dimanche 24 février 2008
ÉTOILE DE LUNE - Nathalie et Dominique quittent FUERTE
Isla Fuerte, Le 23 février 2008
Latitude: 09-23.15N
Longitude: 076-10.44W
Bonjour,
Aujourd'hui, il nous faut dire "au revoir" une fois de plus. Mais à Fuerte, les "au revoir" sont encore plus émouvants qu'ailleurs. Dès le matin, "mon petit fiancé" Leinard (7 ans), qui savait que nous partions ce soir, avait traversé l'île pour se poster sur le quai, en face de l'étoile de lune. Il avait entraîné Juan Carlos son cousin et Nelson son frère. Ensemble ils criaient à tue-tête : Nathalie... Domingo!!!! Ils relayaient leurs cris. J'avoue qu'au départ je n'avais pas compris. Nous étions
en pleine vacation BLU avec le réseau du capitaine... Mais en y prêtant l'oreille. Les enfants nous réclamaient, c'était certain!
Donc, très vite nous passons les tâches du bord au second plan. Nous emmenons dans l'annexe deux sacs à dos. Sorte de hottes de "Père de Lune" et nous allons rejoindre nos petits amis. La mer est un peu houleuse... Peu importe, les trois "rambolitos" sautent dans l'annexe lorsque nous approchons le quai. Nous voici partis, bien gardés, vers "el pueblito". Depuis que nous sommes sur Fuerte, ce sont les enfants qui décident de notre emploi du temps.
Aujourd'hui, ils avaient prévu de nous emmener une dernière fois chez celle qu'ils nomment "la Française ". Sylvie vit sur Fuerte depuis 13 ans. Elle est arrivée en vacances et n'est jamais repartie. Tombée amoureuse d'un natif, deux enfants sont nés de cet amour. Aujourd'hui, Sylvie les élève seule, son mari est mort l'an dernier. Elle est courageuse et affronte une vie qui nous paraît paradisiaque lorsque nous ne sommes que de passage, mais qui au quotidien représente une lutte permanent. Elle
vit exactement "à la Colombienne". Cette femme est admirable. Sa porte est toujours ouverte pour les enfants du pays. A l'intérieur de la maison peu de choses, l'essentiel et encore... Elle vit chichement. Et ne s'en plaint pas et veut toujours nous offrir quelque chose : légumes, fruits...
Elle nous parle avec admiration de l'ouverture d'esprit des Colombiens. De la facilité avec laquelle elle a été adoptée comme une enfant du pays. Les gens de l'île ont d'ailleurs peur qu'elle les quittent et qu'elle retourne dans sa famille "de sang". Mais sa place est ici, sur la terre de ses enfants. Ce matin encore, elle nous parle longuement de son île, de la Colombie. Ses yeux sont humides, elle aime sans frontière cette île d'adoption. Elle nous ouvre le fruit de son expérience et nous parle
de tout sans fard : du beau côté mais aussi de l'envers du décor (dont il faudrait peut-être que j'apprenne à parler, moi aussi, avec autant de naturel). Elle est impressionnante... Le pardon et la tolérance au bord du coeur, elle se sent investie d'une mission auprès des gens du pays qui l'écoutent lorsqu'elle donne quelques conseils aux enfants ou aux parents.
Nous passons la matinée avec elle. Le temps passe vite, mais il faut retourner au bateau. Nous lui laissons pour elle et le village, des vêtements, des fournitures d'écoles... Pour ses enfants des revues en français, car ils tentent de garder un brin de la culture française en lisant dans la langue. Mais comme elle le dit: "tout le reste de la France, je l'ai oublié".
Pendant toute notre conversation, Leinard ne me quitte pas. Installé sur mes genoux, il tient sur son coeur les photos que nous avons faites ensemble. Les enfants ici ne manquent de rien. La nature est généreuse et il y a à manger pour tout le monde. Mais, il y a certaines lacunes au niveau de l'affection. Les familles nombreuses n'ont pas le temps de câliner chacun au rythme des besoins. Mais en échange, la plus grande liberté est accordée aux enfants. Ils vont et viennent dans les maisons, ils
sillonnent les chemins de l'île. Ils grimpent aux arbres et vont cueillir les fruits comme les enfants occidentaux ouvrent une armoire pour se servir de bonbons. C'est une vie naturelle où la végétation pourvoie fruits et légumes, où la mer fournit le poisson. Autour des maisons, des basses-cours avec poules, cochons, zébus prodiguent la viande. Ils vivent comme nous vivions dans les villages d'Auvergne ou de Normandie au début du 20e siècle. Pas de luxe inutile, pas de voiture, que des ânes et des
vélos pour moyens de locomotion. Et puis, personne ici n'est empoisonné par les ondes télévisées, seule la radio est écoutée selon l'état des batteries. Il n'y a pas de système de poste, le courrier est totalement inutile sur l'île. Par contre, quelques familles possèdent un téléphone cellulaire. Ils vendent quelques minutes de communication à ceux qui en ont besoin. La minute de téléphone représente 200 pesos (1 centime de dollars).
En outre personne ne paye d'impôt. Pourtant, l'école et les soins médicaux sont gratuits. Vingt et un professeurs ont pour tâche d'éduquer 600 enfants. Les médecins viennent régulièrement de Carthagène. Une infirmière à demeure et appréciée de tous est toujours disponible pour les urgences.
L'île est proche du continent, en 15 minutes de vedette rapide on se rend sur les côtes du pays. Mais ce trajet est cher 80 000 à 120 000 pesos (40 à 60 dollars). Cela représente le budget d'une famille nombreuse pour 15 jours. Donc seuls les propriétaires de "tiendas", petites épiceries s'y rendent pour l'approvisionnement de leur magasin en produits de premières nécessités. Au retour des lanchas, les îliens viennent aider au déchargement, c'est ainsi qu'ils gagnent leur sac de riz. Car si la nature
prodigue de tout gratuitement, les pâtes, le riz, le sucre sont chers.
Les Fuertiens si proches de la civilisation vivent la leur à leur rythme, pas loin, mais en autarcie bien organisée. Visiblement peu de monde désire que ça change.
Lorsque nous revenons vers l'annexe, Leinard ne me lâche pas la main, il nous demande de venir avec nous. Nous lui demandons qu'est ce qu'il ferait sur un bateau sans école. Il nous répond qu'on lui fera nous-mêmes l'école... C'est une réelle demande d'adoption!
Nous lui avons préparé pour lui et sa famille un baluchon spécial de tee-shirt, et d'affaires pour l'école. Il le prend avec des yeux qui me font fondre. Tout au long de la semaine, il a toujours été présent à nous accueillir et à nous faire visiter l'île en dehors des heures d'école. Il n'a jamais rien demandé, nous voulons lui laisser quelque chose, un souvenir. Il aura pour tâche de partager tout ça avec ses 7 frères et soeurs, rôle qui prend très au sérieux, avec les promesses qui conviennent.
Pendant que je vous écris Leinard, sa famille et la moitié du village sont revenus sur le ponton en face de l'étoile. Ils crient fort fort... Notre coeur se serre pendant que nous préparons le bateau pour partir d'ici deux heures.
Décidément, nous aimons ce pays. Mais si les enfants s'y mettent pour nous déchirer le coeur pendant que nous partons...
aie aie aie...
Amitiés marines
Nat et Dom de l'étoile de lune
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