23 nov 2011
En navigation vers le nord de la Malaisie péninsulaire
Récit no 192 - Le Détroit de Malacca
Ouf, on vient de terminer le Détroit de Malacca! La mer a beau être belle, naviguer de nuit en cet endroit n'est pas très rassurant je dois dire, surtout pour nous, qui avons beaucoup navigué seuls, sans voir le moindre bateau des jours durant.
Hier soir, par exemple, juste au moment où j'entrais en poste pour que René aille dormir, je voyais le ciel s'assombrir de façon menaçante. René, vous le dira, ça ne manque jamais, c'est toujours quand moi je suis en poste que tout se met à déraper, on dirait que mère nature s'entête à me les garder... toutes, juste pour moi. Quelle bonté! Bon, je me dis... je suis capable, je suis assez grande, je ne vais pas réveiller le capitaine, c'est son tour de dormir. Mais j'ai la 'chienne'! Le ciel ne me dit rien de bon et je vous rappelle que notre radar ne fonctionne plus depuis quelques temps. Il y a des lumières partout devant, de toutes les couleurs, de toutes les formes et grosseurs, qui clignotent et tout. Notre appareil AIS a beau nous informer sur les dizaines et dizaines de paquebots et cargos au mouillage ou qui nous croisent de part et d'autre (à des vitesses atteignant les 35-40 km à l'heure versus notre maigre 3 noeuds (même pas 5 km-heure)), sur cette autoroute maritime qu'est le Détroit de Malacca; qu'en est-il des petits bateaux de pêches? Il y en a partout, sans parler des filets de pêche qu'on ne voit pas la nuit et oups! Je viens justement de passer en plein par-dessus une bouée d'indication de filet, et oups encore deux autres. Aucun moyen de les voir de nuit, celles-là. Fiou, les hélices continuent de tourner normalement. Le ciel est criblé d'éclairs, il y a la foudre et parfois même des trombes (tunnel) d'eau. A cette époque-ci de l'année, il y a, tous les jours, plusieurs orages inattendus qui se présentent à tout instant, sans crier gare. Est-ce que ça vous donne une petite idée pourquoi je ne me sens pas super rassurée? J'ai des palpitations, je ne quitte pas mon poste de surveillance dehors malgré la pluie qui tombe. Bon, René a-t-il bientôt fini de dormir? Il y a un bateau de pêche et des flashs droit devant, ouf René se lève enfin! Il était temps car juste à cet instant, nous entrions dans un labyrinthe de filets de pêches. A ce moment, nous avons décidé de nous en retourner dans la voie principale, car, malgré le traffic plus élevé, ça vaut mieux que de se promener à l'aveuglette au travers des filets de pêche. (Note: Quand je me relis, j'ai l'impression de lire un roman mais je vous jure, je n'en rajoute pas. Il y a des moments où la situation devient excatement comme je viens de vous le décrire!)
Autre anecdote... Ce matin, alors que je piquais un petit somme, en douce, avant le début des classes, sur les trampolines (après une dure nuit de veille), je fus réveillée brusquement au sein de la corne de brume d'un gigantesque paquebot qui s'apprêtait à couper notre route. Ouf, comme réveille-matin, c'est assez efficace; j'ai levé comme une balle! René a appelé le capitaine du paquebot sur la radio VHF. Ils se sont jappés deux ou trois échanges sur la radio mais en fin de compte, nous lui avons laissé la priorité. Un peu trop gros comme adversaire, on s'est tassés pour qu'il puisse mettre son ancre. Le capitaine n'était pas trop content, c'est comme se faire dépasser sur l'autoroute et que celui qui te dépasse te freine dans la face!!
Bon à part ça, il nous reste encore une journée et une nuit de navigation avant notre prochaine escale. La routine est bien reprise. Pour les quelques semaines à venir, nous avons décrété que l'école ne se ferait pas que le matin mais aussi en PM, question de se rattraper un peu avant l'arrivée de grand-papa et grand-maman. Heureusement que nous avons cet argument pour motiver nos troupes. Nous ne sommes pas très populaires avec cette idée de journée complète! Le mouvement syndical des Cat Mousses s'anime.
Le capitaine a ressorti sa boîte à outils, comme dirait notre copain Hervé. (En passant, bonne fête cher Hervé, il y a un an, jour pour jour, on fêtait ta fête avec un petit déjeuner aux brioches sur la plage de l'Ilôt Amédée en Nouvelle-Calédonie). Que de beaux souvenirs! Mais je suis certaine que tu ne t'ennuies pas de ta fameuse boîte à outils. Encore cette semaine, René a dû tout démonter le coude du tuyau d'échappement car le moteur n'arrêtait pas de caler. Les accumulations de carbone obstruaient à nouveau la chambre. On vas-tu finir par les faire vérifier ces injecteurs qui 'boucanent' (ou plutôt 'fument' pour les Français)? Ce n'est pas terrible que d'essayer de nettoyer ce bordel de tuyaux encrassés en mer, il nous manque quelques outils dans la caisse pour s'acquitter de cette sale tâche. Ce serait bien plus simple de changer les injecteurs mais un peu plus cher! On finira bien par en trouver! En Thailande peut-être.
De mon côté, je suis heureuse de retrouver mes chaudrons. En effet, avec tout ce temps parti à courailler à gauche et à droite, le temps manquait pour cuisiner. Cette semaine, alors que nous sommes en navigation, et donc loin des restos et du 'prêt à consommer' des épiceries, je peux enfin me remettre à popoter et manger notre bouffe normale (comme tu disais Chantal). Des bonnes salades et légumes frais, ça change des menus à base de riz dans tout ce qu'on mangeait lors de notre escapade.
Bon, je retourne à mon poste de surveillance, il ne faut pas trop baisser la garde.
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