonter le poisson, c'est aussi son fils, allias 'Billy the Fisher' qui remonte avec. Mais il n'a pas le choix, il faut tirer et remonter Billy et son poisson ou l'inverse.



On réussit à faire remonter Nicolas à bord et à le faire asseoir sur le banc arrière du cockpit. Thomas, vif comme l'éclair apparait avec une paire de ciseaux pour couper la ligne. J'ai le souffle coupé, je crains le pire, si le poisson se met à gigoter et à se démener comme un diable, furieux par son sort (comme ils le font la plupart du temps), c'est le bras de Nicolas qui prendra le coup. Si le poisson se met dans tous ses états, il y a fort à parier que la peau déchirera. Juste à y penser, le coeur me manque.



Après quelques essais infructueux, Thomas réussit à couper le cable d'acier de l'hameçon, on se demande encore comment il y est arrivé avec de simples ciseaux. Ouf! Voilà Nicolas enfin libéré de l'emprise du poisson, qu'Antoine s'empresse alors d'achever à grands coups sur la tête. Rosalie, alors bien réveillée, observe le spectacle, complètement horrifiée. Puis, il reste encore à retirer ce cher hameçon du bras de notre fils. Un hameçon ça rentre aussi bien qu'un couteau dans le beurre, mais le faire ressortir en sens inverse est une autre paire de manche et il n'est pas question d'y aller de cette avenue. Il faut couper l'hameçon. Ainsi, après trois tentatives pour couper ce dernier à l'aide de différentes pinces, il a fallu se rabattre sur notre pince monstrueuse, celle qui sert à couper les haubans, cadenas et autre. Une chance qu'on l'avait celle-là!



Bref, tout s'est passé assez vite, mais Nicolas a été très chanceux dans sa malchance. Sa cousine l'a trouvé pas mal courageux et n'en revenait tout simplement pas de son sang froid et du fait qu'il n'ait même pas versé une larme. Après coup, Nicolas m'a expliqué comment il avait vécu l'incident. Il m'a dit avoir tout de suite compris ce qui lui arrivait. Il a imaginé Mathias, notre ami pêcheur, qui lui s'était pris un crochet de gaffe dans le bras, au niveau du poignet. Il s'est imaginer tomber à l'eau avec le poisson, il a imaginé le pire et tout est devenu noir. Soudain, il ne voyait plus et n'entendait plus. Il n'avait plus conscience de rien. Encore heureux qu'on ait pu le remonter dans le cockpit à temps avant que ses jambes ne flanchent. Moi qui pensais qu'il ne s'était pas évanoui, il l'a fait mais les yeux ouverts, il a perdu un grand bout.



Nous avons bien désinfecté et nettoyé la plaie avant de lui faire un pansement. Son bras s'est mis à lui faire très mal, il sentait des vibrations tels des coups de marteau, mais avec les tylenols on contrôle bien la douleur. Ouf, on a eu peur! Disons que mes petits feuilletés au fromage étaient largement refroidis au moment de passer à table. Rosalie, un peu traumatisée par les événements, avait une faim de loup. On reparlera longtemps de cet incident.



J'imagine qu'un pêcheur n'est pas un vrai pâcheur tant qu'il ne s'est pas pris un hameçon ou un crochet dans le corps, alors voilà, c'est fait Nicolas! Ça te fera une histoire de guerre à raconter à tes blondes plus tard.



Ce soir, Thomas et moi avons cuisiné des fish & chips (sans les frites) avec une partie de la dorade. Ça valait le coup finalement, elle est délicieuse cette dorade. Rosalie, malgré son état actuel, n'avait plus de fond, elle adore le poisson.



Sur ce, je retourne à mon tour de garde. Selon les vagues et la mer, on fait tantôt cap sur Madagascar, tantôt sur l'Ile de Tromelin. Vous vous souvenez ce livre et cette île dont je vous parlais dans mon récit 209. Un navire français de 143 passagers dont 60 esclaves s'y était échoué et ces derniers avaient été abandonnés sur l'île pendant 15 années, au terme de quoi, on avait rescapé les dernières 7 survivantes et un bébé. Bien qu'on ne puisse débarquer sur l'île elle-même, le capitaine caresse toujours secrètement l'espoir d'aller passer tout près. Voyons si ce sera possible.



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