Nouvelles des Navigateurs

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entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

mardi 28 juin 2011

CAT MOUSSES - René et la famille en Micronésie





22 juin 2011
Atoll de Woleai, Yap, Micronésie

Récit 176 - Encore de nouvelles découvertes

Bon et bien me revoici. Je dois dire pour commencer que j'ai l'impression de me réveiller d'un rêve. Je suis comme sur un nuage et je dois me pincer pour vérifier que je suis bien éveillée. Alors que nous avions tendance à commencer à croire que c'est un peu du pareil au même d'une île à une autre, alors que nous pensions avoir pas mal tout vu, puisqu'une île c'est une île et que ça se ressemble tout un peu en bout de ligne... et bien nous avions tort. Nous sommes atterris cette semaine, sur une autre planète, un endroit, ou plutôt une ambiance, dont on ne soupçonnait pas l'existence. Tout ceci me semble encore très irréel. Nous venons tout juste de reprendre la mer vers Yap pour un autre 360 miles nautiques (3-4 jours), avec un membre d'équipage en plus, Sam, un jeune Américain de 24 ans, rencontrés sur l'île, que nous ramenons sur le continent à Yap, où il doit attraper un vol d'avion. Sam vient de compléter un an à faire de l'enseignement bénévole dans l'école secondaire du village de cette île que nous venons de quitter. Il y a maintenant deux mois qu'il attend le cargo de réapprovisionnement, mais comme celui-ci ne cessait d'être retardé, il a pris la chance de venir avec nous. Il semble pour l'instant, un peu incommodé par le mal de mer mais il va s'en remettre. Il est 23h00, il a été malade quelques fois mais il dort sur un coussin dehors alors que je suis de garde. Alors par où commencer pour vous décrire ce que nous venons de vivre??

Nous venons de faire notre premier arrêt de quatre jours dans l'état de Yap, l'un des quatre états fédérés de la Micronésie. Dimanche dernier, alors que nous étions encore à 3 ou 4 jours de notre destination finale, nous nous battions contre des vents venant anormalement de l'ouest pour cette période de l'année. Le capitaine à son réveil, n'a pu résister plus longtemps à la tentation. Voyant la terre pour la première fois après une semaine complète de navigation, il changé de cap pour rallier l'atoll de Woleai. On dit de Yap que c'est le district le plus traditionnel de tous les états de la Micronésie, et que dire de cet atoll de Woleai d'environ 22 petits ilôts dont 5 îles habitées, totalisant environ 850 personnes.

On dit qu'il n'y a pas d'endroit plus traditionnel à Yap. Nous étions un peu sceptiques à ce sujet mais nous avons été agréablement surpris de constater que le livre disait, on ne peut plus vrai. Nous sommes arrivés de nuit vers 21h00, n'utilisant pour tout instrument que le radar, nos yeux et nos oreilles pour éviter le récif car les cartes marines sont complètement décalées de la réalité. Encore une fois le capitaine, est certain, en pénétrant ce lagon de noirceur, d'avoir vieilli d'un autre dix ans. Pauvre de lui... on pourra dire qu'il est pas mal 'game' notre capitaine de s'aventurer dans de telles entreprises. Finalement, l'arrivée s'est très bien déroulée et nous étions tous fort heureux de pouvoir aller nous coucher dans notre lit pour une vraie nuit de sommeil, le capt et moi plus spécialement.

Le lendemain matin, nous étions bien curieux de voir ce que nous allions découvrir sur l'île et nous n'avons pas été déçus. L'influence occidentale ne s'est pas encore fait ressentir dans ce coin-ci du monde, qui est demeuré des plus traditionnels et qu'on ne voulait plus quitter. Les premières pirogues aperçues, à distance, étaient déjà différentes de toutes celles vues auparavant. Contrairement à toutes les îles visitées dans les derniers deux ans et demi, personne n'est venu à notre rencontre. Ils nous envoyaient bien sûr la main, mais personne ne s'est jamais approché (le chef du village l'interdit). Il y avait, à notre plus grande surprise, un autre bateau dans la baie, un Belge en plus. Marc, navigant en solo sur son voilier 'Gannett', venait lui aussi d'arriver et n'avait pas encore mis le pied sur l'île. Puis, Sam, le jeune bénévole américain, nous a contacté sur la radio pour nous inviter à venir rencontrer le chef à terre en PM.

On nous a accueilli avec des colliers de fleurs, et ce à chaque fois que nous avons mis le pied sur l'île. La culture est ici très différente de tout ce que nous avons rencontré jusqu'à maintenant. Le chef de cette île de 400 habitants interdit formellement tout vêtement occidental tel que t-shirt, short ou casquette aux habitants de l'île. Les habitants de Yap appelés Yapese, sont, plus que tout autre Micronésien, intouchés dans leur culture et traditions par l'influence occidentale. Les hommes sont vêtus d'un vêtement appelé 'thu' (un bout de matériel porté comme une jupe-culotte enveloppée autour de la taille et porté de différentes façons tout dépendant de l'âge). Pour les jeunes garçons et le chef, les fesses ne sont pas couvertes alors qu'elles le sont à partir d'environ 16-18 ans. Les femmes elles, évoluent seins nus et portent le lava-lava, (un bout de tissu, tissé à la main par les femmes du village) ou encore une jupe de fibres séchées d'hibiscus et bananiers. On m'en a d'ailleurs offert deux au cours de ma visite et je ne porte que ça depuis. Bien que je doive quand même me couvrir la poitrine, c'est le grand confort. René et Hugo se sont pourvus d'un thu qu'ils portaient allègrement à chacune de leurs visites sur l'île.

Les traits physiques des locaux sont assez asiatiques, soit un mélange qui semble provenir des Philippine, Palau et Indonésie. Les femmes de cette société sont contraintes à un rôle de servantes si on peut le dire ainsi. Comme dans le régime matriarcal, elles travaillent comme des abeilles, mais elles ne sont jamais admises dans le monde des hommes. Alors que les hommes sortent pêcher et passent leurs journées à socialiser, elles sont confinées à la maison ou au jardin et passent leurs journées à cuisiner, jardiner et tisser dans le peu de temps qu'il leur reste. Les repas des hommes sont préparés et consommés à part de celui des femmes et enfants. Elles mènent leur petite vie parallèle au monde des hommes mais ne semblent pas trop s'en plaindre.

Suite à notre rencontre avec le chef du village, on nous a invité à venir sur l'île vers 18h00 le premier soir. Quelle ne fut pas notre surprise de trouver tout le village rassemblé à nous attendre. Les femmes nous offraient des chants de bienvenus et des colliers de fleurs. Puis on nous a emmené, les enfants et moi, à la maison de Mina pour qu'on laisse les hommes seuls à leur affaire.

Chaque soir, les hommes se rassemblent pour le 'drinking circle' pour consommer le faluba (alcool fabriqué à partir du tuba, liquide provenant de l'arbre de cocotier). On ne peut pas dire que nos trois amis (René, Hugo et Marc du bateau belge) raffolaient de ce liquide mais quand même, ils étaient toujours de la partie, question bien sûr, de s'intégrer pleinement. Ces cérémonies (apparemment de planification...) étaient bien sûr combinées du fameux mâchage du betelnut aussi accompagné de tabac. Nos trois mousquetaires, bien qu'ils ne sont pas allés jusqu'à mâcher, faisaient quand même un bel effort de guerre dans la session de 'drinking'. Afin de se donner une petite chance, ils trichaient un peu et apportaient une petite contribution de nos réserves d'alcool de fonds de cales, question de changer le goût du faluba un peu... au plus grand plaisir des locaux qui ne semblaient pas se plaindre de ces petites contributions. Hugo m'a bien fait rire en disant qu'il se sentait un peu, (assis dans ce cercle chaque soir), comme s'il participait à une soirée d'Alcooliques Anonymes. Il avait juste envie de se lever debout pour se présenter et annoncer qu'il avait décidé de cesser de boire mais il ne l'a pas fait et, comme un véritable MALE, il a bu sa part à chaque soir. Un soir, René avait apporté l'Atlas ainsi que livre sur le Canada et la ville de Québec au 'drinking circle'. Les locaux ont bien apprécié cet échange.

Les Américains semblent injecter à chaque année un certain montant compensatoire, peut-être en guise de réparation pour les années de guerre et dommages qui s'en sont suivis. Nous avons d'ailleurs pu visiter l'ancienne piste d'atterrissage, abandonnée depuis 7 ans, des bunkers, véhicules à chenille, armements, un monument, un avion et autres vestiges surtout japonais mais aussi américains de la deuxième guerre mondiale. Toujours est-il que grâce à ces dons, l'île est équipée d'une génératrice et du 110 volts pour s'éclairer dans les maisons le soir. Je parle de ceci car, pendant les sessions de planification stratégique des hommes 'drinking circle', les enfants et moi rejoignons les femmes dans leur petite case ou maison traditionnelle, une grande pièce sans meuble où on se rassemble sur une natte tressée, à même le sol. Comme ils avaient l'électricité, nous apportions le lap top et des films. Chaque soir nous apportions de nouvelles surprises... pop corn, peanuts, biscuits, jus et autre. Un soir j'ai apporté, en catimini, du petit vin rosé. Les femmes m'avaient expliqué, dans leur meilleur anglais, qu'elles n'avaient pas le droit de boire ou plutôt, pas accès à l'alcool. J'ai donc tenté le tout pour le tout en apportant mon petit jus spécial qu'elles ont bien apprécié. Je n'en ai apporté qu'une seule fois mais elles auraient bien aimé qu'on reste plus longtemps car elles appréciaient pas mal ces petites soirées. Le dernier soir, les enfants et moi avons apporté des guimauves. On s'est fait un petit feu au centre de leur cour et nous les avons initiés à l'art de griller des guimauves sur le feu. Ils (femmes et enfants) ont adoré, nous avons eu un plaisir fou. Certains hommes, attirés par le bruit ont même quitté le 'drinking cercle' pour venir fouiner et essayer nos guimauves. Franchement c'était magique.

Chaque jour ils nous faisaient goûter leurs plats et nous leurs faisions connaître des gâteries. Les jeunes filles nous tressaient les cheveux à Catherine et moi. Elles nous fabriquaient de magnifiques colliers de fleurs. Catherine leur peignait les ongles et leur a aussi offert divers vernis à ongles.
Malgré la barrière de la langue, car les jeunes parlent très peu l'anglais, les garçons s'amusaient beaucoup de leur côté aussi. Mes fils m'ont beaucoup impressionnée en montrant aux locaux à jouer à la patate chaude avec une pierre qu'ils chauffaient sur le feu. Je ne sais pas où ils ont pêché cette idée mais les locaux ont trouvé ça bien drôle. Ils se sont aussi sculpté des couteaux, des arcs, des flèches, des arbalètes et autres. Franchement, je le redis, c'était magique!

Normalement, nous mettons quelques jours à connecter avec les locaux mais ici nous avons été accueillis à bras ouverts et Sam a grandement facilité cette connexion. Grâce à lui, nous avons vécu des moments très intenses car, puisqu'il quittait cette île sur laquelle il venait de passer un an, les habitants du village lui ont préparé une petite cérémonie de départ. Les femmes et les filles avaient préparé une multitude de colliers de fleurs et chantaient alors qu'on nous enduisait le torse de poudre jaune (épice de turméric). Nous sommes repartis de là, le bateau chargé d'une tonne de bananes, de noix de coco, breadfruit et autre. On nous demande souvent quels furent nos plus gros coups de coeur depuis notre départ du Canada. Franchement je pense que cette petite escale de 4 jours se retrouve maintenant en tête de liste. Merci infiniment à Kirk de Gallivanter de nous avoir parlé de cet endroit, c'est grâce à lui que nous avons mis Yap sur notre liste de destinations cette année.

Côté pêche, nous avons pêché deux superbes thons jaunes la semaine dernière et un autre plus petit ce soir. Un matin au cours de notre séjour, René et les garçons sont allés faire la chasse aux crabes de terres et crabes de cocotiers avec les locaux sur une île avoisinante. Les garçons ont vite pris la 'twist' et sont revenus avec un sac plein, soit 20-30 crabes. Hugo nous a préparé des frites avec les patates et le breadfruit alors nous avons eu tout un festin pour dîner. C'est pas mal ce qui résume nos toutes dernières aventures. Plus à suivre sur le continent principal de Yap que nous devrions atteindre d'ici 2 ou 3 jours.

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