Aventures d'ancrage - bien croustillantes comme on les aime!
Voilà deux semaines que nous sommes arrivés au Belize, comme prévu, lors d'un beau clair de lune vers le mouillage balisé par nos amis.
Depuis, nous écumons tous les mouillages autour de Bélize City à la recherche de beaux coins tranquilles et de spots de chasse sous marine. En cette belle fin de matinée, nous quittons l'ile de Robinson pour un de mes mouillage fétiche: Bluefield Range.
Un mouillage entre deux longues iles de mangrove prolongé et ceinturé par des hauts fonds avec quelques passes étroites. Quelques cabanes d'un bleu passé sur pilotis au dessus d'une plage de sable clair ouvrant sur une eau peu profonde donnent les couleurs turquoises, bleu des mers du sud, jade, émeraude des cartes postales. Quelques dauphins viennent souvent se nourrir dans ses eaux de 3-4 mètres de profondeur et un couple de lamentin broute paisiblement ses fonds d'herbes denses. I.D.E.A.L je vous dis!
En approchant, des mâts apparaissent. Tant pis nous ne serons pas seuls comme à l'accoutumée. Plus près, les bateaux sont en fait à l'extérieur du mouillage et la bannière étoilée de 3 pieds sur 5 flotte fièrement à mi-hauteur du pataras, à la même hauteur que le drapeau de courtoisie du Bélize. Ben tiens! De beaux bateaux ma foi, 45 pieds minimum.
Nous entrons directement dans la passe d'une petite cinquantaine de mètres de large que je connais bien. A cette heure, les hauts fonds et leur tache sombre plutot marron au milieu du vert sont facilement identifiable. Aucune difficulté.
Une fois rentrés, nous obliquons sur tribord pour éviter le haut fond au centre puis nous rejoignons l'abri de l'ile Ouest. Derrière nous, le catamaran de nos amis nous emboite fidèlement le pas. Nous sommes seuls. Pourquoi les autres bateaux sont restés à l'extérieur? mystère.
Manifestement, à l'approche de ce front froid, ils n'ont pas la même météo que nous! A peine installés pour une salade commune, 2 dinghys apparaissent. Vraisemblablement abasourdis par notre témérité, les américains sont venus explorer la passe. Nous aurons du monde ce soir! Eh bien non, ils n'en feront rien!
Plus tard, un petit bateau enquille timidement la passe avec un individu dans les barres de flèche. Après une courte valse hésitation, il s'ancre directement derrière la passe. A bien y regarder, il s'agit d'un collègue débutant que nous avons connu au Rio Dulce. Je vais le saluer et lui indique qu'avec le front qui approche,sa position risque d'être inconfortable. "viens te joindre à nous Mathieu, tu seras mieux à l'abri de l'ile.". Nous voilà 3.
Comme prévu, avec le front approchant, le vent passe à l'Ouest en début de nuit doucement puis 15-20 noeuds. Il tiendra toute la nuit et la matinée. Bien à l'abri derrière l'ile, nous passons une nuit aérée et les bateaux bougent à peine sur une eau à peine frémissante.
Par contre dehors, les trois bateaux doivent danser dur. Ils font face à plus de 20 milles de fetch, 3 pieds d'une mer courte a mon avis. Au matin, tout le monde est à la même place, y compris le vent. Dans la mangrove derrière nous, le cayuco du gardien des cabanes à rompu son amarre dans la nuit et nous le lui rapportons.
J'en profite pour examiner la situation des américains à l'extérieur. Les bateaux escaladent stoiquement les vagues les unes après les autres. Pas drôle.A la faveur d'une accalmie en début d'après midi, deux des bateaux rentrent au mouillage puis le troisième fait sont entrée solennellement précédé par 2 dinghys. Nous voilà 6.
Plus tard, un catamaran s'ancre à nos côtés suivi d'un autre plus tard dans la soirée, manifestement un cata de location. Nous voilà 8. Quelle foule! jamais vu ça dans un mouillage au Bélize!A la nuit, le front passe. Curieux que ce soit toujours la nuit que les fronts passent. Il doit bien y avoir des endroits ou ils passent de jour!? En tout cas, je ne les connais pas! Le vent passe Nord et monte 20-25 noeuds. La pluie s'abat drue sur le mouillage. Un peu de fraicheur est bienvenue. Nous dormons comme des bienheureux. L'éolienne mugit. C'est bon pour mes batteries ça! Confiant, je n'ai même pas mis l'alarme de mouillage.
Pris d'un doute, je me réveille vers 3H30 et passe la tête dehors pour faire un état des lieux. Tiens! Ces lanternes n'étaient pas la hier?! Je sors dans le cockpit et fait un rapide tour d'horizon. Non, c'est bien l'homme au drapeau drap de lit qui est à 100 mètres derrière moi, plein travers sur le haut fond. Il a chassé plein travers au vent et a du passer à quelques mètres de moi.
Cette autre lumière diaphane, rouge, c'est Mathieu qui est a chassé lui aussi et occupe l'autre bout du haut fond. Aucun signe d'activité sur ces bateaux. Rien ne laisse présager qu'ils se soit rendu compte de quelque chose. J'attends encore un peu, des fois que... puis je me résoud à vaincre la pluie qui tombe à boire debout. Je passe dans mon annexe qui a déjà accumulé plus de 15cm d'eau fraiche. Il faut bien les prévenir.
Arrivé sur l'américain, plus proche, la lumière s'allume puis s'éteint. Je frappe sur la coque plusieurs fois avant que je vois apparaitre une tête au milieu des grognements. "vous devriez vérifier votre mouillage, je pense que vous avez chassé." je me hasarde."oui, je veins de m'en rendre compte". Rien de moins, rien de plus..."Ok, bonne nuit!"
Je file voir Mathieu.Il est accoté sur le côté babord et affiche une sérieuse gite malgré son tirant d'eau très faible (3 pieds)."Mathieu, tu as chassé et tu es sur le haut fond"" oui,... bon ...tu crois...mais je pense que c'est plutôt mon bateau qui est déséquilibré...non...?!" "Mathieu...regarde" et je plante ma pagaie dans l'eau. La moitié dépasse." Oui... bon ... d'accord... qu'est -ce que je dois faire...?" La pluie tombe toujours dru dans la nuit noire. Je ne suis pas sur de sa position exacte pas rapport au haut fond. De combien s'est-il enfoncé dedans avec son faible tirant d'eau? "Donnes- moi une autre ancre, on va te stabiliser là, le jour va se lever dans 2 heures, on avisera alors."
Pendant qu'il prépare fébrilement son mouillage, j'avise du coin de l'oeil mon américain qui quitte sa position inconfortable et va se ré-ancrer. Nous assurons Mathieu et j'irais l'aider un peu plus tard. L'américain a l'air ancré. Il est collé à la mangrove. Quelle idée! il n'y a pas d'eau là! Un dernier tour d'horizon avant de me recoucher. Tout a l'air correct. Pourtant, le catamaran de location n'est pas à sa place d'origine, il est maintenant devant moi mais j'ai du mal à évaluer l'endroit exact. Je ne distingue dans la nuit noire et la pluie battante que son feu de mat. Il a du se déplacer sans que j'y prête attention.
Deux heures plus tard, le jour se lève et je l'accompagne pour aller aider Mathieu. Le vent l'a poussé hors du haut fond. Aucune de ses 2 ancres n'a tenu, mais il est à flot ce qui est un progrès. Je vais le voir pour vérifier si il a besoin d'aide maintenant.
La pluie a cessé, le vent a faibli un peu, toujours Nord et une belle journée se profile.,"CA va bien, Ca a l'air pas mal ici!""Mathieu, tu es hors du mouillage, il y a des hauts fonds partout et tes ancres ne tiennent pas, va te réancrer à l'intérieur."
En revenant, j'avise le cata qui se trouve à une centaine de mètres devant moi. Il a l'air stable et je ne vois pas d'activité à bord. On verra bien. L'américain a quitté son ancrage et regagne maintenant sa position initiale. Je me recouche pour enfin profiter de la fin de ma nuit. Détendu, je n'arrive pourtant pas à trouver le sommeil. 15 minutes plus tard, je me relève pour vérifier la situation du cata. J'ai a peine passé la tête dans la descente que j'aperçois son mat derrière mon bateau. Il est sur le haut fond trois quart arrière légèrement retenu sur l'avant par son ancre.
Son safran doit être posé et surement en appui. Pas beau. Encore un qui m'a raté de près! Ouf! Toujours pas d'activité à bord. Je remonte dans l'annexe et va frapper rageusement sur sa coque. J'ai frappé longtemps avant que le skipper, hébété, une courte serviette tenue d'une main autour des reins n'apparaisse dans le cockpit. "Vous devriez vérifier votre ancrage..." La tête ahurie du bonhomme découvrant, en pointant du doigt, que l'ile derrière lui est maintenant devant et que tous les bateaux derrière lui sont maintenant devant! J'ai fait ma B.A. pour la journée, je peux enfin retourner me coucher. Encore un tour d'horizon pour vérifier la situation.
Tout cela me parait plus stable. Mathieu a regagné sa position... rien ne bouge. Quelle nuit! deux bateaux sont passés très proche sans m'emmener. Il doit y avoir un bon dieu pour les innocents! Plus tard, au petit déjeuner, j'observe mi inquiet, mi amusé, l'américain au drap de lit aidé de ses corrélégionnaires recommencer pour la troisième fois ses procédures de mouillage et tenter s'assurer son ancre. Mais le vent est passé Est, je ne risque plus rien.
Une belle journée de pêche s'ouvre devant nous. .
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