L'art du tapa
Technique ancestral des Maohis.
kaoha,
Les Maohis ne connaissaient pas l'art du tissage. Jusqu'à l'arrivée des Européens en Océanie, les Maohis utilisaient pour la confection d'étoffes, l'écorce d'arbres tels le banyan (famille du figuier), le uru (l'arbre à pain) ou le mûrier sauvage. Cette étoffe fine et solide était obtenue par un procédé de battage. Elle assumait des rôles pratiques et quotidiens, mais également culturels, sociaux et religieux.
Le tapa servait de vêtements, de parures pour les idoles, de première couverture pour les nouveaux nés et de linceul. Entre ces deux extrêmes de vie, le tapa était utilisé comme draps pour les mariés. L'étoffe souillée du sang était enterrée au coeur du Marae (lieu de culte, le marae fera l'objet d'une lettre ultérieure) . Le tapa servait aussi de monnaie d'échange ou représentait un cadeau précieux.
L'art du tapa est une technique séculaire, que les Maohis auraient emportée dans leurs bagages dès 1300 av. J.-C. Il est originaire, comme les populations, du sud-est de l'Asie. La confection du tapa se serait propagée depuis les Samoa et les Tongas dans toutes les îles du Pacifique.
Avec l'accession des îles, aux progrès technologiques, l'art du tapa s'est perdu sauf dans certains archipels tels les Samoa et les Tongas où il garde un rôle social. En Polynésie française, seule l'île de Fatu Hiva fabrique encore le tapa.
Les femmes de Fatu Hiva sont fières de leurs oeuvres. Il n'y a pas de coopérative ou de magasin de souvenirs. Avec spontanéité, les enfants ou les jeunes femmes abordent les étrangers et leur demandent s'ils veulent découvrir les tapas de leur maman. J'avoue que je n'ai pas résisté une seule fois à ces invitations. Dès lors, nous sommes accueillis dans un faré où la maîtresse de maison nous dévoile toute sa collection. Ainsi, Juliana, Marie, Désirée, ont eu la gentillesse de nous expliquer toute la procédure du tapa.
Voici ce qu'elles nous ont transmis.
Au départ, leur époux les aide à trouver l'arbre dont ils coupent l'écorce. Leur rôle s'arrête là. Les femmes prennent la relève jusqu'à la fin du processus. Le tapa est une affaire de femmes!
L'écorce première est trempée dans le ruisseau pendant deux à trois jours pour l'assouplir. Ensuite, la fibre en est extraite à l'aide d'un grattoir. La substance obtenue est placée sur une pierre longue et plate qui servira d'enclume. La faiseuse de tapas s'assoit pour de longues heures et bat la fibre sans relâche. Elle utilise un « ike», un battoir en bois très lourd à quatre faces gravées de rainures. La fibre devient une pâte et, elle est étalée sur de grandes planches lisses pour séchage. Lorsque le tapa est sec, il est prêt pour son ultime étape, celle de la peinture.
Selon l'arbre utilisé, le tapa prend trois niveaux de teintes : blanc pour le mûrier (rosier de chine), beige pour l'arbre à pain, marron pour le banyan. Les dessins sont peints à l'aide d'un mélange d'ancre de chine et de teintures végétales.
Les modèles se retrouvent d'une famille à l'autre. Les grands ténors sont :
- le guerrier tatoué
- son épouse, la faiseuse de tapas
- le tiki
On trouve plus rarement, une carte stylisée des Marquises. Les îles trouvent leur place sur la carapace d'une tortue. Juliana était la seule à représenter les pirogues qui servirent autrefois aux Maohis pour migrer dans tout le Pacifique.
Les faiseuses de tapas gardent en elles des gestes ancestraux. A la question : "que signifie tel ou tel dessin", elles ne peuvent répondre. Je ressens comme une habileté génétique, quelque chose qu'elles auraient dans le sang et qu'elles perpétuent. Car ce n'est pas les souvenirs qui leur viennent en aide pour immortaliser cet art. Leur mémoire fut effacée par les colons européens plus désireux d'asservir les Maohis que d'en saluer leur génie.
Outre pour des oeuvres peintes, le tapa sert encore à la confection des costumes des troupes de danseurs. A la place des couronnes de fleurs, un tressage de trois étoffes de teintes différentes est utilisé pour orner les cheveux des belles vahinés qui se trémoussent au son du ukulélé. Les paréos des danseurs peuvent également être faits de tapas... Cette étoffe se retrouve à chaque niveau de la tradition polynésienne et bien qu'elle ne se fabrique plus qu'à Fatu Hiva, on la retrouvera un peu partout sur les îles de Polynésie et surtout au moment des fêtes du Heiva (grande manifestation folklorique de juillet).
Le tapa est l'une des sources de revenus pour Fatu Hiva, une île en dehors du temps qui ne vit pas encore à l'ère de l'internet et qui ne dispose ni d'aérodrome, ni de navettes régulières qui la relieraient au reste du monde. Une fois par an, les familles s'offrent un voyage pour participer aux « kermesses» de Tahiti et y vendre leurs produits : tapas, bananes séchées, monoï, poissons et langoustes. L'Aranui, cordon ombilical entre les îles plus riches et Fatu Hiva embarque aussi ces mêmes produits afin de les revendre, plus largement dans l'archipel.
Pour l'heure, nous avons contribué à l'épanouissement de quelques familles, et voici notre Etoile nantie d'une jolie vahiné en plein travail de confection de tapas, d'un tiki et d'un fier guerrier à la peau décorée des pieds à la tête.
La nuit..., lorsque je me lève, je dois simplement me rappeler qu'il est inoffensif...
A bientôt pour vous parler d'autres aspects de cette île, vraiment unique.
Nat et Dom
www.etoiledelune.net
PS: vous vous doutez que je trépigne de partager avec vous des photos de tout cela. Patience... ça viendra. Dès le premier lien internet valable, je vous gaverai de clichés. En attendant faites marcher votre imagination, c'est pas mal aussi.
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