Nous avons quitté Carthagène ce matin. Nous avons battu tous les records et avons mis 2 heures pour relever la chaîne et les deux ancres. Il n'y avait pourtant que 50 mètres de chaîne, mais Dom a dû nettoyer maillon par maillon la chaîne. Bernacles, crabes, moules... et je me demande si on ne commençait pas pas un élevage d'huîtres en prime??? Tout ce petit monde avait colonisé notre chaîne. Un coup de balai ne suffisait pas, Dom a dû s'y prendre au tournevis pour dégager les "squatters" des orifices
de la chaîne. Tous les ustensiles étaient de sortie : tournevis, raclette, balais, grattoires en tout genre, et mon capitaine ne ménageaient pas ses efforts pour déloger tout ce petit monde. A s'en arracher la peau des pouces!!!
Bon, quand finalement les deux ancres ont été relevées et dégagées de leur vase collante, nous avons tenté d'avancer. Heureusement qu'il n'y avait pas de vent, nous aurions été emportés malgré nous... L'hélice avait elle aussi sa ration de coquillages. Impossible d'avancer ! Machine avant toute, ça sentait le chaud à la sortie du pot d'échappement, et ... rien! On n'avançait à moins de demi-noeud. Va pour se replacer à l'arrière du mouillage, rejeter l'ancre. Et mon capitaine a bien dû se résoudre
à plonger dans ce liquide douteux sur lequel on flotte depuis 33 jours! Plusieurs plongées lui sont nécessaires pour "détartrer" l'hélice. Pendant ce temps le Mouss' cherche à se rendre utile... Il replace proprement la seconde ancre platte de 25KG dans la baille à mouillage et se munit des seules armes valables par les temps qui courent : un balai, une éponge, deux seaux. Et va pour laver le pont! Le capitaine remonte à bord, il est fin prêt pour une désinfection au Karcher javellisée...
Enfin, l'Etoile reprend vie... Du moins pour sa partie visible, car tel l'Iceberg elle couve sous sa ligne de flottaison sa face qu'il vaut mieux qu'elle garde cachée, si elle ne veut pas finir de nous décourager tout à fait!
Retour à la navigation, elle avance 4 noeuds et même face au vent. Passage de la porte ébréchée du mur sous-marin, et ... Nous voici à nouveau en mer! Nous retrouvons l'eau claire quelque 5 mille au large. Nous nous traînons à 5 noeuds malgré les 25 à 30 noeuds de vent. La mer est correcte, même si elle a favorisé les tendances suicidaires de deux bouteilles d'eau qui se sont précipitée du haut de la cuisinière vers le fond du carré! Décidément l'équipage est un peu rouillé et a perdu ses bonnes
habitudes de rangement d'avant navigation!
En route nous croisons des pêcheurs inoffensifs, et nous naviguons sous bonne escorte! Le bâtiment 153 de l'armée navale de la Colombie, vient nous faire les honneurs dû à une Etoile (nous a-t-il reconnus???) Il nous tourne autour. Il doit certainement nous appeler à la VHF, mais je ne comprends absolument rien au charabia qu'ils crachouillent sur le canal 16... Nous sortons sur les passavants et faisons de grands signes amicaux. Le bâtiment poursuit son escorte, je me résous à le prendre en photo,
complétant du même coup ma collection de photos de bâtiments de guerre. C'est en Colombie qu'on en aura vu le plus depuis notre départ en 2004...
Après 15 petits milles de navigation, nous voici à l'aplomb de l'île de Periquito. Jean, un copain nous avait dessiné le plan d'entrée vers Cholon, sur une serviette de table juste avant notre départ. Nous avions également la carte nautique du coin, mais les bouées ne sont pas indiquées comme elles le sont en réalité. Nous devons nous conformer aux indications de Jean. Il faut contourner la bouée verte, puis la bouée rouge, puis la verte, puis il faut se faufiler au creux d'une mangrove, la passe n'est franchement pas large, une vingtaine de mètres. On nous avait dit de viser la deuxième moitié gauche de la passe, puis tout de suite après ce passage, il fallait effectuer une courbe en forme de "S".
Nous nous présentons à la bonne heure, le soleil est haut et malgré tout on a l'impression qu'il n'y a que du sable. Traverser une barrière de sable... Pfff ! Décidément cette Colombie nous en fera faire!!! Au milieu de la passe, on voit un piquet! Quand faut-il faire le "S"??? Dom pense passer à gauche du piquet, et moi je ne sais plus. À cause du "S" décrit par Jean. Dom écoute sa Pitaine...
Et... Mauvaise pioche!
Nous voici ensablés! Les gars de la plage viennent tout de suite à nous. Ils nous disent ne pas être des "banditos", et nous demandent de monter à bord, les autres se jettent à l'eau, ils en ont jusqu'à la taille... On est bien ensablés! Ceux qui sont à l'eau poussent tandis que Dom fait une marche arrière musclée. Évidemment, notre étoile dérive relevée a tendance à se mettre en travers du vent... C'est vraiment pas le moment!!! Le vent nous pousse davantage sur le sable, il y a entre 25 et 32 noeuds de vent... On désespère, on se dit que le vent va finir "MON erreur"... Mais les pêcheurs sont déterminés, ils nous sortent de là. Ils sautent sur le pont, hèlent les gars de la plage. J'entends "Modesto", c'est le nom du chef de bande, dire à ses comparses:
"Yo soy capitan de un velero".
Il prend la barre au capitaine. Je lui tape le bras et je luis dis : "El capitan es aqui!" en désignant MON Capitaine!
Il rend la barre à mon capitaine qui ne l'avait pas lâchée...
Je dois dire que dès leur arrivée par réflexe j'avais rangé appareils photos et GPS portable et fermé aussi l'accès intérieur au bateau. Les deux gars montés à bord, restent jusqu'à ce que nous ayons mouillé l'ancre.
Une fois arrivés et mouillés, aux deux qui sont à bord, et qui manifestement ne descendront pas comme ça de l'Etoile, nous demandons :
"que necissita par ayudar?"
Ils disent, "somos 7, 100 dollares!".
Je leur dis: "no tengo dollares, no necessita otros?"...
Il se ravise et dit: "120 000 pesos" (60 dollars) .
Il nous reste 140 000 pesos en tout. Nous leur en donnons donc 120 000. Il nous dit que demain, il nous apporte 2 langoustes, contre 50 000 pesos, et là je lui dis qu'à bord j'ai encore à manger et à boire, mais je n'ai plus assez d'argent pour me payer une langouste, ce qui est vrai...
Ce n'est pas que nous ne voulions pas les récompenser de nous avoir aider. Mais nous ne sommes pas des Américains, et nous ne dégainons pas notre portefeuille comme ça, à tout bout de champ. Ils nous ont aidés, ils ont été payés pour dix minutes d'efforts, c'est normal, mais il faut qu'ils comprennent que les bateaux qui viennent ne sont pas des coffres-forts ambulants!
Il est loin le temps de Cabo de Vela et de Guairaca où la gentillesse et la générosité des Colombiens rencontrés étaient cher à notre coeur. Cela dit, nous ne sommes pas loin de Carthagène. Ces gens vivent autrement, ils ont chaque jour de beaux yachts de riches colombiens qui viennent ici. Ils ont d'autres besoin. Et seul un rapport humain monnayable les intéresse. C'est la vie, c'est le rythme du voyage qui veut ça! Nous sommes conscients qu'ailleurs, un tel échouage aurait pu donner lieu à un pillage (suit un récit dans autre mail de fortune de mer)
Voilà pour aujourd'hui... Une journée pleine d'occupations. Celui qui dira qu'en mer on ne sait pas quoi faire et qu'on s'ennuie... Il faudra qu'il révise ses positions !!!
C'est la première fois qu'on s'ensable... faut une première à tout... Mais franchement on préfère éviter ça!!!
Amitiés marines et gros 88
Nat et Dom de L'Etoile de Lune
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