1 juillet 2010
En mer vers Futuna
Récit 143 - Lonely Island (Naqelelevu)
Bonne Fête Canada!!!! Il est 04h38 AM, mon tour de garde commence, il me semble que les tours viennent vite cette nuit. Nous avons quitté les Fidjis vers 09h30 AM ce matin et nous filons vers Futuna sur un beau vent portant, (de côté pour une fois) à une vitesse de 7 - 7.5 nouds. Ça fait changement du vent dans le nez. Comme c'est là, nous atteindrons notre destination, Futuna, la plus petite des deux îles française de Wallis et Futuna, avant 09h00 ce matin. Est-ce que notre 'fridge' fonctionne? Non, toujours pas. J'avoue que c'est ordinaire en ti-péché la vie sans frigidaire. Une bonne pinte de lait tiède, du Coke Diet tablette, de la bonne bière tablette et pas de viande ni de fromage. à moins de tricher. et d'aller piger chez Alexandre IV qui ont l'extrême amabilité d'entreposer ce qui nous restait de viande et de fromages dans leur frigo. Bien entendu lorsqu'on passe chercher de la viande on en profite pour ramasser un Coke Diet et une bière froide. une pure jouissance! On n'a pas encore perdu nos mauvaises habitudes de Nord-Américains, même après deux ans de navigation.
Comme c'est là, il y a quand même de la lumière au bout du tunnel car nos amis de Wasabi sont présentement à Mtl/USA et ils ramèneront pour nous un nouveau compresseur de frigo à la fin juillet. Bref, nous avons décidé de légèrement (un peu beaucoup), modifier notre plan de navigation pour cette année et de laisser tomber les îles Marshalls. Ca nous laisse quand même Wallis et Futuna, les Fidjis à nouveau, Tuvalu peut-être, Vanuatu et Nouvelle-Calédonie avant l'Australie, ce qui n'est quand même pas banal après tout. C'est que voyez-vous, quelque chose me dit qu'après un mois et demi sans frigo, je serai mûre à la fin juillet, pour un arrêt-réparation de frigo, ce qui nous permettra, par le fait même, d'avoir l'honneur et le bonheur d'assister au mariage de Brian et Isabelle de Wasabi. Toujours aussi solidaires, Josée et Jacques d'Alexandre IV ont décidé à notre grand bonheur, de nous accompagner dans cette décision.
Sur ce, venons en au fait, soit Lonely Island que nous venons tout juste de quitter. Nous venons tout juste de passer nos 4-5 plus beaux jours aux Fidjis, dans un paradis appelé Naqelelevu. Nous avions vu cette petite île perdue sur une carte et la savions habitée par trois hommes. C'était tout ce qu'il nous fallait pour nous convaincre, car tel un aimant, ce genre d'endroit exerce sur nous un pouvoir d'attraction irrésistible. En rentrant dans ce lagon à l'eau limpide et bleu turquoise, nous avons compris, c'est littéralement un petit paradis. Il faut voir ce lagon la nuit sous la lueur blanche de la lune, c'est indescriptible! Ainsi à notre arrivée, nous serpentons à travers les patates de corail très visibles pour nous rapprocher de la plage. En route vers cette destination, nous avions attrapé un barracuda alors une fois arrivés, René décide d'aller à terre rencontrer les 3 gars pour leur faire cadeau du poisson. Il rencontre trois jeunes hommes fort accueillants : James (28 ans), Jesup (25 ans) et Bill (16 ans). Ces derniers nous apprennent alors que cette année à date ils ont eu la visite de 5 bateaux avant nous, l'année dernière 2 bateaux et l'année d'avant aucun. Inutile de dire qu'à chaque fois qu'ils voient un bateau approcher, ils font la danse non pas de la pluie mais la danse du visiteur. Ils nous ont raconté plus tard qu'en apercevant Alexandre IV approcher, le plus jeune a couru alerter ses deux cousins, puis ils ont aperçu un deuxième bateau, Cat Mousses. Ils se sont alors mis à danser de joie sur la plage.
Ils n'ont ni bateau, ni moyen de communication avec la terre ferme. Le dernier réapprovisionnement remonte à il y a deux mois pour eux et depuis ils n'ont plus eu de nouvelles du frère de Jesup qui les visite à l'occasion pour les ramener à terre pour s'approvisionner et vendre leurs concombres de mer aux Asiatiques. Ils nous ont raconté comment ils avaient survécu le dernier cyclone (Thomas) au mois de mars. Ils ont passé 3-4 jours tapis dans leur petite cabane avec comme seule nourriture, des bouteilles d'eau. Ils ont attendu que la mort vienne les chercher pendant tout le temps qu'a duré le cyclone puis un matin, un rayon de soleil leur a signalé qu'ils étaient sauvés. A leurs dires, l'île a subi plusieurs dommages dans ce cyclone. Les coraux ont été sévèrement endommagés, tout a été cassé et aspiré par la mer qui a également rasé toute une section d'arbre sur l'île et qui a avalé en cet endroit, une incroyable quantité de sable. En effet, ils avaient en cet endroit une statue de la Sainte-Vierge érigée sur un socle de béton. Cette dernière qui était dans le roc près du sable à la plage, est maintenant à environ 10 pieds du sol, le sable ayant été emporté par les vagues. Seul le socle demeure, la statue ayant été emportée. Ils ont eu peur c'est palpable. Ils y ont perdu leurs maisons et de belles installations qu'ils s'étaient faites au fil des années sur la plage. Depuis ils se sont rebâti des cabanes et reprennent tranquillement le dessus. Ils cultivent le kasava, une sorte de racine qui, tel le taro, rappelle la patate. Ils viennent de planter des bananes. Nous leur avions donné un melon d'eau et ils nous ont dit avoir conservé les noyaux et les avoir aussitôt semés. Ils vivent au travers des moustiques, de trois canards et d'une vingtaine de poules qui pondent un peu partout et se multiplient rapidement. Ils se nourrissent tantôt de poisson, tantôt de poulet et tantôt de crabe de cocotiers. Ils ont de l'eau de pluie mais ne boivent que de l'eau des noix de coco. En tout cas les moustiques ont de quoi se nourrir, ils sont voraces et insupportables. Nous ne pouvions jamais rester très longtemps près de leurs cabanes. Nous repartions en courant vers la plage où les moustiques ne venaient pas.
Les enfants avaient un lagon parfait pour pratiquer leurs sports aquatiques et s'amuser à faire du kayak, de l'optimiste et du ski nautique. Egalement, ils passaient de longues heures à explorer les fonds marins et les plages, à la recherche de coquillages, tout aussi beaux et spéciaux les uns que les autres. Les hommes sont allés, tous les cinq, pêcher la langouste de jour la deuxième journée et ils sont revenus avec trois langoustes. Le lendemain ils sont partis faire une pêche de nuit vers 01h30 AM. Ils y ont passé la nuit entière. Pour une raison quelconque, il n'y avait pas l'ombre d'une langouste cette nuit-là alors ils sont revenus en marchant sur l'île à la grosse noirceur, à travers une jungle des plus denses. Ils en ont bavé nos hommes mais ont été récompensé par de beaux crabes de cocotier. À 06h30 AM, ils ont déjeuné sur la plage avec du crabe préparé par Jesup, James et Bill. Ces derniers nous ont alors promis un festin sur la plage pour cet après-midi.
Nos trois amis sont heureux, ils apprécient leur île et ne changeraient de vie pour rien au monde. Jamais ils ne nous ont demandé quoi que ce soit, nous disant avoir tout ce dont ils ont besoin. Bien entendu, nous les avons gâté autant qu'on a pu, c'est tellement agréable de donner à des gens aussi accueillants et généreux, qui ne demandent rien et qui apprécient autant. Nous leur avons offert, sucre, farine, corn beef, huile, cigarettes, muffins et autre. Jacques a fait cadeau d'un t-shirt et d'une paire de chaussures d'eau à Jesup qui avait perdu un soulier lors d'une pêche. René leur a donné une 'rod' de spear gun. Il fallait voir les leurs, toutes rouillées et tordues. Mais le pire c'est qu'ils arrivaient à pêcher sans difficulté avec leur système des plus rudimentaires, ils sont fort ingénieux. René leur a aussi permis quelques appels dans leur famille avec le téléphone satellite car ils commençaient à s'inquiéter de ne plus recevoir de visite du frère de Jesup.
Tel que promis, nos trois amis nous ont préparé un festin de roi sur la plage dans un four (lovo) à la mode polynésienne dans lequel ils ont cuit trois poulets, des crabes et du kasava. Josée et moi avions préparé du riz, des sauces et un gâteau. Bien entendu nous les avons gâté en vin et en cigarettes et nous avons passé un super beau moment en leur compagnie. Ce genre d'expérience et d'échange est ce que nous préférons au-dessus de tout. Nous avons dû à regret, quitter ce paradis où nous aurions pu facilement nous installer un mois sans jamais nous ennuyer mais comme toute bonne chose a une fin, il fallait quitter. De toute façon, je ne peux m'empêcher de me dire que les navigateurs qui passent leur vole un peu leur précieux poisson. A certains endroits les habitants ne mangent pas les crustacés pour raison de religion mais comme ces trois hommes sont catholiques, ils n'ont pas de restrictions alimentaires de ce côté. Alors de les entendre dire qu'ils ont attrapé une dizaine de langoustes lors d'une nuit de pêche avec les bateaux précédents me brise un peu le cour. Après tout, il faut laisser le temps à ces bestioles de se reproduire non?
Nous avons donc repris la mer, laissant derrière nos trois amis et leur promettant de raconter notre histoire aux autres navigateurs susceptibles de passer les visiter sur leur île. Nous sommes partis avec 6 locataires, soit 6 beaux crabes de cocotier (pour nos 2 bateaux) dont ils nous ont fait cadeau avec tant de générosité. Ces derniers ne feront cependant pas long feu car il y a un guerrier cannibale dans le lot et tous les matins nous devons cuire les fruits des combats de le nuit, soit des pattes et des pinces et parfois des crabes entiers. Hier matin nous avons constaté deux décès, ce matin nous verrons.
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