Martinique – Cuba
3 mars 2016
Après quelques semaines passées en Martinique et une croisière vers les Grenadines, Jean-du-Sud met le cap sur Cuba. Après une escale d’avitaillement au Marin, une visite à Sainte-Anne pour caréner, Jean-du-Sud met le cap sur Cuba avec comme équipage Keven et Gwen, son amie bretonne, ainsi que moi-même. Pour cette traversée, j’agis comme équipier, ou même passager, ayant confié le commandement à Keven. Branle-bas un peu avant 0700, on relève l’ancre et part sous voiles dans un alizé timide. Les deux ris dans la grand-voile sont largués, le petit génois déroulé, et même le grand hissé, tangonné à tribord, vitesse entre 4 et 5 nds.
1000 : On vire le cap Salomon, nous éloignant graduellement de la côte. L’alizé et toujours timide. On empanne la grand-voile et roule le petit génois, pour courir bâbord amure, cap 288 V.
Vers midi, le vent mollit. On envoie le spi, qu’on garde environ une heure. Puis le vent tombe presque complètement et le skipper (Keven) décide de mettre le moteur. Mais vers 1530, celui-ci s’arrête et on constate qu’il sort très peu d’eau de la sortie de la pompe à eau, qui pourtant a été remplacée en Guadeloupe. On envoie le reacher, l’alizé soufflant maintenant du sud. Vitesse 2 – 3 nds. En l’absence de vent et sous le gros soleil, il fait très chaud.
Tout l’après-midi, le vent souffle du Sud, très faible. En début de nuit, il passe au NE, mais toujours faible. Il forcira au cours de la nuit, toujours du NE.
4 mars
Au matin, il semble que le vrai alizé soit revenu. Brise de force 4, NE, notre vitesse, 5 nds. Toute la journée, le vent demeure stable. Mais il forcit en fin de journée, ce qui fait qu’on affale la grand voile complètement et remplace le petit génois pour courir sous grand génois seul, recevant le vent sur la fesse droite.
5 mars (troisième jour)
Au matin, le vent ayant molli, on renvoie la grand voile et remplace le grand génois par le petit, qu’on tangonne au vent. Mais il reforcit et on prend un ris à la GV.
Position à 0800 : 15,20’ N, 64 12’ W.
0900 : Le vent passe au sud de l’est. On empanne la GV.
1100 : On empanne aussi le génois, le vent étant plein arrière.
En après-midi, le vent mollit et la mer est moins grosse, le roulis diminue. Cela continue ainsi tout le reste de la journée et de la nuit.
6 mars (quatrième jour)
Position à 0800 : 15 52’ N, 66 14’ W.
Au matin, le vent ayant encore molli, on envoie le grand génois en ciseau avec le petit, sous la GV. Il fait encore plus chaud avec ce vent plus faible. Vitesse entre 4 et 5 nds.
En matinée, le vent mollit encore un peu. Vitesse 4 nds. Comme ça toute la journée.
En fin d’après-midi, Keven remonte une belle daurade d’une soixantaine de centimètres, qu’il nous sert pour souper.
En milieu de nuit, le vent tombe presque complètement. Vitesse entre 1 et 2 nds.
7 mars (cinquième jour)
Position à 0800 : 16 24’ N, 67 38 W. 85 milles dans les derniers 24 h.
Un grain de pluie fait tourner le vent à l’ouest, mais cela ne dure pas. Il tombe complètement.
0840 : Moteur, 4 nds.
1015 : Un grain amène du vent. D’abord de l’wsw, puis il tourne rapidement au nord. On affale le grand génois, déroule le petit et hisse la GV pour courir vent légèrement sur l’avant du travers, vitesse 4 + nds. La pluie dure une petite heure. Après la fin de la pluie, le ciel reste couvert, ce qu’on apprécie, car il fait moins chaud.
En après-midi, la brise tourne au NE et prend du muscle, nous procurant une vitesse de 5,5 – 6 nds.
1640 : Un grain nous force à prendre deux ris et rouler du génois.
2000 : Le vent forcit. Trois ris. La mer devient grosse, ça saute comme si on était au près. Beaucoup d’embrun. Une volée d’embrun inonde le poste avant, dont le capot était resté entr’ouvert. Ce vent fort dure toute la nuit.
8 mars, sixième jour
Position à 0800 : 16 57’ N, 69 34 W.
Le vent fort dure encore au matin. Ça cogne, ça arrose ; on court vent sur le travers.
1000 : On remplace le génois par le tourmentin.
1300 : On affale la grand voile. Coup de vent. On court sous tourmentin seul, vitesse entre 4 et 5 nds. Authentique coup de vent. Beurrée de beurre de pinotte pour le lunch, pâtes au pesto pour le souper.
2300 : Trop de vent pour le tourmentin, le bateau embarde trop. On l’affale, pour courir à sec de toile, vitesse 1,5 - 2 nds dans l’eau, 3 avec le courant.
9 mars, septième jour
Toute la nuit à sec de toile, le vent restant fort. Au lever du soleil, on déroule un peu de génois. Vitesse 5 nds.
Position à 0800 : 17 21’ N, 71 17’ W. Île à Vache 150 milles.
1130 : On embouque le canal Alto Vielo, entre l’île du même nom et l’île Beata, espérant fortement que passé cette île, la mer soit moins grosse et le vent moins fort. Ce canal est près de la frontière entre la république Dominicaine et Haiti. Toujours sous un tiers de génois.
1200 : En passant près de la côte, la turbine de l’hydro-alternateur se prend dans une ligne de pêche flottante. Même ayant roulé complètement le génois, la pression du vent qui souffle toujours à force 8 est trop forte pour qu’on puisse remonter la ligne, la seule solution serait de la couper. Mais on réussit à la remonter à l’aide de bouts amarrés à la ligne par des nœuds de bosse virés au sinchet couper la ligne de pêche à l’aide du couteau de Gwen amarré à la gaffe.
On se demande si on ne pourrait pas trouver refuge au Cabo Rosso, sur la côte de la République Dominicaine, à une vingtaine de milles vers le nord, mais le vent ne nous le permet pas, c’est trop pointu, il faudrait tirer des bords pour y arriver. Il faut continuer jusqu’à l’île à Vache, distant de 145 milles.
Heureusement, en après-midi, le vent mollit un brin et passe franc est. Il n’y a plus d’embrun et on peut rester sur le pont sans risquer de prendre une barrique sur la gueule.
1700 : Le vent mollit encore et on peut envoyer la GV, toujours à 3 ris, sur tribord, avec le petit génois partiellement roulé tangonné à bâbord.
0930 : Le vent reforcit. On affale la GV, pour courir sous un demi petit génois toute la nuit.
10 mars huitième jour
Au lever du soleil, un grain fait tomber le vent qui tourne au NNE. On hisse la GV ENTIÈRE, SANS RIS. Vitesse 4 nds.
Position à 0800 : 17 59’ N 73 11’ W
On a la pointe est de l’Île à Vache par le travers vers 1230. Le livre Escales de Grande Croisière de Jimmy Cornell mentionne une marina avec pontons, moorings, électricité, eau, et même laverie et Wifi dans un patelin appelé Port Morgan, situé sur la côte sud de l’Île. Comme on n’a pas de carte de détail et que ni la carte générale qu’on trouve sur le logiciel Open CPN sur l’odi ni Navionics sur l’Ipad ne mentionne de Port Morgan, on longe la côte sud de l’île à distance prudente, qui est quasi rectiligne et n’a aucune baie ou anse pouvant abriter une marina ; au bout de six milles, la côte s’incurve vers le nord-ouest et contient une ou deux anses où ce serait possible. Mais non, il faut contourner l’ile par le nord et revenir dans une baie assez profonde contenant un joli bassin indiqué sur la carte comme étant profond d’un ou deux mètres, mais en fait profond de six ou sept, où cinq voiliers sont déjà à l’ancre (dont un équipé d’un CapHorn !) où on mouille vers 1530.
Immédiatement on est envahis par plusieurs « boat boys » de tous les âges nous proposant toutes sortes de services. En fait, cet assaut est presque continuel. Ils viennent sur toutes sortes d’engins flottants propulsés par tout ce qui peut servir, même la tige d’une palme de cocotier, nous offrant de nous faire visiter l’île, demandant si on a quelque boulot pour eux, si on a des vieilles voiles, des vieux cordages qui pourrait servir à leur père qui est pêcheur ou du lait pour leur mère qui a un bébé, ou un biscuit… Ils restent agrippés à la filière jusque à ce que l’on cède. Ils sont toutefois très polis. La conversation commence par la question : « Comment t’appelles-tu ? Moi je m’appelle Wenson, ou . Si tu veux, je peux te l’écrire sur un papier…
Ménage et séchage en règle, après le gros temps des derniers jours. On s’était dit qu’on souperait à terre ce soir. On débarque et monte à l’hôtel (celui qui devait construire la marina, mais en a été empêché par les gens de la place qui voulaient continuer à gagner leur vie avec les bateaux) ; l’hôtel est fermé faute de clients, mais à la cuisine, on dit qu’on pourrait nous servir à souper pour 35$US par personne. Pas de Wifi non plus ! Ashley, le premier boat boy à avoir atteint notre bateau nous a parlé, si l’hôtel ne peut pas nous recevoir, d’une dame qui fait à manger un peu plus loin sur le chemin. On marche quelques centaines de mètres dans un chemin boueux par endroits, et arrive dans un endroit éclairé par un lampadaire où brûlent deux feux â terre ; une table, quelques casseroles, quelques sacs de légumes et bidons divers directement sur la terre battue, deux bancs faits de deux poteaux verticaux plantés dans la terre reliés par un 2 x4 sur lesquels on s’assoit pour manger. La seule table supporte les autres ingrédients, les casseroles, etc. On peut nous servir poulet, plantain, patate douce pour 10 $ par personne. Ashley nous avait pourtant dit qu’on mangerait pour 3$. Méprise, les dollars sont des dollars d’Haiti, pas des US (on ne dit plus gourdes, semble-t-il). N’ayant pas encore la monnaie du pays, on se met d’accord pour 3 euros par personne. On désire notre poulet bouilli ou frit ? Frit ! On nous servira finalement sur une assiette de carton un pilon accompagné de tranches de patate douce et de plantain, frits aussi et d’une salade de choux, sur une assiette de carton. On mange avec les doigts, assis sur le 2X4, notre assiette dans les mains. Assez bon, toutefois. Toute une expérience !
11 mars
Keven et Gwen prennent le canot qui va aux Cailles, sur le « continent », où il y a, d’après Ashley, un supermarché. 25 personnes bien comptées sur un canot non ponté à se faire doucher d’embruns pendant 45 minutes protégés par une improbable bâche en plastique. Au Cayes, il n’y a pas de supermarché, qu’un marché public. Il ne reviennent qu’avec quelque fruits et légumes locaux. Même trouver du papier hygiénique était un exploit. Ce soir, souper créole chez un couple très pittoresque de l’endroit. J’en donnerai des nouvelles dans la prochaine communication
Souper créole
En matinée Doudou et Vilna accostent Jean-du-Sud dans leur pirogue pour nous demander si nous désirons un souper créole chez eux, à une vingtaine de minutes de marche. (Son vrai nom est Alexandre-Salomon, mais il est connu sous le surnom de Doudou.) J’accepte pour le même soir, mais à confirmer en début d’après-midi, après le retour de Keven et Gwen qui sont allés au Cayes. Un peu plus tard, ils reviennent pour me montrer les poissons qu’ils vont servir et qu’ils ont achetés d’un pêcheur. Mais c’est toujours à confirmer après le retour de Keven et Gwen, ce qui sera fait à leur retour. Doudou viendra nous attendre au débarcadère à 1730 pour nous guider chez lui et on convient du prix de 10 $US par personne.
À l’heure dite, il est déjà là et nous attend. Il nous mène chez lui, à une bonne demi-heure de marche. En route, on apprendra qu’il a quatre filles, que la population de l’Île à Vache est de deux mille personnes, que l’ex-président Martelli était apprécié, et qu’on construira un aéroport « international » à l’extrémité est de l’Île. Arrivés chez lui, le souper est déjà prêt, mais avant, Vilna nous fait visiter sa maison, une pièce commune en avant, suivie de trois chambres à la suite, avec deux lits dans chacune. Une marmaille de petites filles grouille et rigole autour de nous, Certaines sont les siennes, d’autres sont leurs petites filles, leur ainée ayant 23 ans.
Cette fois-ci, on mangera à table ; il y a trois assiettes, mais trois cuillers comme seuls ustensiles. Poisson frit, purée de mangue, ris aux haricots. La bouffe est bonne, on mange à notre faim. On s’éclaire avec deux lampes Led, rechargeables au soleil, Doudou ayant un panneau solaire, mais pas de batterie. Naturellement, il n’y a pas d’électricité sur l’île.
Keven avait convenu avec Ashley que lui et son copain Jasmin viendrait nous prendre avec leurs motos à 19 heures chez Doudou pour nous mener « en ville » boire quelques bières et danser. Keven et Gwen sur la moto d’Ashley, moi sur celle de Jasmin, à rouler sur une piste pleine de trous et de bosse, ressemblant davantage à une piste de moto cross qu’à une route. Il n’y a d’ailleurs pas de voitures sur l’île, faute de routes. Après une demi-heure nous faire sauter, on arrive en ville, à un bar appelé « Amical Bar » ; le petit groupe électrogène gronde sur le perron pour éclairer l’intérieur et alimenter la sono qui diffuse à vous péter les tympans de la musique d’Haiti. On y restera deux heures, boira quelques bières, mais on ne dansera pas. Les deux nous ramènent au bateau vers 22 heures, après une autre demi-heure à nous faire sauter le derrière sur la piste.
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