Nous sommes maintenant amarré solidement au quai d'une marina de la rivière Cape Fear à Wilmington (NC) aux USA. C'est la fin de notre aventure de 1 an à travers l'Atlantique Nord de l'Écosse, à l'Espagne, Portugal, Maroc, Îles Canaries, Cap Vert et finalement les Caraïbes.
Vous vous êtes probablement demandé qu'est-ce qui se passait depuis que nous avions quitté les Îles Vierges? Avec seulement un petit message disant que nous avions décidé d'aller en Floride plutôt que Newport à cause des vents et du mauvais temps, on voulait vous rassurer que nous allions bien et que tout se poursuivait correctement. Je suis certain que les avocats ont lus entre les lignes et se sont dit "il y a qqc qui cloche là dedans, on va les avoir!!" Mais effectivement ça n'allait pas bien du tout...
Avec seulement quatre jours restant avant d'arriver à Newport, notre safran (partie du gouvernail qui dirige le bateau sous l'eau) s'est cassé et on l'a vu partir à la dérive. Avec les vents qui soufflaient à ce moment et les vagues, pas question de ramasser ce gros morceau rendu inutile. C'est à peu près la pire chose qui peut arriver à un navire en plein océan. Autre catastrophe similaire, c'est la perte du mât, donc plus de propulsion pour de grandes distances ou une entrée d'eau qui menace de couler le bateau.
Une de nos premières actions a été d'envoyer un "Pan Pan" au Réseau du Capitaine, un réseau sur la radio HF pour les communications à longue distance. À partir de là, nous avions plusieurs personnes expérimentées qui nous ont fourni l'information météo, conseils divers et surtout, surtout, des encouragements deux fois par jours et une présence très appréciée. Nycole, du réseau du capitaine, a averti la garde cotière Américaine de notre problème et leur a transmis nos positions au fur et à mesure que nous progressions.
Alors deux alternatives s'offraient à nous; Essayer de naviguer sans safran pour rejoindre n'importe quel port sur la côte est Américaine ou, si le bateau n'est simplement pas navigeable, envoyer un "mayday" et sauter sur un cargo qui serait dévié sur notre position. Évidemment, comme le bateau devient un obstacle à la navigation, il faudrait ouvrir des voies d'eau pour le couler. Assez triste mais nous sommes sauf.
Marlyne s'est occupé de répartir les provisions pour s'assurer que nous avons assez de nourriture pour tous les repas, et Antoine s'occupe de la répartition de la malbouffe: pas d'ouverture du sac de chip avant d'avoir fait 100 milles nautiques. À chaque deux jours, une liqueur par moussaillon, comme ça on maintien le moral pour passer à travers cette grande et longue épreuve.
Premier conseil urgent du réseau, rester à l'est plutôt que naviguer à l'ouest vers la côte américaine. Une tempête tropicale monte du sud au nord et devait passer à notre ouest. Il faut éviter de s'y trouver avec des vents de 40 noeuds et sans aucune manoeuvrabilité. Nous passons deux jours à attendre que la tempête passe. On en profite pour fabriquer un gouvernail de forture et se reposer avant d'essayer de naviguer jour et nuit pendant une dizaine de jours pour atteindre la côte.
Alors on essait une première version de safran avec une planche à l'eau, pas trop de succès; le voilier se promène d'un bord et de l'autre en plus d'avancer à très petite vitesse. Je passe des heures à essayer diverses combinaisons de voiles, avec succès très mitigé. Deuxième version avec la planche coincée à l'arrière et un système de palan pour tourner d'un bord et l'autre. Un peu mieux, pas avec moi, mais avec Marlyne qui obtient un succès intéressant avec sa touche féminine. Nous sommes sur la bonne voie.
Finalement après cinq versions de gouvernail de fortune, ça marche relativement bien malgré que ça soit lent et peu manoeuvrable. En fait, on ne peut que se diriger par vent de travers, alors si le vent est d'ouest, on ne peut qu'aller vers le sud ou le nord. Mais au moins on avance dans la bonne direction à pas de tortue! Les vents nous amènent vers le nord puis vers l'ouest. Avant d'arriver sur la côte américaine, il faut passer à travers le Gulf Stream, un courant d'eau chaude rapide au dessus duquel l'air devient instable et la météo peut jouer de vilains tours. On entame notre passage, et comme on vient qu'à en sortir, le safran de fortune craque. Pendant que le courant nous descend rapidement, on répare en catastrophe et j'ajoute tous les renforcements qui me tombent sous la main avec l'aide des moussaillons qui attendent patiemment mes instructions.
D'un jour et d'une nuit à l'autre, la fatigue s'accumule, mais la distance de la côte diminue... Finalement nous ne sommes plus qu'à 100 milles de la côte. Nycole nous organise le remorquage, choix de la marina, contacte tous les intervenants et effectue même une recherche sur les billets d'avion pour notre retour à la maison. Et la dernière soirée en mer, elle s'organise pour nous suivre à chaque heure, pour s'assurer que le remorqueur nous trouve et nous ramème à bon port. Tout un service de sauvetage!
Nous sommes excessivement reconnaissant au réseau du Capitaine pour avoir mis autant de temps à nous supporter, c'est en bonne partie grâce à eux que nous avons pu ramener le voilier. Je suis aussi très fier de mes mousses et de Marlyne qui ont su garder leur sang froid et leur bonne humeur tout au long de cette épreuve. Marlyne a été exceptionnelle pour son sens de l'organisation des vivres et pour remonter le moral des troupes.
Alors voilà, nous rentrons au Canada d'ici deux jours et nous avons très hâte de vous revoir.
À très bientôt,
Robert et son équipage
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