Nouvelles des Navigateurs

Ce blogue a été conçu par Nycole - VE2KOU et se veut un point de rencontre
entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

mercredi 16 avril 2008

ÉTOILE DE LUNE - Dominique et Nathalie à ANACHUKUNA

Anachukuna - Puerto Perme le 16 avril 2008
8°44.249N 077°32.675W

Impôt kuna
Un mot qui fâche ! Mais pas pour toujours...

Bonjour,

En tant qu'Occidentaux, nous traînons dans notre sillage quelques susceptibilités intimement liées à notre mode de fonctionnement "économicoculturel ". Certaines pratiques, certains mots qui sont naturels aux peuples que nous côtoyons sont pour nous si choquants, qu'il nous faut faire de gros efforts pour accéder à une certaine compréhension. Il en est ainsi de l'impôt Kuna.

L'impôt kuna s'applique à tout bateau qui vient s'ancrer devant une communauté du Comarca de Kuna Yala. Le droit est de 5 à 10 dollars selon le village et les décisions du Congresso. Il représente la contribution des "étrangers" au fonctionnement de la communauté. Il est aussi le passage obligé pour être admis parmi les Kunas. Nous avons remarqué la différence de comportement des villageois selon la manière dont nous nous présentions dans les villages.

A Anachukuna, ignorants du droit coutumier kuna et bien que nous avions déjà payé le droit d'ancrage de 10 $, nous sommes rentrés au village sans nous soumettre au droit de visite. Tout le monde s'est barricadé à l'intérieur des huttes et le contact a été impossible.

Par contre, à Ailigandi, forts des déboires passés, nous avons demandé dès notre descente sur le quai, s'il y avait un droit ... "un impuesto" à payer. Reynaldo, s'est fait un plaisir de nous conduire à "la officina de la communidad". Là, nous avons rencontré une jeune secrétaire tout sourire, et "el assessor" del Sahila. Montant à payer : 2 dollars par personne. DEUX malheureux dollars! A partir de là, nos relations avec la population ont été détendues. Nous pouvions venir tant que nous le voulions,autant de jours consécutifs que nous le désirions, nous avions acquitté le droit d'entrée.

Attention, payer l'impôt kuna n'est pas une manière de monnayer leurs sourires. C'est tout simplement se plier à une coutume ancestrale.

Depuis la nuit des temps, tout Kuna qui désirait rendre visite à un village voisin emmenait avec lui un sac de cocos. Dès son arrivée, le Kuna se rendait à El Congresso, l'antre du Sahila. Il offrait son sac de cocos, contribution pour ce qu'il consommerait sur place. La coco était alors la monnaie kuna. Avec le temps, il a été plus facile d'emporter un petit porte-monnaie de dollars qu'un lourd sac de cocos et le billet vert s'est tout naturellement imposé.

Aujourd'hui, la règle est un peu différente. Le Kuna se présente d'abord au Sahila de sa propre communauté. Le chef, lui délivre un "permisso" de partir pour 25 centimes. Cette contribution remplace les journées de travail qu'il n'effectuera pas sur place. Arrivé au village visité, il règle "l'impuesto" au secrétaire, il présente son "permisso" au Sahila et il précise l'endroit où il va séjourner. Un Kuna qui n'a pas d'endroit où dormir ne peut rester dans un village "étranger".

Elargissant, leurs règles aux étrangers, les Kunas ont coutume de demander une contribution au fonctionnement de la communauté. Ainsi, le professeur envoyé par le Panama pour enseigner aux enfants Kunas, le mécanicien qui vient pour réparer la génératrice, le médecin envoyé dans les Centres de santé, le navigateur qui arrive avec son voilier..., tous se soumettront à l'impôt kuna.

Ces sommes ajoutées aux impôts locaux dus par les Kunas eux-mêmes, permettent de gérer la communauté. L'éclairage, l'installation de panneaux solaires, les entretiens divers comme ceux des conduits d'eau douce, du congresso ou du quai sont assurés par les divers impôts kunas. Il y a aussi les frais de fonctionnement du tribunal coutumier, le salaire du sahila (15 à 25 dollars par mois), tous les frais administratifs de la communauté.

A y réfléchir, ils ne fonctionnent pas vraiment autrement que nos sociétés occidentales...

Pour les navigateurs, les Kunas n'ont pas seulement inventé l'impôt de "bienvenue à l'ancrage". Dans certains villages nous devrons payer pour mettre pied à terre. Payer pour emmener l'appareil photo. Payer pour prendre une photo...

La photo coûte un dollar, car en se baladant à Panama City, les Kunas se sont rendu compte que certaines cartes postales montrant des Kunas coûtaient 1 dollar. Depuis, ils imaginent peut-être que nous sommes tous commerçants en cartes postales. Certains villages font également payer la balade ou alors, ils obligent à prendre un guide rémunéré.

Cela dit, la règle n'est pas partout pareille. Tout dépend de l'autorité du Sahila, s'il vient d'être élu, s'il est progressiste ou conservateur... Certains villages se contenteront de l'impôt d'ancrage. D'autres sont devenus gratuits, les habitants comprenant qu'il est plus agréable de se mettre à la page du commerce touristique plutôt que de rester à l'aire de "l'impuesto"... Mais, certains clans restent encore attachés à des règles extrêmement strictes. Tant et si bien que le touriste prend ses
jambes à son cou et repart aussi tôt vers d'autres villages (plus nombreux) où l'ambiance est détendue.

Voici quatre exemples en pays Kuna :

Anachukuna (08-44.19N - 077-32.68W )
Ils ne vous laissent pas le temps de poser l'ancre, et ils sont déjà là pour réclamer 10 dollars pour une semaine d'ancrage. Paiement exigé à chaque fois que vous y faites escale. Mouillage pratique pour faire l'entrée et la sortie de Panama à Obaldia.

Caledonia (8°54N 77°41W):
En arrivant, deux secrétaires montent à bord d'autorité. Ils réclament 10 dollars pour l'ancrage. Puis ils nous soumettent un document. Une liste de 12 règles dont 5 points nous enjoignent à payer divers impôts et amendes en cas de violation des règles Kunas. Les autres points sont une liste éloquente de tout ce qui nous est interdit de faire. Par exemple, il est strictement interdit de se balader dans le village après 17 heures...
Une visite du village coûte 3 dollars par personne.
Emmener un appareil photo : 1 dollar par appareil
Prendre une photo : 1 dollar par photo
Amende : en cas d'infraction aux lois kunas, 50 dollars.

Ustupu (9°07N 77°55W):
Le secrétaire réclame à notre arrivée 8 dollars. Nous sommes restés aussi longtemps que nous l'avons désiré. Nous sommes partis et même revenus, sans payer plus. Nous avons été accueillis par un village extrêmement sympathique. Les enfants ont demandé que je prenne des photos à tour de bras sans qu'il y ait de contrepartie monnayable. Les adultes sont venus à nous, discutant longtemps, nous expliquant une foule de choses pour mieux les comprendre et les connaître. Nous avons visité la rivière gratuitement,avec Romulo, qui parle très bien anglais et qui a tout simplement pris sa journée de libre, pour nous accompagner, sans rien demander en échange (cela ne nous a pas empêchés de lui fournir des cadeaux en fin de journée pour sa famille et lui) . Cerise sur le gâteau, notre ami Patrick a pu faire le plein d'eau de son catamaran (400 litres) sans que la communauté ne lui demande rien, puisque l'eau est gestion communautaire et que l'impôt réclamé à notre arrivée gère tout cela. Il décidera de verser de son plein gré une contribution supplémentaire.

Islandia (9°13N 78°00W)
Personne ne nous a rien demandé. Par contre lorsque nous nous sommes rendus au village d'Ailigandi à un mille et demi, nous nous sommes présentés directement à "la officina de la communidad" pour payer 2 dollars par personne.

Un conseil simple :

Lorsque vous vous présenterez en tant qu'étrangers dans un village kuna, vous ne saurez pas d'emblée si votre circulation dans la communauté sera soumise à l'autorisation du sahila ou s'il faudra payer un impôt. Une manière simple de ne choquer personne est de s'adresser dès votre débarquement à un villageois. Il y a toujours quelqu'un près des quais. Choisissez toujours un homme, jamais une femme. Saluez-le chaleureusement et demandez-lui immédiatement ce qu'il y a lieu de faire (voir le sahila ou payer l'impôt, parfois les deux). Souvent, il abandonnera tout pour vous guider. Pendant que vous effectuerez ce passage obligé, les secrétaires du sahila ne manqueront pas de vous dire ce que vous pouvez faire, à quelles heures le village est "ouvert"...

Dès que les "formalités d'usage" seront remplies, cette première personne rencontrée se fera sans doute un plaisir de rester en votre compagnie, de vous présenter aux familles qu'il connaît ou de vous emmener au petit musée ou à l'école... Ce comportement est vraiment la clé qui vous ouvre le village kuna.

En conclusion, je vous avouerais que je trouve le mot "impuesto" très mal choisi. On nous parlerait de "contribution sociale kuna" et nous serions déjà plus enclins à verser notre obole à la cause. De plus, connaissant la "contribution" que nous versons très régulièrement au fonctionnement de nos bateaux, l'impôt kuna représente une infinitésimale partie de notre budget. Et puis, en pays Kuna, le niveau de vie est très peu élevé. Pour exemple : 4 cocos valent 1 dollar, 4 avocats, 1 dollar... Dix petits pains délicieux font également 1 dollar. Une boîte de thon sauce tomate piquante de 425 grammes coûte 1, 35 dollars. Le cours de la langouste est variable. Sans doute un calcul savant, une balance commerciale prenant en compte l'humeur du pêcheur et ses besoins du jour. Mais, au cours le plus haut, nous avons fait 5 repas de langoustes pour 6 dollars. J'ajouterais enfin qu'il est dommage de se priver d'un séjour au sein de cette culture inimitable pour une simple question de susceptibilité
fiscale...

Nous avons failli le faire, heureusement que la raison nous est revenue à temps!!!!

Amitiés marines
Nat et Dom de l'Etoile de Lune
www.etoiledelune.net

Petits rappels :
Pour nous suivre en temps réel d'escale en escale consultez l'adresse suivante : http://lereseauducapitaine.qc.ca (rubrique voiliers F4FJD)
Consultez aussi le blog du Réseau du Capitaine et de la Conam mis à jour par Nycole: http://reseauducapitaineconam.blogspot.com

Aucun commentaire: