Nouvelles des Navigateurs

Ce blogue a été conçu par Nycole - VE2KOU et se veut un point de rencontre
entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

lundi 11 janvier 2010

ÉTOILE DE LUNE - Nat et Dom - Canal de Panama - Histoire


Objet : Notre petite histoire intimement liée à la Grande Histoire.

Bonjour,

Nous avions rendez-vous avec Tito pour aller à Panama City. Nous avons besoin de matériel pour notre Etoile, et nous ne trouverons les pièces que dans les magasins spécialisés de la capitale.

Samedi matin, nous attendons Tito, au bout d'une demi-heure, nous l'appelons. Et il me dit :
« Mais Natalia, aujourd'hui tout est fermé, c'est fête nationale... »
« Ha bon ? Et tu ne le savais pas jeudi en nous proposant de nous accompagner ? Ils ont décrété une fête nationale dans la nuit????»
Notre Tito est un grand distrait !

Le 9 janvier, le Panama fête ses martyres tombés en 1964 pour défendre leur drapeau panaméen face au drapeau américain. Cette revendication émanait d'un ras le bol de voir trôner seul le drapeau américain sur la zone du canal.

Voyons dans l'Histoire ce qui a mené à cet épisode sanglant.

Ce n'est un secret pour personne, en 1903, les Américains lorgnant depuis plus d'un demi-siècle sur l'isthme aidèrent les Panaméens à s'émanciper de la Colombie. Dès que le nouvel état fut créé, les Américains offrirent la somme de 10 millions de dollars en échange d'une concession territoriale de 16 kilomètres de largeur le long du futur canal. Ce bout de Panama deviendrait, par décret, territoire américain à perpétuité.

Le canal connut un succès commercial immédiat et la zone devint un territoire d’intérêt stratégique considérable pour les Américains qui y établirent le quartier général du commandement méridional des États-Unis. L'enclave reçut son propre gouvernement sous le contrôle du Secrétaire américain de la guerre. Pendant plusieurs décennies les Panaméens, eux-mêmes furent interdits de séjour dans les parages du canal. Cela rendait la vie difficile aux natifs, car leur pays était littéralement découpé en deux. La balafre imposée par le canal limitait du même coup leur déplacement dans leur propre pays. Pour la défense des Américains : le canal reste la construction la plus onéreuse entamée par les Etats Unis. Et je dirais même la plus grosse dépense au monde et jamais faite pour construire quoi que ce soit sur cette planète soit 388 millions de dollars (de l'époque). A ce prix-là les Américains avaient à coeur de défendre « leur bien.»

Cependant, le poids de l'hégémonie ne favorisait pas des relations détendues entre Américains qui se comportaient en conquérants et propriétaires, et les Panaméens qui vivaient une situation extrêmement inconfortable. Les retombées économiques du canal sur le peuple panaméen étaient infimes en raison des termes du traité. En outre, le pays dépendait largement des infrastructures américaines pour la création d’emplois. Malgré plusieurs tentatives pour diversifier son économie, le Panama demeurait un pays pauvre et sous-développé.

« Les revendications politiques, sociales et économiques des Panaméens refirent fréquemment surface. Les États-Unis durent intervenir à plusieurs reprises pour protéger leurs intérêts dans la zone, ce qui contribua à exacerber davantage le ressentiment local. En 1936, 1941 et 1955, les États-Unis consentirent des modifications au traité pour redistribuer les retombées économiques du canal de Panama, mais la structure fondamentale du pouvoir demeurait la même.» (Brian SLACKE et Robert MCCALLA « Le canal de Panama à un carrefour Géopolitique, réalités commerciales et environnement »).

En 1964, le malaise éclate. Les émeutes vont trouver leur genèse dans un cafouillage administratif et juridique :

En janvier 1963, afin de mettre fin à des controverses patriotiques, le président Kennedy accepta que le drapeau panaméen flotte de conserve avec le drapeau américain tout le long du canal. Malheureusement, cette décision est suspendue pendant que des Américains la contestent devant les tribunaux. En janvier 1964, le gouverneur de la zone décrète le retrait du drapeau américain sur les sites civils, ce qui enrage les Américains qui vivent dans la zone du canal. Le 8 janvier, des élèves de l'école secondaire Balboa, encouragés par leurs parents, hissent le drapeau américain devant leur école. Le lendemain, des Panaméens répliquent en voulant hisser leur drapeau sur cette école. Une altercation éclate entre des milliers de Panaméens, informés de l'incident, et les policiers américains qui, débordés, font appel à l'armée. Les trois jours d'émeutes qui suivent font 20 morts, 500 blessés et plus de 2 millions de dollars de dommages à des propriétés américaines.

Pour expliquer au monde, les violences autour du canal, les Américains parleront d'éléments subversifs communistes, comme c'était de bon ton à cette époque.

Néanmoins, cet épisode a profondément marqué la population panaméenne, et je vous assure que la petite séniorita qui nous raconta hier soir, les événements, la douleur et la bravoure des Panaméens avait dans la voix, autre chose que de la fierté. On y sentait encore l'odeur de la colère et du ressentiment.

Finalement, Lyndon Jonhson ouvre des négociations avec le peuple panaméen. Carter en rajoute une couche dans les années 70 et les Panaméens arriveront à faire accepter aux Américains de lâcher leur suprématie en 1999.

Ce qui n'empêche que la mort des 20 jeunes panaméens marquera les mémoires à tel point que le Panama a décrété le 9 janvier fête nationale : le jour des martyrs.

Nous devrions aller à Panama City pour nos achats du bord, demain, si Samuel ne nous oublie pas. Samuel est chauffeur de taxi. Nous testerons ses services, et vous en donnerons des nouvelles. Il ne faut pas tenir rigueur à Tito, il est agent du canal, il donne de sa personne et sincèrement, il est partout à la fois pour faire passer les bateaux et résoudre tous les problèmes inhérents au canal.

A plus pour d'autres nouvelles
Nat et Dom

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