Nouvelles des Navigateurs

Ce blogue a été conçu par Nycole - VE2KOU et se veut un point de rencontre
entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

samedi 7 novembre 2009

ÉTOILE DE LUNE - Nathalie et Dominique en COLOMBIE


11:23N 74:06W

Objet : Comportement des Occidentaux en pays perdu de Colombie
Photo : Reinaldo et le moussaillon

Bonjour,

Nous quittons l'immense mouillage de Guairaca avec tristesse. Notre ami, Reinaldo qui se comporte en patriarche avec nous, a la larme à l'oeil... Pour moi, les larmes sont dans mon coeur, surtout au moment où il nous demande :
«Cuando regressan?»
Quand revenez-vous ?
Nous sommes les seuls qu'il a vus revenir 3 fois dans sa baie, il pense que nous reviendrons. Il fait des plans et nous dit que son terrain peut être partagé en deux pour que nous y bâtissions notre "cabane en Colombie". Mais, à présent, notre route va vers l'ouest. Et à moins de faire tout le tour de la planète pour revenir..., il se peut que ce soit la dernière fois que nous embrassions Reinaldo. C'est la vie... C'est le voyage. Que d'au revoir déchirants parfois !
Que de visages, que d'amis que nous tenons au chaud dans notre coeur! Que d'affections partagées!

Mais il faut voir le côté heureux aussi. Nous avons appris de nos expériences passées le climat qui règne sur les côtes de Colombie et la fenêtre météo fut, cette fois, généreuse. Un vrai boulevard!

Un message de notre ami pour les navigateurs à venir

Au moment de partir, Reinaldo se confie à nous. Il est triste de voir le comportement de certains bateaux. En effet, certains équipages viennent se reposer plusieurs jours à Guairaca, sans même descendre à terre et saluer la population. Les Colombiens sont très peinés de ce comportement. Déjà Maria Louisa de Cabo de Vela s'était confiée à nous de la même manière. Les Colombiens savent que leur pays est réputé dangereux, et ce, à cause des milices armées qui sévissent dans la jungle. Mais dans les villages de pêcheurs, les habitants sont tout ce qu'il y a de plus paisibles. Lorsqu'ils voient des bateaux arriver en rangs serrés poser l'ancre et repartir sans même adresser un signe de la main, les habitants, rentrent la tête dans les épaules et boivent leur tristesse dans la lie de l'indifférence des Occidentaux.

Les Colombiens sont chaleureux et accueillants et lorsqu'ils voient les Occidentaux les ignorer, ils prennent cela pour de l'arrogance. Certains sont conscients de la peur qui anime les visiteurs et ça les peine d'autant plus. A l'inverse, lorsque leurs hôtes manifestent leur joie d'être en Colombie, ils deviennent démonstratifs et heureux. Un chef de taxi qui me demandait si j'aimais la Colombie m'a dit à ma réponse affirmative :
«Je me sens heureux lorsque des Occidentaux viennent dans mon pays et s'y sentent bien. Je ferai toujours tout pour qu'ils se sentent à l'aise. Je suis fier de mon pays. Ici tout le monde est “bienvenudo con cariño” (bienvenu avec toute notre affection)

Autre chose... J'ai vu des équipages ne descendre au village de pêcheurs que dans le but d'y laisser leurs poubelles. Ils viennent de Curaçao ou d'Aruba, cela fait à peine une semaine qu'ils sont en mer. Ils font de leurs déchets un grand sac noir, qu'ils ficèlent du mieux qu'ils peuvent. Ils arrivent, ils jettent l'ancre, sans même se renseigner sur ce qu'ils trouveront à terre, ils arrivent en annexe avec leur gros sac plastique noir.

Je crois rêver!!!!
Vous imaginez comme cela peut être offensant pour la population ?

Avant d'arriver à Carthagène, tous les mouillages ne sont que des baies de pêcheurs extrêmement éloignées de la moindre ville. Partout sur la côte de Colombie, les plaisanciers sont accueillis pour se reposer, mais cette nation n'a pas les moyens d'assurer le ramassage des ordures aux quatre coins de son pays. Avant de débarquer vos gros sacs d'ordures, demandez-vous si la population est capable de gérer vos déchets ? Surtout que vous n'êtes pas seuls au monde et qu'il y a d'autres bateaux, avant et après vous, qui s'arrêteront dans le village. Que fera un Reinaldo avec les poubelles ? Il en fait quoi, lui qui balaie la terre battue devant sa cabane en bois pour que ce soit présentable quand vous lui rendez visite ? Il en fait quoi alors qu'il n'y a pas de service de ramassage ? Et vous le prenez pour quoi ? Un éboueur ?

Moins grave, mais représentatif du manque d'adaptation des visiteurs. Deux bateaux hollandais arrivent avec des enfants. Ils veulent visiter le parc national de Tayrona. Ils demandent à Reinaldo d'organiser une excursion en Jeep ou minibus. Reinaldo garde le sourire, et leur explique qu'au village personne n'a de voiture, et que le parc est une réserve où il n'y a qu'une seule route qui mène à Santa Marta vers trois plages, Nenguangé, Guairaca et Concha. Tout le reste du parc est laissé à la nature, sans le moindre sentier. Reinaldo peut faire venir une voiture de Santa Marta. Tout le monde se rappelle notre virée à Santa Marta. Mais si c'est seulement pour se rendre à 2 km de Guairaca ça va revenir cher à l'équipage. Reinaldo leur propose de les emmener, pour une balade à pied et plus démocratique, dans le site précolombien adossé au village. Il leur dit qu'il ne veut pas d'argent, que contre quelques conserves de viande, de l'eau potable et un chandail pour rémunération, il le fera avec plaisir. Mais le capitaine hollandais lui répond qu'il n'a pas assez à manger pour lui-même à bord pour partager avec Reinaldo...

Bref, ce capitaine n'a rien compris, il est parti fâché, disant haut et fort que Reinaldo ne veut rien faire pour faciliter la tâche des touristes...

Touristes... oui, ils le sont, et pour de bon !

La Colombie ne s'ouvre à la plaisance que depuis deux ou trois ans. Les habitants sont heureux de voir ce nouvel intérêt pour leur patrie. Il est probable que face à l'affluence récente des navigateurs, l'ordre des choses va changer. Les autorités, elles-mêmes ne savent pas encore comment gérer le flux et va certainement adapter sa règlementation douanière dans les mois ou les années à venir. Quels que soient les changements à venir, il faut espérer qu'au 21e siècle, les Occidentaux se comporteront avec plus d'intelligence, plus de sens d'adaptation et d'observation qu'ils l'ont fait jusqu'ici. Développer une philosophie donnant-donnant, dans le respect des habitants est le seul comportement qui vaille la peine. Les gens d'ici ont tout un mode de vie à nous enseigner. Nous avons tout à apprendre... Malheureusement, trop de navigateurs croient exactement l'inverse !

Abrazos y cariño
Natalia y Domingo

Quelques détails sur la navigation à venir :
Nombre de milles jusqu'à Rodadero : 12 milles (nous ferons sans doute escale afin de gérer au mieux le passage du fleuve Magdalena qui doit se faire de jour en raison des nombreuses pluies qui ont charrié de nombreux objets flottant dans l'embouchure)
Nombre de milles jusqu'à l'entrée du fleuve Magdalena :37 milles
Nombre de milles restant à parcourir jusqu'à Punta Hermosa : 20 milles (escale visée après le passage du fleuve. Il restera 55 milles pour arriver à Carthagène que nous rallierons en 3 jours depuis Guairaca)

Leur locale : 9H
Temps universel :14H
Conditions météo: vent faible à nul, mer belle et soleil
Température de l'air :30°C
Température de l'eau :29°C

Prévisions météo : la Sierra Nevada est encore le théâtre de nombreux orages. Ils restent cantonnés aux sommets et tournent autour des baies. Le vent est annoncé nul pour samedi. Mais dimanche et lundi, il semblerait qu'il soit un peu plus vaillant. La mer reste calme.

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