Message reçu :
Le récif de Minerva (Sud)
06 nov 09
Pacifique sud vers la NZ
Il est 01h30 AM, je suis de garde sur mon quart de nuit. Je viens de terminer une nouvelle recette de pain et ma fournée est à lever. La navigation est confortable. Nous sommes sur un vent au portant (vent de côté) et pour Cat Mousses le portant c'est l'allure de choix qui nous avantage le plus. On a filé avec une moyenne de 8 nouds tout l'après-midi, wow! Pour une fois que nous n'étions pas au près à se faire taper et à se battre contre le vent. Il faut dire qu'en théorie on serait au prêt si on filait vers le sud comme les guides le recommandent mais on triche un peu et on file vers l'ouest, en ligne directe avec la NZ pour tirer profit du vent au maximum. Pour l'instant on avance bien, pour le reste on verra après. C'est que le vent varie beaucoup en force ce qui fait que notre vitesse n'est pas constante. Par contre, c'est tellement confortable. Je devrais toucher du bois en disant ça mais à date je dois dire qu'il y a longtemps que nous avons eu une si belle traversée. C'est 'smooth', ça ne tape pas, le vent varie en vitesse mais pas en direction donc jamais on n'a à toucher aux voiles et ça c'est bien. Je dis ça parce que sur certaines navigations ça vient parfois tannant un peu de monter et descendre le spi à tout moment du jour; roule, déroule le génois, monte, descend la grand voile, prend un ris, enlève un ris. Vraiment on est très surpris de notre navigation jusqu'à maintenant. Ce n'est pas fini mais à date, ça se passe à merveille, on ne pourrait pas beaucoup demander mieux. Parlant de ceci, j'avais oublié de mentionner que le fameux bateau 'Wasabi' sur lequel j'ai eu l'opportunité de naviguer avec Isabelle une nuit (entre 18h00 PM et 10h00 AM le lendemain) est un superbe voilier de marque Oyster, 56 pieds. Un véritable bijou!
Nous avons repris la mer ce matin après un arrêt d'une journée et demie au récif sud de Minerva. C'est toujours un coup de dé que de décider si on s'arrête ou non une fois qu'on est partis pour une longue navigation. D'un côté on se dit qu'on ne passera par ici qu'une seule fois dans sa vie, d'un autre on ne veut pas casser le 'beat' une fois la routine en mer établie, les horaires de sommeil régularisés et l'inconfort du mal de mer passé. Mais le vent était faible alors que faire? Ecouter ce qu'on dit et en profiter pour foncer vers la NZ pendant que le temps est clément au risque d'épuiser toutes nos réserves de diésel (peu probable sur Cat Mousses) ou s'arrêter, se reposer et explorer un nouvel endroit en attendant de meilleurs vents. Mais les vents viendront-ils et si oui quand? On s'arrête ou on continue? Il ne faut pas oublier que dans ce cas-ci, on essaie de calculer les réserves de nourriture pile poil pour arriver vide en NZ mais si on s'arrête une semaine ou deux de plus alors là ça change un peu la donne. Bon alors ce qu'on a décidé? Nous arrêter. Mais pas au récif nord comme tous les autres bateaux. Nous, avec Alexandre IV, on a décidé de pousser 20 miles plus loin vers le récif sud (très peu connu et visité) et cette décision s'est avérée excellente puisque au récif du nord il y avait un total de 17 bateaux et c'est loin de la solitude recherchée dans un atoll éloigné au fin fond du Pacifique. Non mais comment décrire le sentiment de se retrouver à un endroit si rarement visité, seuls au monde, au beau milieu de l'océan. Pas un brin de terre en vue, juste un récif tout autour de nous, à fleur d'eau à marée basse. Jacques et René ne tenaient plus en place et avaient juste hâte d'aller explorer les fonds marins à la recherche de langouste. Ils ont attendu au lendemain car quand la marée était haute, ce mouillage était, pour le moins qu'on puisse dire, un peu brasseur merci mais ça ne durait que l'espace de quelques heures. Ainsi, à l'arrivée de Silvio et Liliane de 'Matajusi', les hommes sont partis pêcher aussitôt la marée basse venue. Ils sont partis, ma foi, quatre bonnes heures, soit tout la PM (Jacques, Silvio, René, Thomas et Antoine). Vers 18h00 on les a vu réapparaître avec le fruit de leur pêche. Ils revenaient avec. deux langoustes (des vrais, pas des cigales), quatre gros poissons style mérou géant aussi appelé 'loche', 8 huîtres géantes (plus grosses qu'un ballon de football et pesant une tonne) et ..un requin! Non mais vraiment! J'avais dit à Silvio de me pêcher un requin mais je ne croyais pas qu'il me prendrait au mot. Nous avons sortis les livres pour l'identifier et notre ami requin s'est révélé être un requin de récif gris. Pas gentil ceux-là je pense. Surtout qu'il y avait aussi papa et maman requin dans les parages. Il ne fait aucun doute sur l'identification de l'espèce car dans le livre, la photo avait justement été prise exactement à cet endroit précis, soit au récif de Minerva sud. Aux dires de nos pêcheurs, ils ont pêché le requin plus par souci de légitime de défense (instinct de survie) que par esprit sportif. Ce n'est pas moi qui allait m'en plaindre, depuis le temps qu'on voulait essayer un requin, je veux dire un requin pêché nous-même plutôt qu'acheté d'une tablette d'épicerie. Les hommes se sont donc attaqués à la tâche pour nettoyer leurs prises sur Cat Mousses. Les femmes avaient prévu le coup et nous nous étions séparées les tâches en PM en vue d'un festin éventuel sur Cat Mousses ce soir-là. Nous sommes donc passés à table vers 21h30 avec le menu suivant.
En entrée : pétoncles poêlées et 'lobster pop corn' (par Jacques), lasagne au fruit de mer (par Josée) et oeufs de homard (en caviar).
Plat principal : steaks de requin cuit dans une sauce tomate (par Dany sous la supervision de Silvio), riz frit (par Dany) et ratatouille de légumes (par Liliane).
Dessert : gâteau (par Nicolas et Catherine), Cocada (noix de coco dans une sauce au caramel par Liliane) et jus de melon d'eau (par Liliane).
On a eu bien du plaisir, spécialement à nous raconter nos réalités respectives de la vie sur un bateau entre un capitaine et sa seconde. Bref, c'est pareil sur tous les bateaux. Un capt et sa seconde, ça ne voit tout simplement pas la vie d'un même oil et ça ne changera jamais, c'est un fait de la vie et il faut vivre avec! Mais c'est drôle quand même. ou du moins après coup!
Je vais laisser le soin au capt de raconter une petite anecdote qu'il a lu quelque part concernant le récif de Minerva. C'est avec grand regret que nous avons quitté ce mouillage. Il nous a fallu un petit coup de pied pour se décider. Non pas parce que le mouillage était confortable mais parce que c'était tellement spécial de se trouver dans un endroit aussi sauvage et isolé du reste du monde. On aurait voulu l'explorer plus longuement. Juste dans les quelques heures que les gars ont passé sous l'eau hier, ils ont vu une raie léopard, une tortue de mer, des requins et toutes sortes de poissons, d'oursins et de plantes aquatiques. C'était la nature à son état le plus sauvage. On a donc repris la mer à 10h00 AM ce matin et on a réalisé avec plaisir que les enfants n'ont pas eu à se remariner. On n'avait pas perdu la main lors de notre arrêt au récif de Minerva, il faut dire que quand ça se mettait à rouler dans le mouillage, c'était pire qu'en mer.
Demain à notre réveil, il ne devrait rester que quatre jours de navigation, soit quelques 500 miles nautiques à parcourir. Ca passe vite, presque trop vite d'ailleurs car mes rations ne sont pas encore épuisées. On a eu beau donner une partie de nos stocks ça et là, il reste qu'on est en train de s'arracher le coeur à tout manger juste pour dire qu'on ne gaspille pas de nourriture et qu'on ne met rien à la poubelle à notre arrivée en NZ. Ce matin, je n'avais pas fini de déjeuner que déjà je travaillais sur le dîner à nous concocter une soupe Gazpacho question de passer nos concombres, tomates et oignons. Les enfants sont bien contents de vider les armoires mais surtout de voir qu'on se régale autant. Des petits cocktails presqu'à tous les jours avec brie gratiné ou autre, normalement réservés aux occasions spéciales seulement. Des desserts maison quotidiens comme par exemple des flans pâtissier, gâteau au tapioca et autre, question de finir le lait, le sucre et toutes nos préparations. On se gâte pas mal!
Mot du capitaine : Avant de vous raconter mes trouvailles sur les récifs de Minerva, laissez-moi-vous les situer. Les récifs de Minerva (nord et sud) sont situés à environ 450 km au sud-ouest de l'île de Tongatapu dans les Tonga ou à environ 1400 km au nord-est de la NZ. Ce sont 2 atolls qui, à marée basse, laissent apparaître un récif avec son plus haut point à 1 mètre au-dessus du niveau de l'eau. Ces atolls, quoique de différentes formes, mesurent environ 6 km de large et sont accessibles par une passe. Seule la vie aquatique y règne mais nous y avons tout de même aperçu quelques oiseaux, nous nous demandons toutefois encore où ils nichent! La profondeur à l'intérieur est d'environ 60 pieds avec un beau fond de sable permettant aux navigateurs de s'y réfugier par mauvais temps ou bien seulement pour apprécier un peu de solitude en plein milieu du Pacifique.
Durant les années 70, un millionnaire de l'immobilier de Las Vegas et activiste politique, Michael Oliver, a formé une fondation " The Ocean Life Research Foundation " qui possédait apparemment une centaine de millions de dollars avec des bureaux à New York et Londres avec comme objectif de créer une micro nation à partir d'îles artificielles. Il a choisi les récifs de Minerva pour créer sa République avec comme objectif d'avoir une petite industrie, des activités commerciales et la pêche comme base de son économie. En 1971, des barges remplies de sable en provenance d'Australie sont arrivées au récif de Minerva (nord) afin de le relever en haut du niveau de l'eau pour y construire une tour afin d'y monter un drapeau; sable qui est toujours présent aujourd'hui selon nos amis qui y sont arrêtés.
La République de Minerva a déclaré son indépendance aux pays avoisinants et a même créé sa propre monnaie. En février 1972, M. Morris C. Davis a été élu Président provisoire de la République de Minerva. Cette déclaration d'indépendance n'a pas été bienvenue parmi les pays voisins. Lors d'une conférence tenue en février 1972 où étaient représentés l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Tonga, Fidji, Nauru, les Samoa de l'Ouest ainsi que les Iles Cook, Tonga a réclamé les récifs de Minerva sous sa tutelle. Une délégation a été envoyée afin d'enlever le drapeau de la République pour annexer ces 2 récifs à Tonga. En septembre de la même année, le forum des pays du Pacifique a reconnu la légitimité de Tonga sur les 2 récifs. Suite à tout ceci, le Président provisoire a été congédié et le projet s'est effondré de lui-même. En 1982, un groupe d'Américains avec à sa tête le même Président déchu a effectué une nouvelle tentative d'occupation des récifs de Minerva mais a été expulsé par les troupes militaires de Tonga après 3 semaines d'occupation. Plusieurs autres tentatives de création d'une République pour Minerva ont été faites mais toutes sans succès.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire