jeudi 13 mars 2008
ÉTOILE DE LUNE - Nathalie et Dominique chez les KUNAS
Kuna Yala
de Sapzurro à Anachukuna
le 12 mars 2008
Bonjour,
J'ai eu bien du mal à vous écrire depuis que nous sommes partis de Colombie. Quitter ce pays m'a fait l'effet de mettre fin à une passion. J'étais si habitée des sourires, des mots gentils, de leur manière de faire, que j'ai eu un mal fou à m'adapter à ce qui se passait de l'autre côté de la frontière, en pays Kuna.
Tout d'abord, lorsque nous avons quitté Sapzurro, nous nous sommes rendus à Obaldia pour effectuer les formalités d'entrée au Panama. Obligations consenties dans la douleur car il nous a fallu plus de quatre heures pour en venir à bout. Non, pas que le village d'Olbia soit si grand et que les divers bureaux soient si éloignés les uns des autres. Mais, la mauvaise volonté affichée des douaniers a simplement suivi son cours, pour une modique somme de 100 dollars tout compris, cela fait 25 dollars de
l'heure. Une fortune dans un pays où 14 petits pains, 2 cocas, trois paquets de chips et un ouvre boîte fait une addition de 3,65 dollars! (c'était les courses du jour...)
Heureusement que dans nos périodes d'attente nous avons croisé la gentille frimousse de Abaya, une femme kuna de la région de Montes. Abaya, ne nous a pas abordés tout de suite. Elle a d'abord passé une grande partie de sa matinée pendue au téléphone. Trois copines kunas s'arrachaient le combiné du téléphone public situé près de l'immigration. Les observer m'a vraiment fait passer le temps... Elles sautaient et riaient comme si elles venaient d'entendre un neveu fraîchement arrivé sur la lune. Toutes
les trois portaient des tenues traditionnelles somptueuses. Je voyais pour la première fois les fameux mollas. Ce sont des pièces de tissus très colorées qu'elles portent sur l'abdomen et dans le dos, le tout est rehaussé de manches et d'un décolleté travaillé. Jamais aucune Occidentale ne marierait tant de couleurs à la fois. C'est une explosion chromatique que leurs tenues, et c'est ravissant! Et puis, il y a ces bracelets de mollet et d'avant-bras. Ca leur fait des chaussettes et des manchons
couverts de bracelets en perles de rocaille. Moi qui fabrique des colliers pour le plaisir, je vous dis que de la perles et du temps passé, il y en a!!!
Sachant que de prendre des photos des kunas peut poser problème, je biaise un peu, je garde mon petit olympus à tout faire allumé, et sans vraiment viser, à la néligée, je canarde, et je me dis que dans le tas, il y en aura bien une qui fera l'affaire. Abaya sourit, elle finit sa conversation avec la lune, et se dirige vers moi. Elle a bien compris mon manège, elle me demande d'où je viens, où je vais. Ce sont les questions préférées des Kunas. Depuis ce premier contact, tous les kunas veulent systématiquement
savoir d'où nous venons et quand nous partons et pour où! Bref, une culture de la géographie curieuse!
Pendant que Dom s'échigne à faire remplir les 9 papiers d'entrée, Abaya me parle en espagnol, comme si j'étais native de Panama. Elle parle vite, mais je survole ce qu'elle me dit et elle se débrouille pour faire passer son message clairement : certains kunas se battent âprement pour garder leur culture. Elle déplore que beaucoup de femmes ne portent plus le costume traditionnel. Elle montre d'un doigt dédaigneux sa nièce en tee-shirt et en jeans. Il faut dire que dans la vie de tous les jours ce
ne doit pas être bien pratique. Imaginez-vous monter dans une barque à l'équilibre scabreux serrée dans un paréo? Et puis les manches bouffantes, ça s'accroche partout... Bref, Abaya n'a pas du tout cet esprit-là. Elle a marché 50 minutes dans la forêt pour arriver à Obaldia et pour passer ses coups de téléphone. Elle est pourtant pimpante comme si elle sortait d'une machine à laver. Ses amies sont aussi belles qu'elles, elles portent un bijou en or dans le nez, des boucles d'oreille en or. Certaines
portent aussi des colliers finement travaillés. Je ne peux m'empêcher de lui dire qu'elles sont toutes belles. Elle me répond sans ambages que c'est pour ça que les kunas ont besoin de beaucoup d'argent, c'est pour entretenir cette culture traditionnelle...
Sur le coup je ne comprends pas bien ce qu'elle veut dire par-là. Pas le temps pour les précisions, Dom a fini les formalités et nous pouvons partir pour Puerto Perme, à une encablure d'Anachukuna, le premier village Kuna au sud du Panama. Après une nave un peu mouvementée, nous arrivons dans une petite baie en croissant de lune. Un fin cordon de sable doré est immédiatement relayé par une haie impressionnante de cocotiers. Moi qui pensais avoir vu la plus belle cocoteraie de ma vie à San Bernardo,
elle est reclassée... Voici Perme qui joue les héros! Nous n'avons pas le temps de nous extasier sur la physionomie des lieux qu'un kuna avachi dans une pirogue vient nous réclamer 10 dollars. Dix dollars??? Mais pourquoi donc??? Nous venons à peine de nous alléger de 100 dollars pour entrer. Le jeune qui rame et qui lui est souriant et correct nous explique que c'est le droit d'ancrage kuna. Mais qu'en échange il nous donnera un beau reçu. Bon,bon!!! Ben, on va faire collection des reçus en pays
kuna vu le nombre d'ancrages!!! Je commence à comprendre les allusions de Abaya!
Plus tard, nous nous rendons à Anachukuna, mais nous y vivons une déception cuisante. En arrivant vers le village, nous voyons tout le monde disparaître dans les huttes. Visiblement nous ne sommes pas bienvenus... Nous sommes tristes, l'oreille basse, nous faisons un petit tour dans le village où seuls les rouleaux d'écume font un peu de bruit. Tout est morne, pas un bruit autre que la mer, pas d'animation. L'école est fermée les maisons aussi. Sur grand mur des inscriptions : ce sont toutes les
obligations des touristes en pays Kuna. Certains visiteurs ont sans doute abusé pour en arriver là. Aujourd'hui, nous le payons par un accueil plus que froid. Las d'être vus billets verts ambulents, nous pensons rentrer.
Puis, au détour d'une hutte, un petit garçon nous montre un molla. Je ne sais pas bien quoi faire. Je lui souris. Il me demande d'où je viens, je lui réponds "Francia". Il me demande "où ça se trouve". Je lui dis :
"Loin, loin, loin, il m'a fallu 4 ans pour arriver jusqu'à toi." Il me regarde avec des yeux tout ronds et il disparaît. Puis, d'autres enfants arrivent, le petit garçon a posé son molla. Il me demande comment je m'appelle. Je lui réponds que je suis Natalia et que mon capitaine s'appelle Domingo, comme le jour où personne ne travaille. Il sourit, il me tend la main, je lui tends la mienne. Il glisse sa petite main dans la mienne. Je lui demande s'il veut se balader avec nous. Pour toute réponse
j'ai un oui timide de la tête... Va pour une balade... Le nom de notre petit compagnon est Letiel. Je mets un moment à comprendre, il finit par me montrer mon carnet que je balade partout, il m'aide à écrire son nom, ainsi je ne l'oublierai plus!
Le lendemain nous allons nous balader sur la plage, encore sous le coup de la visite du village et prévenus par un bateau qui nous précédait nous savons qu'il faut payer pour prendre en photo les kunas. Nous nous faisons discrets. Un kuna est en train de travailler dans sa cocoteraie. Il nous alpague, et nous pose les questions traditionnelles kuna.
Un kuna bavard! Il s'appelle Andres. Pas moyen d'en placer une, même moi! C'est dire! De but en blanc il me demande de faire une photo de lui et de son garçon. Je suis tellement étonnée de sa requête que j'hésite. Il me guide et me dit: " non, pas ici, c'est à contre-jour, je vais me mettre par là!" Bon, bon, moi je suis aux ordres. Voici qu'il nous guide jusqu'à sa hutte. Nous trouvons une maisonnette faite de branchages et de palmes. Pas de chaises, une petite table, des hamacs. Aucun confort et
même moins, mais toute la famille se réunit et me voici à faire des photos de toute la famille. Du plus petit, Floridelio, au plus grand, Remigio, qui me sort ses jouets : un petit avion taillé dans un bout de bois, sur les ailes il a planté des plumes de couleurs. Le petit Letiel rôde par là, pris dans la frénésie de photos, il pose lui aussi. Cette séance de bonne humeur se termine avec la promesse de ramener des photos papier à tout ce petit monde. C'est évident, et ils l'attendent!
Plus tard, lorsque nous revenons, dans la famille d'Andres et de Leonirta avec les photos, j'ai droit à ma première leçon de Kuna. Bonjour se dit "Nuedi". Mais un Kuna me dira peut-être Nuegambi et il faudra que je lui réponde aussi "Nuedi". Nuedi est un petit mot fourre-tout, on y met du "bonjour" et du "merci". C'est pratique. Je vous le fais à la phonétique mais, "comment t'appelles-tu" c'est Igibenuga, et biadetaniki est leur question favorite : "d'où viens-tu?"
Voici comment de photographe attitrée des enfants de Fuerte je suis passée photographe et interprète d'une famille de Kunas. Vu que mon Capitaine est complètement tombé sous le charme de la région et qu'il a décidé d'y rester pour plusieurs saisons, j'ai vivement intérêt à trouver des cartouches d'encre et si possible une nouvelle imprimante, la mienne est en train de me lâcher...
Amitiés marines
Deguimalo (au revoir)
panemalo (et à demain)
Hum, peut-être pas tous les jours, mieux vaut ne pas abuser des bonnes choses...
Nat et Dom de l'étoile de lune
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