Nouvelles des Navigateurs

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entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

mardi 11 mai 2010

ÉTOILE DE LUNE - Nat et Dom à Fatu Hiva

Objet : un pic-nique dominical cuit au four polynésien, l'accueil marquisien autour d'une table de mets exquis.

kaoha,

Avant de partir, nous avons tous des rêves dans la tête. Ces rêves sont les lignes de vie du voyage.

Dans ma liste, il y avait en bonne place au chapitre polynésien :
- Voir des chevaux dans un décor extraordinaire de roche noire et de végétation luxuriante (la carte postale marquisienne par excellence!)
- Assister à repas cuit dans le four polynésien.

Si pour accéder à mes rêves, il a fallu aligner les milles nautiques, en revanche, il n'a fallu que quelques jours de présence (2) pour les réaliser. En débarquant le premier jour, dans le village de Hanavave, nous sommes accueillis par Ohutunui, une jument qui tombe littéralement amoureuse des beaux yeux bleus de Dom... Ohutunui, c'est joli comme nom! Cela signifie "pleine lune"... Une jument faite pour le capitaine de son Etoile!

Depuis, chaque jour, elle vient nous voir. Elle fonce sur nous et renifle la main de Dom... Il y a quelque chose qui se passe entre ces deux-là!

Dans la même journée, Désirée vient à notre bord, et nous invite pour le humu kai kai enata.
Humu (feu, four)
kai kai (nourriture)
enata (marquisien)
Ce type de four, existe partout en Polynésie. A Tahiti, on le nommera le ahimaa : « ahi » signifiant « feu » et « maa » la « nourriture».

Attention, ne faites pas comme moi:
Vous arrivez sur le sol marquisien avec en tête quelques mots de tahitien, que vous avez glanés dans les livres de voyage, et vous les utilisez, pensant vous fondre à la couleur locale... Très, très vite, les Marquisiens vous rattraperont par le col et vous diront :
« Ta, ta, ta! Ici, nous ne parlons pas le tahitien, mais le marquisien!» Cette erreur, m'a bien servie, car ils ont eu tout de suite à coeur de faire mon éducation et de m'inculquer le vocabulaire local! Ils disent ici, qu'un Marquisien comprendra un Tahitien, mais que l'inverse n'est pas vrai. La langue marquisienne étant plus alambiquée que celle des îles de la société. Super! Lorsque nous arriverons à Tahiti, je pourrai recommencer tout mon apprentissage! A chaque archipel son dialecte : l'école n'est pas finie!

Bon, revenons à notre humu kai kai. Cette tradition se perpétue encore. Chaque dimanche, les familles se réunissent autour du fare humu (la maison du feu). Ce n'est, à vrai dire, pas une maison, c'est un coin du jardin dédié au four. Le humu est constitué d'un trou, d'environ 50 à 80 cm de profondeur et de 2 mètres de diamètre, creusé dans la terre. Ce trou est rempli de bois et de bourre de coco qui alimenteront le feu. Sur la braise, sont disposées des pierres volcaniques, celles-ci n'éclatent pas à la chaleur, mais deviennent incandescentes. Les pierres sont disposées de telle sorte qu'elles offrent un socle stable sur lequel la nourriture (kai kai) est étalée, mais pas avant avoir été enrobée dans des feuilles de bananiers. Ceux-ci sont eux-mêmes recouverts de ces mêmes feuilles et d'une couche de sacs de copra. Tout autour, des pierres chauffées à blanc maintiennent la chaleur du four sur toute sa hauteur. Dernière étape : la terre noire et grasse comble le reste du trou.

Ce processus permet une cuisson des aliments à l'étouffée.

Quels sont les kai kai qui seront cuits dans le humu?
- le cochon
- la chèvre
- le poulet
- le boeuf
- le poisson
- les crustacés
- le fruit à pain
- les bananes plantain : "fei"
- "taro" (aux Antilles on l'appelle le chou de Chine)
- "fafa" (un épinard local qu'on met dans une marmite)
- "manioc"
- et toutes sortes d'autres plats.
Si le cochon est entier, la durée de cuisson peut atteindre 12 heures. Dans ce cas, les Marquisiens préparent le four le samedi soir, ils vont dormir paisiblement pendant que la terre prépare le repas d'après la messe.

Les Marquisiens ont le sens de l'accueil et de la table. Lorsque nous arrivons à la maison de Désirée, Francis, le mari d'Angel est en train d'ouvrir le four. Pendant ce temps, Jacques, l'époux de Désirée fend des cocos fraîches. Il en extrait la pulpe grâce à une machine de sa fabrication. Cela ressemblerait à une antenne satellite, et c'est sur le moignon central qu'il place la coco. Le mécanisme marche à l'électricité, le coeur vrille et arrache la pulpe qui est mise dans un plat, il n'y a plus qu'à la presser dans un linge. Incroyable, la quantité de jus qui sort de là!

Il faut s'imaginer ce moment unique!

Nous sommes sous les hautes montagnes de Fatu Hiva, au coeur d'une forêt généreuse où les arbres pleurent de fruits. Nous sommes rassemblés dans le jardin de Désirée devant son faré, et le four s'ouvre dans de bonnes odeurs de nourriture cuite. La famille entière s'affaire autour de nous. Les rires des enfants, les beaux regards malicieux des vahinés... L'accueil des Tupuna (les Marquisiens) est inimitable. C'est fait de chaleur, de naturel et d'humour. Tout est facile, l'adoption se fait en un clin d'oeil.

Sur la table nous trouvons en plus des mets sortis du four, du poisson mariné au coco. Le poisson cru est préparé avec du lait de coco, du concombre et des tomates. C'est la marinade qui cuit le poisson. C'est frais et délicieux.

Désirée ne possède pas assez de plats et de couverts pour ses convives. Peu importe, nous mangeons dans des gamelles et avec les mains. Elle a préparé de la citronnade. De l'eau où du jus de citron a été pressé et du sucre rajouté. C'est la meilleure boisson pour accompagner ce plantureux repas! Au début, nos doigts sont de bien piètres couverts, pour avaler sans s'en mettre partout, riz, viandes, poissons saucés... Mais très vite, nous ne nous formalisons plus et nous nous débrouillons très bien sous l'oeil bienveillant de notre famille d'adoption.

Nous sommes pleins comme des oeufs! Mais Désirée insiste, il faut que nous goûtions aussi à son porc cuisiné au sang, et à sa chèvre à la coco. Plats typiques des Marquises. Plus de place dans l'estomac, mais nous faisons honneur à ces nouveaux mets. Notre hôte se balade entre nous, avec une bouteille de jus de coco préparé spécialement pour accompagner les mets qui sortent du four. Elle assaisonne chaque gamelle, et se renseigne sur notre bien-être...

Comment nous régalons-nous?
Pour rien au monde nous ne troquerions notre place dans ce jardin au décor majestueux contre une table dans le meilleur restaurant de la planète!

A plus pour un autre clin d'oeil de Fatu Hiva

Nat et Dom www.etoiledelune.net

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