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Objet : Quelques pans importants de la culture kuna enseignés par Marianne d'Allegria
Evaluer la valeur d'un molla
La genèse des travestis.
Photos :
Isabelle Bill en tenue traditionnelle (mollas, winis et bijoux en or)
Lisa et sa nouvelle collection
La jupe kuna offerte par Marianne
Bonjour,
Nous sommes partis de l'archipel des Hollandes afin de rejoindre nos amis du bateau Allegria. Marianne et Gaétan vivent dans les San Blas depuis 5 ans. Leur connaissance de l'archipel est un réel trésor.
Allez visiter leur site Internet: http://www.alegria2.com
A peine avons-nous trouvé une petite place dans le mouillage très prisé des East Hollandes que Gaétan vient me chercher. Il a à bord une personne de haute qualité! Lisa... Elle (il) est la concurrente directe de Venancio, dont je vous ai parlé l'autre jour. Elle est "couseuse" de mollas. On dit « maître molla » ou Mormake (Mor=Molla; Make= maître).
Je remplis à la hâte mon petit porte-monnaie de dollars et je laisse mon capitaine se dépatouiller avec le rangement du bateau.
Ça c'est pas bien Moussaillon!
Se débiner devant les corvées de pont... ta, ta, ta!
Sur le bateau de Gaetan et Marianne, Lisa attend que je débarque pour montrer sa "nouvelle collection". Son travail est totalement différent de celui de Venancio. Ce dernier respecte la tradition, tout n'est pas cousu par lui-même (apprend-on) la famille entière s'y met. Peu importe, il présente des vrais mollas, dans la plus pure tradition kuna. Lisa quant à elle travaille seule. Sa collection est donc plus limitée. Elle s'est également adaptée aux goûts des visiteurs. Elle décline le molla en "dessous de plat", en "protection pour soda, en sac à main... et en chemises! Il lui reste un seul et unique exemplaire. Mais alors, ce vert foncé marié aux formes géométriques bleu turquoise... je les vois déjà sur le dos de mon capitaine! Il a bien fait de ne pas venir, ce sera son cadeau de Noël... Mais chuuut, il n'y a que vous qui le sachiez, le secret est donc bien gardé.
En plus de la chemise, je me laisse tenter par un molla (bien entendu !), des dessous de plats, des protections pour soda, le petit sac en bandoulière... Bref, c'est Noël pour moi aussi. Lisa est très raisonnable dans ses prix, encore plus que Venancio.
LA VALEUR DES MOLLAS
Marianne m'enseigne ce qui fait la valeur des mollas. Je n'ai pas les talents de Marianne pour vous expliquer tout cela. Soyez indulgents. Mais en gros ce qui fait le plus effet (broderies et superpositions de motifs) n'est pas ce qui est le plus difficile à faire. Toutes les formes en zigzags demandent beaucoup de travail. Et le nec plus ultra c'est le travail de tissus en profondeur, voir au travers des couches de surface le tissu de fond. Il faut en plus que les coutures ne se remarquent pas. Et finalement si vous avez un molla dans les mains, comptez les couches de tissus, plus il y en a, plus la valeur est importante.
Lorsque Lisa part, mon capitaine arrive et là, commence pour nous LA rencontre. Je resterais des lustres à écouter Marianne et Gaétan. Ils nous expliquent tant de choses. Les oreilles bien ouvertes je prends ma leçon.
UNE CULTURE DIFFICILE A PERCER
Le mystère kuna reste intact. Marianne et Gaétan ont connu une sociologue qui est venue vivre un an au sein de la population. Elle a appris leur langue; mais, au bout de son étude, elle avouait ne pas avoir percé toutes les finesses de leur culture. Il faut dire que rien n'est écrit, mais qu'ils ont une mémoire phénoménale. Et puis, ils ont cette manière de se fermer comme une huître dès qu'on les questionne. Pour autant, Marianne nous explique ce que nous brûlons de savoir à propos des travestis.
Plus qu'une tendance quelconque, le travestisme est favorisé par les familles...
Ha oui?
Ouvrez bien vos yeux et lisez la suite!
LA GENESE DES TRAVESTIS
La famille kuna fonctionne selon un mode très spéciale. L'autorité est détenue par les hommes. Les chefs de villages sont tous des hommes nommés sahila. Dans les familles c'est le patriarche qui dirige femmes et enfants. Mais, en pays kuna la possession est féminine. Ainsi lorsqu'un homme se marie, il ne fonde pas un foyer à lui, mais il entre dans sa belle famille. Là, il devient, en quelque sorte, l'ouvrier de son beau-père. Qui en profite pour relâcher la bribe sur son travail personnel...
Hé ben oui! De la main-d'oeuvre est arrivée!
Du fait que la maison, appartient à la femme, il faut savoir que si elle ne veut plus de son bonhomme, elle pose son baluchon sur le pas de la porte, et c'est au tour de Monsieur de se trouver un arbre confortable pour aller dormir et y tester son autorité sur les oiseaux. Cette possession féminine a fait dire à tous les sociologues que la société kuna était une société matriarcale. Ce qui est vrai et faux à la fois, car dans la plupart des foyers, c'est l'homme qui commande quand même ! Les biens ne se limitent pas à la hutte en bambou et en palme. Tout argent est transformé en or et celui-ci est porté par la femme sous forme de bijoux.
(De plus en plus nous voyons des hommes en porter aussi, mais je ne vous parle pas de l'évolution, mais de la tradition!)
Donc la femme munie de ses bijoux en or et de sa hutte joue un rôle important au sein de la famille. Si important que les familles qui n'ont fait que des fils finissent par choisir parmi leurs enfants, celui qui sera éduqué comme une fille. Pour une raison simple : la mère cèdera ses biens à sa nouvelle "fille".
Cet enfant mâle apprendra tout ce qu'une femme est censée savoir : coudre les mollas, cuisiner... En réalité, les travestis bénéficieront d'un statut particulier. Leur travail est porté aux nues, dans leur déplacement, ils seront toujours accompagnés, ainsi ils ne conduisent jamais le Ulu (barque taillée d'un seul tenant). Ils sont respectés par le reste de la population.
Et voici la genèse des travestis kunas.
Nous comprenons déjà mieux pourquoi, Lisa est bardée de bijoux de femme.
Pour les Occidentaux qui arrivent avec leurs valeurs moqueuses sur le sujet, ils prennent ici une leçon de tolérance des plus salutaires.
Amitiés marines
Nat et Dom
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