Nouvelles des Navigateurs

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entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

vendredi 19 novembre 2010

ÉTOILE DE LUNE - Nat et Dom en navigation

12:07.50S
144:10.52W
A 02H EN TU LE 19 NOVEMBRE
A 16H EN HEURE LOCALE
LE 19 NOVEMBRE

Résumé : Une belle navigation aidée de poussées de grains, et d'une brise inattendue. Tout va bien. Et partage d'une anecdote sur la Légende-Tabarly, sur le même parcours.

Bonjour,
Bonne nouvelle : l'océan s'est paré de belles ondulations et de gracieuses broderies anglaises au surjet des vagues. Ces apparitions éparses de franges d'écume signalent un vent de 10 à 15 noeuds qui pousse notre Etoile, dans la direction des Tuamotus. Hier j'ai un peu exagéré, en disant que nous battions notre record avec 70 milles parcourus en 24H. En réalité, nous avons allongé 80 beaux milles, pratiquement sans vent. Cette augmentation du nombre de milles doit tout son mérite aux quelques grains de cette nuit. Il n'y a pas eu de jaloux à bord, j'ai eu droit au mien, pendant ma veille, et Dom au sien pendant la sienne. Les autres quarts se sont passés sans grande animation, mais avec toujours autant de bonheur!

A la faveur de ces grains, nous avons poussé une pointe mémorable à 11,8 noeuds. Notre Etoile était propulsée comme sur un tapis volant. Une sensation de glisse formidable et grisante. L'Etoile frôlait l'eau sans en épouser la moindre rondeur. Pour celui qui dort, il a l'impression de flotter dans un sommeil paradisiaque. Celui qui veille en haut (ou en eau?), se rafraîchit et se mouille pendant que le bateau se rince. Ces grains n'étaient pas menaçants, mais salutaires. Le génois est resté tangonné et bien gonflé pendant plus d'une heure à chaque passage pluvieux. La Grand Voile avait été affalée avant la nuit, les vents si légers la faisaient trop battre pour de piètres performances. Cela aussi, fut très heureux, sans le ciseau, nous pouvions prendre les grains pour le meilleur de ce qu'ils nous offraient.

Par contre, à tels instants idylliques, il faut payer un tribut... Dès qu'il passe, le grain gâche le vent et tourmente notre beau régulateur qui ne sait plus où donner de la tête. Tant et si bien que pendant plus d'une demi-heure, les réglages sont nécessaires, pour ne pas subir le courant qui force notre route plein ouest voire à y ajouter un tantinet de Nord, alors que nous visons les atolls qui se trouvent au Sud Ouest! Le génois quant à lui s'avachit, se vautre sur le tangon paresseusement.

Au petit matin, une belle brise de 10 à 15 noeuds lui a redonné du coeur à l'ouvrage. Nous accueillons l'alizé léger, mais suffisant avec un grand sourire, surtout qu'il n'était pas prévu. Rien de tel qu'un invité-surprise en une si belle traversée!!!

ANECDOTE

Hier, j'ai lu, dans le merveilleux livre de Patrick Chastel, Te Fenua Enata, une anecdote qui se passait exactement où nous sommes. En 1977, Le Pen Duick VI ralliait, comme nous les Tuamotu depuis les Marquises. A bord, une paire de journalistes, et un équipage insouciant sous les ordres de Tabarly. Disqualifié de la Transpacifique en raison de sa quille en uranium et non en plomb, l'équipage s'offre une croisière dans les Tuam's.

Le temps est beau et le vent presque aussi léger que pour nous. Les équipiers de Tarbly, non habitués à la paresse, ont l'idée de jeter un bout à l'eau et de se laisser traîner à tour de rôle derrière Pen Duick. Parmi eux, Philippe Poupon, Titouan Lamazou... Tabarly est tranquillement installé dans le carré, il est plongé dans un bouquin quand il voit apparaître un de ses équipiers qui hurle dans la descente : "Un homme à la mer". Tabarly comprend que l'un des apprentis "rapala" a lâché le traînard.

Il met soigneusement son marque-page à la page de lecture, il pose tranquillement son bouquin sur la table à cartes. Il sort sans précipitation. Un regard vers la tête qui gigote dans la longue houle et l'ordre ferme, mais calme est lancé : "Paré à virer" Tout le monde est aux manoeuvres, elles s'exécutent parfaitement. Les voiles prennent le vent et remontent au près serré. Peu de temps pour que le même ordre tombe : "on vire"Eric guide le bateau. Il passe au ras des moustaches de l'imprudent, des bras puissants le saisissent et le hissent à bord.

Tabarly reprend la route, sans mot, il rend les commandes au pilote, redescend dans le carré, prend son livre, s'allonge aussi tranquillement que si rien ne s'était passé et reprend sa lecture. Les journalistes le suivent et voient là l'occasion de rentrer en contact avec l'homme au sourire sobre et à la parole rare.

Tabarly, pressé de questions, relève le nez de son livre et ne trouve qu'à dire :"Oui, la mer, c'est dangereux. Il faut faire attention. Là, c'était calme. Mais quand c'est fort..." "

Cet incident entre les Marquises et les Tuamotu s'ajoute à tous ceux qui ont forgé une véritable légende. Et tous les enfants le savent, les légendes, ça ne veut pas mourir.

Alors, maintenant, comme avant, quand on cherche à le joindre, et que l'on pose l'éternelle question :"Et Eric, où est-il?"Rien n'est changé. La réponse est toujours la même. "Eric? Il est en mer, bien sûr."

A plus pour d'autres nouvelles du large

Nat et Dom
www.etoiledelune.net

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