Nouvelles des Navigateurs

Ce blogue a été conçu par Nycole - VE2KOU et se veut un point de rencontre
entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

jeudi 7 février 2008

ÉTOILE DE LUNE - Nathalie et Dominique à SAN BERNARDO




Position GPS :
Latitude: 09-47.25N
Longitude: 075-51.20W

Nous sommes, depuis quelques jours,dans l'archipel de San Bernardo sur la côte caribéenne de la Colombie. Ici, nous vivons dans une atmosphère très particulière. Les pêcheurs vont et viennent en barque à rames ou munie de voiles en sacs-poubelle troués. Ils nous saluent d'un grand sourire et ils poursuivent leur route. A vrai dire, leur discrétion nous intimide. C'est la première fois que nous sommes dans un mouillage des Caraïbes et que nous voyons tant de monde qui n'a rien à nous dire ou à nous vendre... Cela nous intrigue. Petit à petit nous nous familiarisons à l'ambiance qui est faite d'observations mutuelles. Nous les regardons passer avec des bidons. Revenir avec du bois de chauffage. Repasser avec des enfants. Pêcher avec les pélicans... Ils vivent leur vie, comme si nous étions transparents. Ils nous laissent une paix royale et nous respectons leur tranquillité.

Puis, un matin, nous entendons une barque qui vient se placer le long de L'Etoile de Lune. Nous sortons d'un bond... Luis et Pedro se présentent timidement. Ils ont un problème nous disent-ils. Avec un monceau de délicatesse, ils nous demandent s'il peuvent "quérir une faveur". Bien sûr! Nous ne serions que trop heureux de les aider.

Leur batterie manque de liquide, ils veulent tout simplement de l'eau déminéralisée. Nous leur offrons une grande bouteille. Ils la saisissent comme si c'était le bien le plus précieux qu'ils aient reçu. Ici, l'eau vaut de l'or. Il n'y a que celle qui tombe du ciel. Il ne pleut plus depuis des mois. Les villageois creusent des trous dans le sable de Tintipan pour filtrer une eau saumâtre qui leur sert d'appoint. Un bateau les livre parfois, depuis Carthagène, à 40 milles d'ici, mais cette eau-là
est très chère. Luis, avant de partir nous invite à venir voir le village d'Islote. Nous lui promettons d'y aller de ce pas.

En un coup d'annexe, nous nous retrouvons aux portes d'Islote. Ilot d'un demi-hectare à peine qui s'étale tout en rondeur au ras de l'eau. Partout des maisons basses viennent jusqu'au bord de l'eau. Ils luttent contre l'érosion de la mer en bâtissant des éperons de roches qu'ils font venir par barges du continent. Partout, il n'y a que des maisons basses, seule l'école possède un étage supérieur. Les villageois n'ont-ils pas pensé à gagner vers le ciel ce que la terre ne leur a pas donné?

Problème : Où met-on l'annexe? Où débarquons-nous? Nous ne voudrions pas atterrir dans le salon d'un grand-père... Nous trouvons finalement un vivier qui retient un énorme mérou, des langoustes, des crabes, des pagres plantureux et de drôles de poissons avec de gros yeux, des nageoires comme des ailes de chauve-souris et une peau de léopard. Ca je n'en mangerais pas!

Nous accrochons l'annexe aux poteaux qui délimitent le vivier. Puis, nous tentons de nous frayer un chemin pour découvrir Islote. Très vite, nous nous sentons perdus. Si nous allons à gauche, nous tombons dans un poulailler. A droite c'est la cuisine d'une mama qui prépare le repas. Mmmm! Ca sent bon! En face de nous, il y a un salon ombragé sous un arbre. Perdus, nous sommes perdus avant même d'avoir mis le pied sur cette île lilliputienne !

Un gamin vient vers nous, pas pour nous voir, mais pour compter ses poissons. Nous le saluons, nous lui demandons si l'annexe gène à cet endroit-là. Il nous dit : "no problema"... Et il s'éclipse. Pas causeur!

Nous nous réfugions sous un arbre, il y a une myriade d'oiseaux en cage suspendus dans les branches. Un sapin de Noël, mais ce n'est pas le Noël de la liberté pour les oiseaux. Ils ne chantent pas, discrets comme les gens d'ici. Puis, le gamin réapparaît dans l'embrasure d'une porte. Il a compris notre désarroi. Il nous dit que la rue est par là. Il nous montre la porte où passer. Nous nous sentons comme des extra-terrestres fraîchement débarqués sur Terre... Nous passons derrière le fauteuil d'un vieux monsieur et nous trouvons effectivement une ruelle mince, si mince! Il y a des coins et des recoins partout. L'îlôt est un labyrinthe de portes, de fenêtre, de murs et de cordes à linge. Bien malin celui qui parvient à faire cent pas sans rentrer chez quelqu'un! Férus de cyclisme ou de course à pied s'abstenir...

Au centre de l'île, une croix, un chien, des poules et des enfants nus jouent au soleil. Derrière eux se dresse le bâtiment le plus grand de l'île, une école rose, qui est fermée aujourd'hui. Devant l'école, deux femmes les bras chargés d'enfants discutent, nous leur demandons si nous pouvons prendre des photos, elles nous répondent avec un respect et une discrétion impressionnante.

Nous apprenons que le village compte 1200 personnes dont 600 enfants, tous répartis dans 90 maisons. Nous comprenons pourquoi les pêcheurs ne vendent pas leur poisson, il est destiné à la consommation locale... Quand on leur demande pourquoi ils ont choisi de s'agglutiner sur ce petit lopin de terre plutôt que de vivre sur la grande île de Tintipan. Ils nous répondent qu'ici, c'est tranquille et que les ancêtres ont fui Tintipan car l'île est considérée comme la mère des moustiques. Pas de moustiques donc, mais pas d'eau courante non plus. Peu importe, les Islotiens ont de la suite dans les idées, ils peignent sur les murs les fleurs qu'ils ne pourront jamais faire pousser. Pour l'énergie, des génératrices exténuées et en perpétuelles réparations sont à l'oeuvre 24 heures sur 24. Elles sont alimentées au gaz qui est moins cher en Colombie que "la gazoline". On comprend dès lors pourquoi il y a si peu de moteurs hors-bord! Dans le village la technologie est réduite aux groupes électrogènes, aux radios qui égrainent des chansons d'amour à longueur de journée, à quelques télévisions. Il n'y a pas ici le moindre téléphone ni fixe, ni portable. Pas d'ordinateur, pas d'Internet. Qu'en feraient-ils, ils sont tous là, réunis dans l'île comme une famille unie. Pour se joindre, il suffit de frapper à la porte toujours si proche.

Pour l'éducation des enfants, quatre enseignants se partagent le travail dans une école trop petite pour accueillir tout le monde. Les plus riches envoient leurs enfants sur le continent en pensionnat. Les murs servent d'éducation civique, nous trouvons des pancartes partout, invitant les villageois à prendre soin de la mer qui les nourrit, à considérer leur île comme la maison de tous...

Pour les courses, le village s'organise et quelques habitants partent 3 fois par semaine en lanchas vers le continent pour approvisionner tout le monde. La ville de Tolu est à 25 milles d'ici, ils parcourent cette distance en 45 minutes quand la "brise" souffle, et si les conditions sont bonnes, il arrive que le temps se raccourcisse à 30 minutes.

Les Islotiens vivent de la pêche. Mais pas seulement, des lanchas amènent chaque jour des touristes en provenance de Tolu et plus rarement de Carthagène car le trajet dure deux heures. Ils viennent passer la journée sur une plage de sable blanc de l'île de Mucura. Les Islotiens, installent des étals où ils vendent un artisanat plus ou moins "local" : colliers, chapeaux, hamacs... Ils préparent aussi de délicieux crabes au BBQ. Chaque jour les touristes représentent une manne pour la population. En plus de ces petits métiers, les Islotiens sont employés comme gardiens dans les demeures de riches colombiens qui s'éparpillent dans le reste de l'archipel. Sur Mucura, il y a un hôtel si fondu dans la nature qu'il a fallu qu'un habitant nous en parle pour qu'on l'aperçoive, là travaillent une centaine de villageois.

Avec les explications des uns et des autres nous comprenons mieux l'atmosphère qui règne à San Bernardo. C'est gens se sont formidablement bien débrouillés. Ils sont autonomes. Ils n'attendent rien de personne et coulent une vie paisible dans un archipel si plein d'une beauté simple qu'il suffit à remplir toute une vie...

Dans les prochains jours, nous vous raconterons l'île de Mucura.
A quelques encablures d'Islote, un autre monde tout aussi suprenant nous a ouvert ses portes.

A suivre...
Amitiés marines
Nat et Dom de l'étoile de lune

Aucun commentaire: