Le 2 mai 2008 entre Rosario et Carthagène
Bonjour,
Nous nous préparons à remonter vers Carthagène. Il nous reste 25 milles à faire et aujourd'hui nous réalisons que ça fait 100 jours tout rond que nous n'avions pas pénétré dans un lieu civilisé. Le 23 janvier, nous quittions Carthagène, les cales pleines d'un peu de tout en vue d'une croisière qui n'avait pas de but précis. Nous savions que nous voulions voir les Kunas. Mais au-delà des San Blas, notre ambition voyageuse était encore mal définie.
Question avitaillement, plus nous nous enfoncions dans le golfe Darien, moins nous trouvions de quoi faire des courses. Nous avons donc passé ces 100 jours en ne pouvant acheter que deux fois quelques légumes frais (tomates, pomme de terre, chou, salade, carottes rien d'autre) Le reste du temps, nous nous sommes débrouillés avec des ignames, des cocos, des langoustes et du poisson. Ca c'est pour les produits frais, car du côté conserves, nous partons toujours avec une grosse réserve! Une autre chose aussi (chut il ne faut le dire à personne!)Nous partons avec une très grosse réserve de coca light (ou pepsi, je ne suis pas sectaire) Mais ça c'est ma petite drogue quotidienne. Et bien figurez-vous, qu'en rentrant à Carthagène, il me reste 3 coca light, hors je n'ai pas pu refaire le stock en route, les Kunas ne boivent pas de sodas, et les colombiens ne boivent pas de light. Seul le bateau Odilon, nous a fait cadeau de 6 bouteilles de 600ml lors de notre rencontre à Ustupu. Des bons samaritains!
Il faut dire qu'au départ de notre croisière, nous ne savions pas franchement où nous allions. Une carte routière nous donnait la route grossière entre Carthagène et Fuerte. Pour la route vers Sapzurro, une carte électronique sans détail nous a permis d'imprimer l'illusion d'un point d'atterrissage. Un guide fait par Bauer a pris le relai pour les San Blas. Cela dit, nous nous sommes limités à la partie non détaillée du guide entre Obaldia et Ailigandi. A croire que nous le faisons exprès!
Nous n'avons croisé sur la route que quelques rares bateaux. Nous nous souvenons de tous, ils étaient moins de quinze. A vrai dire lorsque nous parlons à nos collègues marins de Sapzurro, j'ai presque l'impression de les entretenir sur un satellite oublié de la lune. Et puis côté Panama, quand on est arrivé à Obaldia je pensais y trouver au moins une ville. Mais non... aucune ville pendant tout ce temps. Aucune voiture, pas un seul endroit relié à Internet, pas un seul village qui soit relié au secteur électrique du pays dont il dépend, pas d'eau courante pour les habitants, pas de supermarché, pas de télévision, à Fuerte il n'y avait même pas de courrier possible ... Bref un autre monde...
Alors, en arrivant dans Carthagène, j'ai la sensation d'avoir fait un grand voyage. Bizarre, nous n'avons pourtant parcouru que 491 milles. Ca donne du 5 milles par 24 heures si on naviguait tous les jours... A ce rythme-là, on mettrait (à condition de ne jamais rebrousser chemin!) 4000 jours pour faire le tour de la planète. C'est encore raisonnable, ça ne fait que 11 ans... (Un copain, mauvaise langue, avait compté qu'à notre rythme on mettrait 41 ans...) La vérité "étoiledelunesque" est sans doute à trouver entre ces deux chiffres...
Mais, le grand voyage cette fois-ci ne se compte pas en milles. Il se compte en sourires, en contacts, en regards d'amitié et en pas faits vers d'autres modes vies, d'autres cultures... Il faut du temps pour se faire accepter et percer l'intimité que les insulaires veulent bien partager avec nous. Il ne suffit pas de se mettre sur la poitrine l'estampille de voyageurs et d'arriver. Pénétrer au coeur d'un village, c'est apprendre que seul le temps permet d'estomper les différences pour se comprendre vraiment.
La plupart des familles que nous avons rencontrées vivent dans ce que les Occidentaux nommeraient le dénuement. Leur quotidien est en grande partie voué à la quête de l'eau et de la nourriture. Nous rencontrions Romulo à Ustupu qui nous disait "Il faut bien que je travaille aux champs, sinon je ne mange pas". Cela ne l'a pas empêché de prendre toute une journée "de vacances" pour rester avec nous. Il voulait partager sa culture, parler des coutumes Kunas, nous emmener à la rivière pour saluer ses ancêtres au cimetière, venir à bord du bateau et discuter tout simplement, comprendre d'où nous venions et qui nous étions. Quel moment! Et ce ne fut pas le seul...
A l'approche de la saison des orages, il nous faut prendre une décision. Rester dans le Golfe Darien c'est s'exposer à de longs jours de pluie et au risque de foudre. Une solution serait d'avancer, comme les copains vers l'ouest, mais le sentiment de n'avoir pas tout cerné est trop lourd. Nous sommes réellement partagés entre une envie d'élargissement et un désir d'approfondissement. Alors, parce que la Colombie nous a tant marqués, nous y revenons. Parce que les Kunas nous ont tant surpris, nous
voulons du temps pour les comprendre. La meilleure saison pour profiter de tous ces bonheurs recommencera en janvier l'an prochain. Entre temps, nous revenons sur Carthagène, puis sur les îles ABC et nous passerons la saison cyclonique entre Curaçao et Aves. Dans ces îles nous formulons le secret espoir de retrouver nos amis les dauphins et qu'ils acceptent de se baigner à nouveau avec nous. Ils vont sans doute être difficiles à trouver, j'ai perdu leur numéro de portable...
Amitiés marines
Nat et Dom de l'étoile de lune
Ce mail est envoyé depuis la messagerie du bateau que nous consultons via Winlink et la BLU. Bientôt vous recevrez nos articles écrits dans le cadre du site Internet www.etoiledelune.net envoyés du beau cyber de Carthagène. Vous retrouverez en différé ce que vous êtes un petit cercle à vivre en direct...
Petits rappels :
Pour nous suivre en temps réel d'escale en escale consultez l'adresse suivante : http://lereseauducapitaine.qc.ca (rubrique voiliers F4FJD)
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