CAT MOUSSES - René et la famille aux Chagos - Récit

13 mai 2012
Salomon, Chagos
Récit no 210 - L'archipel des Chagos

L'archipel des Chagos est un petit coin de paradis à 300 mn au sud de la pointe sud des Maldives. C'est un territoire britannique, soit un 'British Indian Ocean Territory (BIOT)'. Cet endroit est surtout connu pour la base militaire américaine de Diego Garcia. Nous avons bien essayé d'obtenir la permission d'aller y faire un saut en mentionnant que nous étions des Ex-Militaires canadiens mais cet argument n'a pas semblé avoir beaucoup de poids. Ce fut tout un exploit administratif que d'obtenir la permission de venir naviguer dans les Chagos, mais au terme d'innombrables échanges de courriels entre l'Angleterre, nous et notre compagnie d'assurance, nous avons finalement obtenu notre permis.

Bien que long de 200 mn (du nord au sud) l'archipel ne permet l'accès qu'à deux de ses atolls pour les navigateurs: soit Peros Banhos et Salomon, tous deux dans le nord.

Mis-à-part la petite communauté de bateaux qui y séjourne, il n'y a pas âme qui vive sur ces atolls puisque les habitants avaient été chassés de leur territoire en 1960 vers les Seychelles et l'Ile Maurice, lorsque l'Angleterre s'était approprié l'archipel. Encore aujourd'hui, on y retrouve les ruines d'une ancienne communauté. Ce n'est qu'au début des années 2000 que les Chagossiens ont recouvré le droit de revenir y habiter, après une vingtaine d'année de combats en justice. Mais l'Angleterre a amené la cause en appel et cette dernière est toujours en attente d'une décision à la cour européenne des droits de l'homme. L'endroit est complètement désert et sauvage. C'est magique et c'est probablement ce qui rend ce mouillage si attrayant pour les navigateurs.

A notre arrivée, nous n'avons trouvé que quatre bateaux: des Allemands, des Hollandais, des Italiens et des Australiens. Jusqu'à la semaine dernière, il y avait ici 17 bateaux, 13 ont déjà quitté et les trois autres quitteront d'ici deux jours. Nous qui navigons seuls depuis si longtemps, sommes assez surpris de retrouver autant de navigateurs en même temps. Nous ne connaissions aucun de ces bateaux mais auront tout le temps d'apprendre à les connaître puisque nous faisons tous route dans la même direction, soit Rodrigues, Maurice, La Réunion et Madagascar. Les Australiens (Mojombo) de la Tasmanie, ont deux enfants, un garçon de 12 ans et une fille de 10 ans. Inutile de dire que les enfants sont aux anges. Les derniers amis qu'ils avaient eus remontent à aussi loin que la Malaisie en novembre dernier si je ne compte pas Oscar, un ami rencontré au chantier en Thailande. Malheureusement leurs rencontres n'avaient été que très brèves car nos chemins se sont vite séparés.

Pour la fête des mères, j'ai eu une journée sublime, à commencer par les succulentes brioches à la cannelle de Nicolas pour le déjeuner. Puis nous sommes allés sur la plage, nous faire un BBQ pour le dîner. Rien ne me fait plus plaisir qu'un BBQ seuls au monde, sur une île sauvage inhabitée. Bref, une bien belle journée, comme je les aime.

L'endroit est franchement idéal pour qui veut un bain de vie sauvage. Cet archipel des Chagos est un paradis sur terre, un des rares endroits encore inhabités de cette planète. Une belle brise qui souffle de façon continue, pas de moustiques (ils restent sur l'île, Dieu merci), un beau paysage, une belle eau limpide, du beau snorkeling, des poissons autant qu'on en veut. Il y a seulement les requins qu'il faut surveiller quand on pêche car ils sont plus vite que nous. Hier après-midi, j'ai passé un long moment sous l'eau à frotter la coque et j'avais beaucoup d'amis poissons.

Certains sont tellement gros que chaque fois que je me retournais je faisais le saut en me retrouvant nez à nez avec un poisson ange ou autre. On aurait dit que j'étais un peu craintive de voir apparaître un requin... ils sont nombreux ici, mais surtout... pas mal gros!

La pêche et le snorkeling sont sublimes ici. Tous les jours, René et Nicolas sortent faire la pêche du jour. L'endroit est si riche en poissons qu'en un rien de temps, ils sont de retour avec des poissons différents à chaque fois. Nicolas, allias 'Billy the Fisher' est aux anges de découvrir de nouvelles espèces qu'il n'avait jamais vues qu'en image dans nos livres de pêche.

Hier, ils sont revenus avec une orphie crocodile, Nicolas n'était pas peu fier, c'était de voir ses yeux! Chaque fois qu'il a une seconde, on le retrouve en train de pêcher: dès son réveil le matin, pendant la pause d'école (récréation), après les classes, avant de se coucher le soir. Nous l'encourageons dans sa passion mais j'avoue que la cuisinière vient à bout de souffle. On a l'impression de passer nos journées à nettoyer, couper, cuire, désosser, arranger et cuisiner du poisson.

Il y a tellement de poisson que Nicolas a l'embarras du choix et choisit ce qu'il va ou ne vas pas pêcher. Il choisit méticuleusement ses prises afin de m'arriver avec une nouvelle espèce à chaque fois: poisson ange, poisson perroquet, mérou, snapper, poisson unicorne, wahoo, trévally, calmar, bonite, thon jaune, etc, je ne saurais tous les nommer tant il y en a. Je dois me montrer originale et inventive selon la texture du poisson, parfois plus sec, plus tendre, caoutchouteux ou plus filamenteux mais il y a toujours quelques chose à faire avec le poisson.

Nos poissons préférés sont les snappers et les mérous qui ont une belle chaire blanche, tendre à souhait. Il n'y a qu'au déjeuner qu'on n'en mange pas et encore... Toujours est-il que cette semaine j'ai préparé des ceviche de poisson cru, poisson mariné, sushis, poisson en papillote, curry de poisson, accras de poisson, couscous de poisson, pâtes au poisson, soupe ou plutôt 'chaudrée' de poisson, poisson au lait de coco, sauce satay, pizza au poisson, brandade de poisson, 'fish & chips'. 'Sky is the limit'! Pour en rajouter, un bateau voisin ayant pêché un gigantesque poisson 'trevally' est venu nous faire un don ce matin.

Petit don... Le simple morceau qu'ils nous ont offert devait faire au moins 10 ou 12 livres! Avec tout ce que j'avais déjà en attente au frigo, et vue la grosseur de ce monstre, René a taillé le poisson en énormes steaks pour en faire de gros cubes que j'ai ensuite cuits et mis en conserve. Je me suis retrouvée avec 6 pots 'Mason' de 500 ml, sans compter mes 4 petits pots de brandade (pâté de poisson à tartiner) que j'avais cuisinés plus tôt cette semaine.

C'est vraiment un paradis pour les mordus de pêche. Il y a des jours où René décrète que c'est une journée 'catch and release'. Ca ne plait pas à Nicolas car il voudrait pouvoir garder toutes ses prises mais on ne veut pas gaspiller de poisson. Cet PM lors d'une sortie de snorkeling nous avons vu un énorme requin de récif qui dormait tout au fond de l'eau, se laissant oxygéner les branchies par le courant sortant de la baie. A date nous n'avions vu que des requins pointes blanches ou noires qui sont inoffensifs. Pour ce qui est des requins de récif, par contre, on aime mieux les voir dormir ceux-là. Nous sommes passés dans la passe une deuxième fois en snorkeling pour aller l'observer de plus près, il dormait toujours. Fiou!

Hier il y a eu des grands événements: une bonne et une mauvais nouvelle. La mauvaise pour commencer ... Pour les rares fois que nous avons du pain, j'ai décidé de faire compliqué et de griller mon pain, chose que je fais rarement. Normalement, je le mange non grillé, c'est plus rapide.

J'aurais dû faire comme d'habitude car le problème c'est qu'on avait aussi décidé, ce matin-là, de se servir de la laveuse pour faire une petite brassée de draps de lit. Malheur! L'électricitié sur un bateau c'est délicat. J'ai omis de mentionner à René que je faisais fonctionner le grille-pain quand il a mis la laveuse en marche et ... Pouf! court-circuit!

Deux items de 13 ampères sur le même circuit, c'est un peu trop demandé et la laveuse n'a pas du tout aimé, le panneau de contrôle a grillé. Kapout! Elle ne fonctionne plus. Nous qui y faisions attention comme à la prunelle de nos yeux. Je ne m'en servais que rarement mais Dieu sait combien je l'appréciais.

Aujourd'hui j'ai tué ma laveuse, alors on dirait bien que je vais devoir continuer avec la bonne vieille méthode de lavage à la main, mais c'est moins drôle, ça prend beaucoup de temps, d'efforts et de jus de bras. Ho well! Une bien triste nouvelle pour commencer la journée!

Heureusement, il y avait aussi une bonne nouvelle. Le bateau (Pacific Marlin) qui patrouille les eaux territoriales du 'British Indian Ocean Territory (BIOT)' contre la pêche commerciale illégale, était ici pour deux jours et figurez-vous que notre rêve d'être invités à manger sur un gros bateau fut réalisé. A notre très grande surprise, ils ont invité les 5 bateaux du mouillage à venir faire un BBQ.

En plus, ils avaient promis de la crème glacée aux enfants. Nous étions fous brac lorsqu'ils nous ont lancé l'invitation, nous n'avons pas hésité une seconde à accepter, mais nous avons dû attendre patiemment, car l'invitation n'était que pour le lendemain. Toutefois, notre attente aura grandement valu la peine car le soir venu... Wow! Quel festin!

Ce fut aussi l'occasion de rencontrer les autres navigateaurs du mouillage car, comme nous, ils semblent apprécier leur indépendance et nous ne nous étions pas encore croisés: des Italiens, Français, Allemands, une fille des Barbades, etc.

Ces autres bateaux avaient l'air aussi heureux que nous de cette invitation et il nous a semblé que tous s'étaient entendus pour 'littéralement' s'empiffrer. A croire que nous n'avons rien à manger sur nos bateaux, on aurait dit que nous avions tous peur que ce soit notre dernier repas de la semaine! Les enfants se sont donnés à 200% dans les desserts de toutes sortes et la crème glacée. Pour ma part, tout comme René, j'ai décrété que ce serait un souper carnivore, bien résolue à goûter toutes les viandes et grillades et surtout, à prendre une pause de poisson.

Cet équipage de 16 personnes était super amical et généreux. Des Britanniques pour les postes du commandement ('skipper', ingénieur en chef, gars des pêcheries et autre) et un mélange de Philippins et de Srilankais pour le reste de l'équipage. Les deux cuisiniers et 'stewarts' font un travail de maître dans la cuisine car franchement, c'était un festin de rêve.

C'était comme Noel pour tout le monde. Boissons pour tous les goûts à volonté, viandes et poissons marinés de toutes sortes et cuits à la perfection sur le BBQ, buffet de salades, riz, pâtes, 'stir fry', et assortiment de desserts exquis. Quelle belle soirée nous avons eu. On se souviendra longtemps de ce BBQ. Merci, merci, merci à Pacific Marlin!

Les jours passent et on s'amuse toujours autant. Tous les matins ce sont les classes, la fin de l'année approche à grands pas. Nous avons amplement le temps de nous avancer car on ne peut pas partir avant les trois semaines que nous nous étions fixées, car deux énormes systèmes météo préparent une belle soupe dans le coin de Rodrigues, notre prochaine destination. On va attendre ici... j'ai vu pire endroit pour attendre.

Nous sommes allés passer les 4 derniers jours à Peros Banhos où nous avons rencontré un bateau américain (Emily Grace) qu'il nous tardait de rencontrer car nous savions qu'ils avaient une fille de 11 ans. Cette fois, c'est le tour de Catherine d'avoir une amie. Elle est aux anges avec cette fille car elles sont exactement du même genre et s'adonnent vraiment très bien ensemble.
On avance dans nos projets de toutes sortes, moi dans mes vernis, René dans sa liste de travaux de réparation.

On cuisine énormément, il y a plus d'un mois maintenant que nous vivons sur nos réserves sans avoir accès à aucune épicerie. Disons qu'à part les conserves, il devient très difficile de trouver des fruits ou des légumes frais sur le bateau, on touche le fond de tout. Je cuis mon pain, je fais mon yogourt, c'est plus long mais c'est tellement bon. Les gars continuent de faire leur sortie de pêche quotidienne.

D'ailleurs, hier encore, en fin de PM, René, Nicolas et Antoine sont revenus de leur pêche avec deux sublîmes thons jaunes, un d'une quinzaine de livres et l'autre faisant au moins 20 livres. Sans compter qu'ils en avaient aussi ramené un de 15 lbs la veille. Avec environ 50 livres de thon, faute de pouvoir le congeler, devinez ce qu'on a fait de notre soirée... Il était minuit et je terminais tout juste mes conserves. C'est relaxant le vie de bateau!

On n'est jamais vraiment sortis de notre rythme de vie d'antan, on a toujours eu tendance à nous lancer dans des projets rocambolesques jusqu'à tard le soir. L'avantage c'est que ceci facilitera, j'espère, notre réintégration dans le vrai monde au retour.

Au risque de le perdre, on continue à manger du thon tous les jours, midi et soir. C'est Hugo qui serait heureux. On pense souvent à toi Hugo, j'ai l'impression que tu te rabattrais souvent sur ta bonne vieille crème de champignons ces temps-ci. Sashimis, sushis, fish & chips, steaks de thon marinés, filets de thon grillés à la poêle, poisson séché (suspendu un peu partout dans le cockpit), salades de thon, tartinades de thon. Il y a même des bateaux qui font fumer leur poisson.

On les essaie toutes, la cuisinière commence à craindre de bientôt arriver au bout de son répertoire d'idées recettes. Elle sera bientôt à court d'idées innovatives. Que la vie est difficile! De temps en temps, je dois imposer un embargo sur la pêche car on ne vient plus à bout de consommer toutes ces prises. Nicolas tourne en rond comme un lion en cage lors de ces journées, attendant patiemment le lendemain, souhaitant que l'embargo soit levé. Parlant de Nicolas, avant-hier, pendant sa pêche, il a plongé avec un banc de dauphins. Il entendait même leurs ultra-sons sous l'eau. Magique comme moment!

Nous croisons des bancs de dauphins pratiquement à chacune de nos sorties de pêches, alors René et moi avons aussi eu l'occasion de plonger pour nager avec les dauphins. Wow! Bref, on ne s'ennuie pas! Vive le poisson!