Nouvelles des Navigateurs

Ce blogue a été conçu par Nycole - VE2KOU et se veut un point de rencontre
entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

mercredi 6 octobre 2010

SÉCURITÉ DES NAVIGATEURS par Nathalie (Étoile de Lune)

Voici copie d'un texte rédigé par Nathalie concernant la Sécurité en navigation :

La sécurité des navigateurs dans les pays « à risque »

Ce dossier est une réflexion sur la sécurité des équipages à terre et surtout à bord des bateaux dans les pays « dits à risque ». Il n'est pas exhaustif, mais il tente d'ouvrir les yeux des futurs candidats au départ, sur un problème réel, dont ils n'évaluent pas toujours l'importance avant de partir.

Ce dossier permettra de préparer leur voyage en toute conscience des aléas dus au phénomène de piratage.

Pour l'écrire, Roger Lamontagne a eu la gentillesse d'échanger plusieurs courriers qui nous ont aidés. Roger et sa femme Adriana ont une solide expérience du voyage, dans le monde entier. Ils ont une connaissance profonde des pays d'Amérique latine et d'Asie, nous les remercions pour leur précieuse collaboration.

Sommaire

Introduction.
1) Les temps idéaux et révolus de la plaisance
2) Qui sont les plaisanciers d'aujourd'hui ?
3) Impact de l'évolution des moyens des plaisanciers sur la population locale
4) Le problème du relais de l'information entre bateaux et sur les sites Internet
5) Une question de responsabilité !
6) La notion de « pays à rique »
7) Eviter les vols
8) Pourquoi diriger son étrave là où le risque est potentiel?
9) Actes de piraterie avec violence corporelle et matérielle.

Efficacité des parades antipirates?

a) Formation de flottille
b) Veille sur des réseaux radio
c) Posséder une arme à bord
d) S'enfermer à bord
e) La lumière, le bruit, le mouvement... La présence d'enfants à bord
f) Une question de pudeur et de respect
g) Ne pas baisser la garde!
10) Procédure recommandée en cas d'agression

Conclusion

Autre dossier à consulter sur le sujet

Introduction

Chaque année, le nombre de navigateurs larguant les amarres « pour le paradis » s'accroît. Au gré de cette nouvelle fréquentation, la piraterie, révolue pendant quelques années d'or de la plaisance, reprend du service.

Ce dossier a été inspiré par la recrudescence d'actes de piraterie en Colombie, au Venezuela,l'apparition de larcins aux San Blas, la manifestation récurrente d'une délinquance aquatique dans l'Arc antillais...

Le choix douloureux des pistes d'un tour du monde :

« Que faire à Madagascar? »
« Comment éviter la Somalie? »
« Risque-t-on sa vie en Afrique du Sud, au Brésil, en Guyane? »

Il serait fastidieux d'émettre une liste des pays « à risque » et des pays « sécuritaires ». Les uns et les autres changent régulièrement de camp, sans prévenir. Aujourd'hui, les « tourdumondistes » ont du souci à se faire, quant au choix de leurs parcours.

Voyons ensemble, les ingrédients qui ont mené à la situation actuelle. Ce document n'est pas un remède pour échapper aux pirates où que l'on aille. Il n'y a pas de parade à ce problème et l'important est d'en être conscient. Ce dossier vous aidera à comprendre les motivations de part et d'autre, à décoder les comportements des plaisanciers, établir un état des lieux, pour ouvrir les consciences. Il est probable qu'à l'heure actuelle, il n'y ait pas de solution au problème.

1) Les temps idéaux et révolus de la plaisance

La piraterie a de tout temps existé. Le sujet n'est pas ici de retracer la violence de combats navals ou de rencontres épiques entre flibustiers et corsaires.
Souvenez-vous, il y eut un temps béni. Rappelez-vous des récits des premiers navigateurs solitaires ou en famille sur des petites unités. Les Slocum, Moitessier et autres circumnavigateurs ne faisaient état d'aucun danger notable et partaient la fleur aux dents autour du monde. A l'époque, le nombre de plaisanciers se baladant sur les mers du globe était si insignifiant que personne n'avait l'idée de s'attaquer à eux. Ils partaient, sans grands moyens. Un sextant, quelques vivres, une boussole... Et vogue la galère! Ils arrivaient aux escales, démunis, en shorts
élimés, suscitant chez les locaux, l'envie de les aider, en leur offrant un régime de bananes, quelques légumes, du poisson cru...

Cette image très insouciante du navigateur nous a tous marqués. Nous avons tous lu un de ces livres qui fait rêver. Ils ont gravé dans l'imaginaire de milliers de plaisanciers, l'envie de larguer les amarres, pour trouver ailleurs, une vie baignée dans un laxisme bienheureux. En réalité, la plupart d'entre nous larguons les amarres avec une idée fausse du monde vers lequel nous naviguons.

2) Qui sont les plaisanciers d'aujourd'hui?

Depuis les années 2000, le mouvement s'est sensiblement accéléré. Des centaines de bateaux partent chaque année, du Canada, des Etats-Unis, d'Europe, d'Australie et de Nouvelle-Zélande...

Voilà les cinq « nationalités » les plus présentes sur l'eau. Il est plus rare de voir des pavillons d'Amérique latine (quelques Brésiliens). Les bannières caribéennes sont souvent des pavillons de complaisance. Sauf, l'Afrique du Sud (à bord des équipages blancs qui fuient les changements politiques et économiques de leur pays), l'Afrique et l'Asie ne sont pas, ou excessivement peu représentées, dans le monde de la plaisance. En six ans de voyage, nous avons rencontré un japonais.
Nous pouvons donc admettre que la majorité des circumnavigateurs sont issus de pays dits « riches ». Dans l'immense flottille des bateaux privés, seuls, quelques-uns ne disposent que de petits budgets, ceux-ci deviennent de plus en plus rares. Actuellement, la majorité des équipages possèdent un niveau de vie confortable, et même très confortable.

3) Impact de l'évolution des moyens des plaisanciers sur la population
locale.


Les équipages partent pour quelques années de retraite, ou sabbatiques, avec une notion du confort en mer qui ne serait jamais venue à l'esprit de nos illustres prédécesseurs. Aujourd'hui, les navigateurs larguent les amarres sur des bateaux suréquipés : radars, GPS, AIS, BLU, système satellite, électronique de pointe, moteurs hors-bord puissants, dinghy reluisant, télévisions, ordinateurs... Ils se baladent avec des appareils photo « sortis de la plus avancée des 2 technologies spatiales ». Et de leurs poches rejaillit la lumière de dollars qui fait pâlir d'envie tous les locaux des pays visités.

Les navigateurs partent avec ce qui, dans leur esprit, est un équipement « normal ». Songeant, même qu'ils laissent derrière eux, une part importante de leur confort! Mais ils représentent dans la tête des autochtones des « pays pauvres », une réelle fortune. « Il y aurait tant à dire sur la conscience des visiteurs dans les pays pauvres ou notre simple présence peut être perçue par les plus informés ou les plus pauvres de nos hôtes comme une provocation et pour les plus désespérés comme une « opportunité » de faire vite ce qui prendrait des années ou même n'arriverait tout simplement jamais.» (Roger Lamontagne)

Nous ne pouvons plus partir en nous leurrant sur notre image. Nous avons tous l'air de « touristes» en quête d'une « simplicité » que nous espérons retrouver auprès des populations que nous rencontrons. Sachons une fois pour toutes que lorsque nous quittons nos pays d'origine, nous serons immanquablement catalogués comme « riches ». Perdre la naïveté de croire le contraire sera salutaire à tous.
N'allez pas comprendre que je qualifie tous habitants de pays pauvres de « voleurs ». Ce n'est pas du tout mon propos. Il y a suffisamment de cas d'hommes et de femmes qui dans nos « pays dits riches » profitent de détourner des capitaux pour s'adonner au jeu des vases communicants, détroussant les épargnants ou les contribuables pour s'enrichir personnellement.

Nous devons être conscients de la manne que nous représentons pour les populations locales. Elles voient défiler devant elles, des biens de consommation qui attisent une envie très naturelle.

4) Le problème du relais de l'information entre bateaux et sur les site
Internet


Tous les navigateurs font des blogs et des sites internet. Nous passons tous à un moment donné dans une région qui craint un peu plus qu'une autre. Et puis, la chance fait que nous sommes passés tranquillement, sans aucun souci. Nous donnons dans nos sites, une image, à un moment donné de ce que nous avons vécu. Nous l'écrivons « pour partager », mais en même temps, la lecture de nos propos sera considérée comme une information. Ce n'est pas, ce ne sera jamais une source d'information objective et immuable.

Il est de notre responsabilité à tous d'avertir que notre vécu relaté dans nos sites internet, est « une carte postale » à un moment donné. Il est aussi de notre responsabilité de faire extrêmement attention aux sujets qui touchent à la sécurité... Mais il est également de la responsabilité de chacun de faire attention où engager son propre bateau. De se renseigner audelà des témoignages. De suivre le conseil de Roger : « Une connaissance minimale des pays à visiter me semble la première règle de prudence. »

S'intéresser aux changements sociaux et politiques, aux grandes lignes historiques d'un pays.

Consulter les recommandations des Ministères des Affaires étrangères sont les meilleurs indicateurs qui soient pour vous faire une idée de ce qui vous attend au bout de l'étrave.

5) Une question de responsabilité!

Dans nos pays d'origine, nous nous sentons responsables de nos biens. Nous les assurons, nous les sécurisons. Nous sommes issus de pays, où le droit à « la sureté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses 3 droits et de ses propriétés. » (Déclaration des droits de l'homme 1793). Nous sommes habitués à disposer d'une batterie de services plus ou moins efficaces (assurances, police, ...) sensés nous protéger. Néanmoins, je suis certaine que tous, nous fermions la porte de notre maison en
partant? Laissions-nous les clés sur le contact de la voiture devant le centre commercial?

Pourquoi, dès qu'il s'agit de partir en bateau, nous perdons toute notion de sécurité, comme si nous étions atteints d'une irresponsabilité enfantine?
Certains équipages s'étonnent qu'une annexe laissée à l'eau le soir à Curaçao, ou aux San Blas (régions dites « sécurisées ») a disparu. Pourquoi s'en étonner? Nous voyons des équipages ne jamais fermer leur bateau, ne pas cadenasser leur annexe, ne jamais la remonter le soir. Et pourquoi, ne pas vivre, les poches ouvertes avec une poignée de dollars qui en sort?

« Même chez eux, les navigateurs font preuve de prudence dans certaines régions ou certains quartiers de leur pays. Alors pourquoi pas dans des pays peu connus ? » (R. Lamontagne) Ne perdons pas nos réflexes de sécurité. Nous sommes responsables de nos vies, de nos biens. Et gardons à l'esprit, que les systèmes de sécurité de certains pays fonctionnent de manière très aléatoire, voire pas du tout.

6) La notion de « pays à risque »

A tout moment, un pays qui fut tranquille et sécuritaire peut devenir un « pays à risque ». L'inverse est vrai aussi. Certains pays s'ouvriront au tourisme pendant plusieurs mois, plusieurs années, puis, au gré d'un changement de régime politique, militaire ou social, la situation deviendra scabreuse.

C'est ce qui est arrivé au Venezuela. Nombre de bateaux ont vécu des années formidables entre 1980 et 1995, dans ces contrées magnifiques, sans aucun problème. Puis, le régime a changé, les autochtones ont perçu la manne qu'ils retireraient de ces bateaux de passage, de ces équipages sans méfiance. Et aujourd'hui, régulièrement, des plaisanciers sont victimes d'actes de violence.

Ce ne sont pas des « on-dit » ce sont des cas réels, où trop de plaisanciers ont été blessés psychologiquement, physiquement, marqués à vie, voire éliminés.

La Colombie.

Entre 2006 et 2009, les côtes de Colombie se sont « ouvertes ». Ces côtes ont de tout temps été évitées par tous les plaisanciers. La Colombie en guerre civile et premier exportateur de cocaïne faisait peur, à juste titre. Personne ne s'y arrêtait sous peine d'être la cible des cartels de la drogue. Les plaisanciers ne naviguaient jamais à moins de 200 milles des côtes. Puis, un premier bateau s'est risqué sur Cabo de Vela, les cinq baies, Santa Marta, Carthagène, les îles du golfe Darien...

Il en revient ébloui par la gentillesse des autochtones, qui se disent heureux de voir un revirement de comportement des étrangers à leur égard. Nous-mêmes, nous y vivons la plus belle année de notre voyage. Surpris par l'accueil des Colombiens, sous le charme de paysages dignes de répondre aux rêves de tout navigateur. A l'époque la guarda costa elle-même se faisait l'ange gardien des plaisanciers. Puis, en 2009 apparaissent les premiers actes de piraterie sur Carthagène. Des navigateurs nous rapportent que la guarda n'est plus aussi « gentille ». Qu'après leur passage de contrôle à bord, il manque des téléphones, appareils électroniques divers... En
2010 c'est le drame aux Cinq Baies, à Guairaca, une famille se voit menacée par des pirates qui montent à bord en pleine nuit.

Colon au Panama

Aucun navigateur ne doit se balader à pied dans les rues de la ville. Cette ville est l'une des plus dangereuses au monde. Dernière agression connue. Trois équipiers se font « braquer » armes à la 4 main, à 300 mètres de l'arrêt central des bus de Colon. Ils s'en sont tirés sans être blesser physiquement, mais moralement l'un d'eux ne se relèvera pas. Ils ont été détroussés de leurs cartes de crédit, passeports, argent, montres...

Ce n'est pas une liste exhaustive, à vous de vous renseigner, sur d'autres destinations. Les pays dangereux sont connus et répertoriés.

Sur l'Arc antillais, certaines îles ont mauvaise réputation

Saint Vincent et la Dominique

Ces deux îles sont souvent le siège d'actes de violence. Les mouillages du nord de l'île de Saint Vincent ont vu un meurtre de capitaine de bateau de location en 1992. Les vols et les comportements agressifs des habitants sont légion dans la partie nord, qu'il vaut mieux éviter.

Il en est de même à la Dominique, vols d'annexes, infraction pendant la nuit au mouillage, sont également très souvent reportés, que ce soit à Prince Rupper Bay ou devant la capitale Roseau.

Les couacs dans les îles « sécuritaires ».

D'autres îles de l'arc Antillais peuvent à certains moments et sans prévenir devenir risquées. Pour autant, on ne peut pas éviter toutes les zones où un cas isolé s'est produit. L'important est de garder un comportement responsable pour éviter au maximum les mauvais hasards, et ne pas susciter l'envie aux populations devant lesquelles nous nous installons.

Sainte Lucie

Que dire du viol avec agression et vol qui s'est produit en 2006 à Rodney Bay? Malchance pure !

Un bateau belge s'arrête à la nuit tombée, l'équipage va se coucher, au milieu de nombreux bateaux. Dans la nuit, un groupe d'hommes monte à bord. L'équipière subit un viol, tandis que le capitaine est battu sauvagement. Les agresseurs n'emporteront pas beaucoup de valeurs. C'est sans doute un acte isolé, de personnes sous l'emprise de la drogue.

Îles dites « tranquilles » dues à leur statut économique favorable : Martinique
Les insulaires n'aiment pas en parler. Mais il y eut des vols de moteur hors-bord à Caritan, et une histoire jamais élucidée de meurtre sur un équipage qui mouillait au Robert (2004) Si je reprenais exhaustivement toutes les agressions qui ont eu lieu dans le bassin de la Caraïbe, plus personne n'irait nulle part. Il faut néanmoins faire la différence entre les pays réputés à risque et ceux où la délinquance apparaît, comme partout ailleurs dans le monde. Un pays en guerre, ou soumis à une paupérisation dramatique n'est pas un lieu où perdre son étrave.


En ce qui concerne les pays dits « sécuritaires », il faut garder à l'esprit, une notion de sécurité, comme nous l'aurions chez nous, dans nos pays d'origine. Personne ne peut dire que le métro de Paris ou de Montréal est sécurisé à 100%, pour autant, des milliers de personnes utilisent les transports en commun quotidiennement.

7) Eviter les vols

Annexe

Les vols d'annexe, de moteur hors-bord et du carburant, sont les « actes de piratages » les plus répandus. Il est « facile » de les éviter. Ceux qui remontent leur annexe chaque soir, qui la cadenassent, éviteront ce désagrément. Nous le faisons partout, même en Polynésie française, îles dites « sans aucun problème ».

Lors d'un stationnement à terre.
Retirez le coupe-circuit du moteur hors-bord.
Cadenassez l'annexe à une partie solide du quai.
Retirez le tuyau d'alimentation entre le moteur et le réservoir.
Ne laissez pas un réservoir plein à disposition des tentations.
Lier le moteur à la structure rigide de l'annexe par un câble en inox.
Ne laissez pas votre VHF portable dans l'annexe (Vu à Panama!),ou tout objet qui ait une quelconque valeur, et même pour « un tout petit moment ».

Sur le bateau

Il en est de même pour tout ce qui vous appartient. Sécurisez tout ce qui est sur le pont.Compliquez la tâche de tout visiteur qui n'aurait pas à « simplement prélever le fruit de son envie ». Installez des fermetures cadenassées à tous vos coffres extérieurs...

A terre

Ne vous baladez jamais avec tout votre argent, vos cartes de crédit, vos papiers et vos bijoux en or, ni même en plaqué or. Prenez le strict nécessaire, mettez-le sur vous (dans une poche interne), et non dans un sac à dos ou dans un sac en bandoulière.

N'emportez que des photocopies de vos papiers.

Faites attention à ce que votre portefeuille ne laisse pas une grosse marque rebondie sur votre poche arrière de pantalon... Lorsque vous ouvrez votre portefeuille dans un magasin, arrangez-vous pour qu'on ne perçoive pas d'un coup d'oeil des liasses de billets, ni de cartes de crédit dorée...

Arrangez-vous pour ne pas avoir de grosses coupures de billets. N'emportez que
des petites sommes. Ne vous baladez pas, appareil photo sur l'estomac. Tentez de faire le plus possible « couleur locale », sans signe extérieur de richesse ou d'appartenance à la gent « touristique ».

8) Pourquoi diriger son étrave là où le degré de risque est élevé?

Par inconscience, par méconnaissance, par ignorance, par la lecture d'informations erronées... En raison des périodes cycloniques, afin de s'en prémunir. Mais aussi et surtout, par curiosité. Nous sommes partis pour visiter le monde, nous possédons le plus formidable véhicule de liberté qui soit: le bateau ! Nous voulons fureter partout, où bon nous semble. Nous n'aimons pas être restreints dans nos mouvements. Nous sommes amoureux de liberté. Et pour cela, nous ne soupesons pas toujours, le poids du risque que nous prenons.

Voici une réflexion de Roger Lamontagne qui mérite d'être lue, relue et retenue par nous tous :

« L'ignorance n'étant pas une excuse, on peut dire que, dans bien des cas, les visiteurs de pays pauvres et/ou en guerre sont aussi coupables que les malfaiteurs qui les agressent. Ça mérite réflexion...! »

« Après avoir conversé avec des centaines de navigateurs de plaisance, il semblerait qu'il y a une sorte d'inconscience collective quant aux dangers de visiter des pays où sévissent des guerres internes comme en Colombie ou des changements sociaux importants comme au Venezuela ou des opérations de cartels de drogue dans le passage entre le Venezuela et Trinidad (ou dans le golfe Darien entre Colombie et Panama) .
Les navigateurs peuvent se trouver devant des situations difficiles à gérer, surtout si on ne maîtrise pas la langue, on ne connaît pas l'histoire de la région en question ou que l'on démontre des signes de provocation comme apparaître sur le pont armé jusqu'aux dents.

Dans un pays comme la Colombie qui est en guerre depuis plus de 40 années, il y a déjà beaucoup d'armes qui circulent (toute la classe moyenne et la classe riche sont armées) les situations qui déraillent peuvent le faire très vite et si, déjà, on ne parle pas la langue, on peut perdre le contrôle de la situation avant même d'avoir compris ce qui arrive.

Le laxisme ressort souvent d'une attitude dictée par : « ce sont des choses qui n'arrivent que très rarement, donc peu de chance que ça nous arrive ». Ou : « on est très prudent...donc pas de problème ». Ou : « on voyage avec d'autres bateaux... donc peu de chance d'être attaqué ».

Ou :
« on est armé donc ils auront aussi peur de nous ». En un mot: c'est l'inconscience totale. »

9) Actes de piraterie avec violence corporelle et matérielle.

Le plus simple est d'éviter les zones à risque. Elles sont connues et répertoriées. Mettez votre liste à jour en consultant régulièrement les banques de données internationales.

Pour vous motiver, mettez-vous cela une fois pour toutes dans la tête :

IL N'Y A PAS DE PARADE CONTRE LES PIRATES!!!!

Lorsqu'ils montent à votre bord, il est trop tard!

Voici quelques trucs « antipirate » qui s'échangent entre bateaux. Décodons l'(in)efficacité de chacunes d'elles :

a) Formation de flottille
b) Veille sur des réseaux radio
c) Posséder une arme à bord
d) S'enfermer à bord
e) La lumière, le bruit, le mouvement... La présence d'enfants à bord
f) Une question de pudeur et de respect
g) Ne pas baisser la garde!
a) Formation de flottille

Les flottilles ne sont pas d'une grande utilité. Naviguer en groupe rassure psychologiquement, mais si l'un des bateaux se fait pirater, je n'ai encore vu aucun exemple où l'acte de piraterie a été évité par la présence des bateaux accompagnateurs.

Voici quelques exemples vécus :

- Le nôtre, Margarita septembre 2005 :

Trois bateaux à l'ancre, à Margarita. A 2h30 du matin, les pirates montent sur le pont, armés de machettes et de couteaux. Aucun des deux bateaux n'a répondu à nos cris (et même à l'action de la cloche). Personne n'a tiré en l'air ou allumé les lumières, personne n'est intervenu. Nous nous sommes débarrassés des pirates tout seuls. Lorsque nous avons appelé à la VHF, pas de réponses, toutes les radios étaient éteintes.

- Le cas d'un catamaran à Margarita en 2006

Trois bateaux « amis » autour de lui, dont un avec un chien, les pirates sont montés sur le catamaran, ils ont tout détruit, volé toute l'électronique, l'argent... séquestré l'équipage dans la salle de bain. L'équipage agressé, a lancé des appels sur VHF, une fois les pirates partis. Ils ont dû attendre le lendemain que les autres équipages se réveillent tranquillement ...

- Cas en 2007, toujours au Venez, deux bateaux américains, côte à côte. Le capitaine de l'un des bateaux a été tué par balle par un groupe de pirates, l'autre bateau n'a rien pu faire, alors qu'il venait de sortir du premier bateau où ils avaient joué aux cartes toute la nuit...

- Cas aux Testigos, 2007. Des pirates montent à bord d'un voilier. L'équipière s'échappe par le hublot avant, nage jusqu'au bateau qui est à côté. Le capitaine pendant ce temps est blessé par balle dans son cockpit.

En discutant avec un ancien colonel de gendarmerie qui avait une formation militaire, il disait qu'il ne croyait pas non plus, à l'efficacité d'une flottille. A moins d'ouvrir une sérieuse discussion entre les bateaux avant de partir, et de déceler ce que chacun est prêt à faire pour l'autre. Il faut déceler les fier-à-bras qui crient très fort pendant l'apéro qu'ils interviendront de telle et telle manière!

Mais auront-ils le courage d'intervenir? Il faut prendre tous les capitaines entre 4 yeux et mettre au point un « plan de bataille » au cas où... Dire exactement ce qui est possible de faire... etc.

Il reste qu'un ingrédient est imprévisible : celui de la peur! Comment en vouloir à son voisin parce qu'il n'est pas intervenu? Si les rôles avaient été inversés, comment aurions-nous réagi?

Naviguer en escorte

En mer, naviguer à vue ne suffit pas, il faudrait naviguer bord à bord. Les bateaux ont tous des vitesses différentes, comment réaliser une flottille efficace? Un bateau qui se trouve à un mille paraît prêt, mais lorsqu'il se fait pirater, c'est en une fraction de seconde...

b) Veille sur des réseaux radio

Dans certaines zones à risque, des veilles militaires sur les ondes existent, mais à quoi serventelles?

Dès qu'un bateau est piraté, aura-t-il le temps d'avertir par radio? Et quoi? C'est trop tard!

Les pirates sont à bord et comment essuyer des échanges de tirs entre une armée défenderesse et un groupe d'agresseurs?

Le cas de la Somalie.

Sachez qu'au moment où ce document est écrit (2010), l'armée française interdit l'accès à la pointe somalienne à tout bateau battant pavillon français. Ceux qui descendent la Mer Rouge pour entrer dans l'océan indien, sont obligés de rebrousser chemin sous escorte militaire en Mer Rouge.

c) Posséder une arme à bord.

Je n'évoquerai pas ici, le problème légal de la possession d'arme à feu. Dans bien des pays, il faut la laisser au premier poste de police et la reprendre en partant.
Dans les faits. Les pirates auront toujours une longueur d'avance sur nous, car nous n'aurons jamais le courage de tirer. Les pirates sont, soit surentraînés, soit surexcités, voire drogués. Ils sont en état d'extase. C'est inimaginable avant de l'avoir vécu. La violence, leur agressivité sont poussés à l'extrême. De notre côté, nous sommes dans la plupart des cas, pris en plein sommeil, du moins nous n'avons pas comme eux, préparé notre coup. Il est donc difficile de connaître nos propres réactions.

Admettons que nous soyons armés nous aussi. Sommes-nous prêts à leur tirer dans les
poumons? Quel lourd fardeau à porter! Allonger un gars, souvent un gamin, dans son bateau. Et puis quoi?

Si les pirates montent à bord, c'est trop tard. C'est que le bateau a poussé son étrave là, où il ne fallait pas.

Il faut obtempérer. Le mieux est de connaître la langue qu'ils parlent. Et d'essayer de négocier, le plus « tranquillement » possible. De garder son calme et surtout de garder la vie! Tout faire pour les apaiser le plus possible. Tenter de sauver ce qui peut l'être, mais uniquement en amenant les pirates à parlementer, ce qui n'est pas toujours possible. La capacité à se sortir d'une telle situation dépendra du type d'arme utilisée par les pirates. Devant des couteaux et des machettes, il paraît
encore possible d'esquiver, ou de négocier par la voix. Devant des armes automatiques, les chances de sortir de l'agression indemne s'amenuisent considérablement.

d) S'enfermer à bord

Un cas qui porte à réfléchir :
Toujours au Venezuela en 2004. Un couple s'enferme à l'intérieur du bateau pour la nuit. Les pirates montent à bord. Ils ordonnent de tout ouvrir. L'équipage reste calfeutré à l'intérieur. Les pirates trouvent des bidons d'essence dans un des coffres externes. Ils répandent le liquide sur le pont. Ils menacent d'y mettre le feu, si l'équipage ne sort pas du bateau...

e) La lumière, le bruit, le mouvement, un chien... La présence d'enfants à bord
Enfants protecteurs?


J'ai lu dans le livre d'un navigateur parti pour une année sabbatique, de Martinique avec un tour à l'intérieur de la Caraïbe, via le Venezuela que les pirates ne s'attaquaient jamais à un bateau qui avait des enfants à bord. Cet argument mérite réflexion. Etant écrit dans un livre, une amie me disait qu'elle laissait traîner les jouets des gamins sur le pont. Sûre que les Venezueliens, qui adorent les enfants, ne s'en prendraient pas à son bateau.

Rien de plus faux.

Quelques années plus tard, nous rencontrions une jeune femme qui navigue seule avec sa fille de deux ans. Une nuit, à Margarita, des intrus sont montés sur le pont, ils ont volé, la poussette, les jouets, le bain du bébé, et un foule d'objets appartenant à l'enfant. Le chat a réagi, il a grimpé sur le pont, effrayé, il a miaulé. Les pirates sont repartis avec leur butin dans la nuit. Notre amie a eu
beaucoup de chance!

Ne risquez pas la vie de vos enfants à ce petit jeu de hasard!

Un chien défenseur?

Sans parler des problèmes légaux de posséder un chien à bord, les bateaux emmenant de gros chiens dissuasifs ont la réputation d'être laissés tranquilles. Pourtant, nous avons en mémoire deux cas de vols ou d'agression avec chien à bord.

Un catamaran dans le golfe de Cariaco (Venezuela) a été délesté de tout son matériel de plongée et de son kayak, malgré la présence du chien, qui n'a pas effectué son rôle de vieille.

Un capitaine d'un monocoque est mort, tué par balle dans la tête, dans un mouillage du Nord de la péninsule de Paria en 2004 et ce malgré la présence de son chien. Celui-ci, une fois le capitaine éliminé, a été jeté par dessus bord, pour laisser les agresseurs visiter le bateau tranquillement. (Le chien a été retrouvé, errant sur la plage)

La lumière, le bruit et le mouvement?

Après notre agression, j'ai toujours laissé une lumière violente et mobile dans le cockpit, ainsi que des serviettes suspendues qui battaient au vent. Vu de loin, cela donne une impression de vie, sur le bateau. Les pirates n'aiment pas être vus, et préfèrent surprendre leurs cibles dans leur sommeil. Mais, je doute néanmoins que ce soit efficace, contre une bande armée organisée...

f) Une question de pudeur et de respect

Sujet difficile, mais réel. Prises au piège dans leur sommeil, les équipières seront parfois la cible de viol. Je ne dis pas que forcément, elles ont attisé cette impulsion. Ce n'est pas la parade à tout coup que de rester vêtue, mais pensez à ne pas vous faire surprendre nues où à vous montrer dans le plus simple appareil à l'abord de rivages habités. Une certaine pudeur est aussi une forme de respect envers les populations que nous fréquentons.

Un dessin caricatural vient d'être édité dans les îles Fidji. Il est édifiant:

- La première esquisse montre un navigateur occidental, habillé du temps du 18e siècle qui aborde les côtes des îles du Pacifique. Il rencontre un autochtone, nu, et il lui dit d'un ton impérial :
« Va t'habiller, sauvage! »

- La deuxième esquisse montre un autochtone qui se balade sur sa plage, une touriste seins à l'air et ficèle de string invisible est allongée à ses pieds. Et il lui dit :
« Va t'habiller, sauvage! »

g) Ne pas baisser la garde!

La plupart des conseils ci-dessus, sont à l'usage des futurs candidats au départ. En réalité, au fur et à mesure du voyage, le marin développera un sens instinctif de la sécurité. Il « sentira », là où il y a danger. Il apprendra les bons réflexes. Plus il voyagera, plus il perdra son allure « touriste », pour prendre une demi-teinte locale. Cependant, à force de séjourner dans un pays « dit à risque », il sera rattrapé par cette langueur très tropicale, sa douceur de vivre... Il trouvera bons
nombre d'avantages à rester dans ces pays, où la vie n'est pas chère, où les gens sont insouciants, accueillants et attachants. Il oubliera qu'il est de passage... Un touriste un peu plus adopté que les autres. Il baissera la garde. Il finira par s'aventurer dans les « barrios » (ou quartiers ghettos), et c'est à ce moment-là qu'il courra le risque de redevenir une cible.

10) Procédure en cas d'agression


Voici les conseils de Roger Lamontagne lors d'une agression survenue en Colombie.

« Nous avons conseillé de ne pas aller directement à la police locale, car le rapport d'infraction coûterait de l'argent et pourrait tarder d' être émis sans compter que la procédure serait assez laborieuse, car l'équipage en question ne parlait pas l'espagnol (ce qui est souvent le cas pour les touristes).

Nous avons donc suggéré d'aller d'abord à l'ambassade canadienne et d'en être accompagné d'un représentant avant de se présenter au commissariat. La procédure suivrait donc son cours de façon plus officielle, plus efficace et moins coûteuse. »

Veillez donc, avant d'aborder un nouveau pays, à conserver à bord, les coordonnées de
l'ambassade ou du consulat qui représente votre pays, sur place. Ces informations se trouvent facilement sur Internet, en consultant les sites des Ministères des Affaires Étrangères. Cela dit, ne vous attendez pas à une réactivité punitive de la part des autorités locale. Souvent les dossiers tombent dans la trappe des oubliettes. Le Ministère du pays d'origine aura plutôt un rôle de soutien
légal et moral ou de rapatriement dans le pire des cas.

Conclusion

Le mieux est d'éviter les zones à risque et d'envisager un voyage qui reste dans les zones où l'on peut naviguer en paix et n'avoir à l'esprit que la jolie photo qu'on va tirer, la belle rencontre que l'on va faire, une partie de pêche, une randonnée le nez en l'air... Il reste assez de contrées sur cette planète, où un équipage n'aura pas besoin de chance pour vivre tranquillement.

Cependant, où que vous soyez, n'oubliez pas certaines règles de conduite :

- Partout, il faut se comporter en tant que responsable de votre sécurité, de vos biens et de votre équipage.

- Partout, le plaisancier doit être conscient que « sa visite n'est pas un droit, mais bien un privilège » (R Lamontagne).

– Partout, il doit se mettre à la place des autochtones, les respecter et être conscient de leur condition et de ce que l'étranger perturbe dans leur quotidien. En être conscient et faire en sorte d'être le plus "transparent" possible.

C'est peut-être ça, la seule parade?

Autre dossier

A lire en parallèle avec ce document: « Pirates ou cyclones? », dans le site Internet du Réseau du Capitaine, rubrique « Carnets » ou dans le site Internet de L'etoile de lune, rubrique « téléchargement ».

Dans les deux sites le document est disponible en version PDF.

Liens :
www.lereseauducapitaine.qc.ca
www.etoiledelune.net

Dossier de L'Etoile de Lune écrit par Nathalie Cathala en septembre 2010

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