Bonjour,
Les conditions ne sont toujours pas favorables à un départ du voilier. Note encourageante, il a maintenant un compagnon, Excentricity. Robert et Denise sont arrivés hier matin aux Bermudes. Ce sont des optimistes puisque Robert s'attend être de retour au Québec le 24 mai.
Suit un récit de Pierre et Stephen qui raconte magnifiquement leur traversée et arrivée au Bermudes.
Avril 2008
Origine : St-Martin;
Destination : Bermudes
Sûrement et vivement un séjour fertile en émotions et en événements de toutes sortes, pour les soussignés, flanqués de Gérard et aussi d’Éva, la fille du capitaine, qui faisait en sorte de débuter ce passage dans les îles du sud toute en beauté et en nouveautés…
En effet, profitant de quelques jours d’avance sur nous, Eva a eu tôt fait de nous emmener dans les lieux « hot » de Sint-Maarten, propice au shopping, à la plage, au soleil, à la bonne bouffe et à d’autres lieux et club branché de la partie sud de l’île.
Les heures étant comptées avant notre départ, avec les préparatifs d’organisation, de cambuse, et autres accastillages, il a fallu vite profiter de bus et de taxis pour se rendre aux 3 autres coins de l’île de St-Martin, question d’admirer ses plages aussi dorées que les occupants qui les foulent.
Bye-bye Philipsburg, Mao-Bay, l’Orient et Marigot. Il est 11h30 a.m. le mardi 22 avril de l’an de grâce MMVIII. Nous avons tout : les biscuits, le tonneau de rhum et le diésel. On largue les amarres.
Température:+/- 28 oC. Vent : un souffle. Humidité : relative. Mer : turquoise-transparente. Soleil : souriant. Nous voilà partis pour une longue route de 850 mn, minimum (nous en ferons mille). Le cœur léger. La confiance en tête de mât. Aussitôt l'île d'Anguilla laissée sur tribord, Cap-Lib se déplace avec assurance au bout de ses 18 HP. L’objectif suivant est l’île de Sombrero, qu’on laisse sur bâbord mais pas avant d’avoir croisé un parc marin (selon nos cartes) où régnait une certaine activité de la faune subaquatique; pour preuve : ce petit poisson (±1m), tout en finesse qui nous suivait, aussitôt pris en chasse par un requin dont on voyait l’ombre menaçante à travers les remous du bateau. Un coup de queue et hop, c’en était fait du poisson…
La brise SW s’est installée peu de temps après, nous permettant de lever les voiles pour notre première nuit à bord et … d’éteindre le moteur.
Les nuits sur le bateau se sont particulièrement bien déroulées, pour la plupart, propices à la réflexion profonde(!) et à la navigation astronomique avec Polaris servant de cap géographique. À travers un ciel souvent dégagé, laissant paraître un bon croissant de lune, Jupiter (?) et quelques étoiles filantes. Deux grosses météorites nous ont même fait l’honneur de traverser l’atmosphère non loin de nous, de se fragmenter sur l’horizon et même d’éblouir Stephen par le travers, affairé qu’il était à combattre le sommeil les yeux rivés sur le compas.
Les premières nuits nous ont aussi permis de voir au loin les éclairs provenant de certaines formations nuageuses, au passage de la région chaude antillaise vers les parallèles des régions plus nordiques : un grain à d’ailleurs secouer Cap-Lib en pleine nuit nécessitant l’intervention « éclair » de l’équipage alors au repos.
Les premiers 300 mn se sont soldés par des vents de près de 20 kn dans le nez : présage peut-être à ce qui nous attendait au tournant des Bermudes… Avis à ceux dont l’organisme n’est pas encore amariné : voici le premier test venu. Petits comprimés pour certains, maux de tête solides pour d’autres… Les allures au près serré sont particulièrement exigeantes physiquement. Mais ceci ne nous a nullement empêché de tenir le cap, de poursuivre notre stratégie de route, d’optimiser les réglages et d’honorer la cambuse de Cap-Lib dont la notoriété sillonne désormais les 2 côtés de l’Atlantique.
La bonne bouffe a semblé constituer un point d’orgue tout au long de ce passage : les cubes de bœuf style bourguignon, le poulet à l’orientale, les spaghettis sur base d’oignons caramélisés, les pizzas du chef, jusqu’au simple mais réconfortants « grill-cheez » fait de tranches d’une fournée de pain à l’eau de mer, par 28o N, 64o W, tout ça ayant reçu la note de passage (et bien-au-delà!) de notre capitaine!
Puis vinrent les grands calmes. Le Réseau du Capitaine nous l’avait annoncé à mi-parcours: vents faibles 3 à 4 kt, mais houle du large de 3 à 4 mètres, et plus! Des tonnes d’eau. Des montagnes d’eau qui se déplacent sous le bateau. Heureusement pour nous, cette houle est très arrondie, toute en nuance si bien qu’au bout de 2 jours à ce rythme, sous soleil de plomb, l’idée nous prend de stopper l’engin et d’y aller d’une petite baignade par 5000 m de vide sous-marin en dessous de nous.
Plus tard, Le Réseau du Capitaine nous ont fait la stupéfiante mais combien agréable surprise de nous connecter à nos conjointes & familles à terre, interfaçant téléphone et ondes-courtes :
- Johanne? Est-ce bien toi!? Comment tu vas!?
- Pas mal bien, de mon bureau, en ce beau lundi matin…!!
- (…)
- Allo Josée!! Grosses bises…SVP, passe-moi Émilie.
- Snif… J’m’ennuie de toi papa!!! Ouinnn, snif…
Un des moments forts de notre aventure…
Peut-être avons nous puisé dans ce dernier événement l’énergie qu’il nous fallait pour finir notre aventure en beauté..? Car après l’accalmie, les vents se sont installés; d’abord Sud, puis SW, W et le Nord : frais, solide (30 kn), et tout à fait contraire à notre route! Une finale peut-être mal calculée, mais comment pouvions-nous savoir? Fatigués, trempés, au bout de nos « vivres » et de diésel, après 9 ½ jours de haute mer, apercevant les Bermudes au loin par devant, sans pouvoir réellement les atteindre qu’à force de réglages fins (arrisés, tourmentin, génois à 5%, pennons droits, etc...), et de bords au près serré de + en + énergiques… grugeant un à un les degrés au compas afin de s’approcher de notre but.
Les modalités d’entrée à St. Georges ont débuté par radio en fin d’après-midi, à environ 15 M du but final, avec un barrage de questions. On n’entre pas aux Bermudes comme on entre au Laos (!) : type et # des équipements de sécurité à bord, les # d’enregistrement, # de certificats, etc…
On passe le test. Plus tard, en final d’approche pour entrer en Baie de St. Georges, c’est Bermuda Radio qui nous rappelle à l’ordre :
- Vessel Cap-Lib, you are going too far!! over.
En effet, nos yeux fatigués n’arrivaient pas à distinguer les bouées et feux d’entrée, à travers une multitude de lumières dans une nuit claire et déjà bien entamée.
22 h 09, heure locale, on se présente au quai des douanes dont l’agente a eu la gentillesse de nous attendre à cette heure tardive, nous évitant un séjour en quarantaine au mouillage jusqu’à 8h00 a.m. que d’aucuns ne souhaitait.
Bernie, le maître de quai de notre marina d’attache, nous a rapidement pris en charge pour les technicalités d’usage, prenant bien soin (!?) étrangement, de ne pas nous dire qu’il abritait chez-lui Philippe, Annette et Guy, notre équipe de relève sans doute un peu désespérée de nous attendre depuis tôt le matin…
Bière, pizza, fish & chip dénichés in extremis dans une ville complètement endormie, ont très bien comblé nos besoins du moment.
Il nous aurait fallu une grosse semaine pour faire le tour de cette île charmante au cachet très British. Nous nous sommes contentés de la partie nord-est de l’île, où se trouve St.Georges, quand même désignée site du Patrimoine mondial par l’Unesco.
Le jour précédent notre départ, en scooter, à toute allure, nous avons visité plusieurs sites : forteresses (l’île en compte des dizaines), phare, parcs, plages, en terminant par une caverne à stalactites absolument stupéfiante!
Une bonne bouffe, à 6 complices, au resto près du quai des douanes, raisonnablement bien arrosée, nous a permis de faire le point. Un point figé dans le temps et à jamais dans nos mémoires de marins d’occasion, avide d’aventures inusitées et de chaleureuses amitiés.
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