Nouvelles des Navigateurs

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entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

mardi 29 juin 2010

ETOILE DE LUNE - Nat et Dom - aux Marquises














A l'occasion de la fête de la musique, deux groupes de danse de Hiva Oa se sont produits sur la place du village de Atuona. Il n'y avait dans cette représentation aucune volonté touristique. Les danseurs ont répété durant deux semaines pour offrir un spectacle gratuit à leurs voisins, cousins, nièces... Bref, à la grande famille de Hiva Oa, car ici comme dans toutes les îles des Marquises, tout le monde est parent. Dans une ambiance bonne enfant, nous nous sommes mêlés aux habitants. Nous les avons suivis, au rythme des tambours. Nous avons ri avec eux, partagé l'émotion d'une musique forte qui remue le fond de l'âme. Incroyable rythme des tambours qui tutoie les étoiles et va chatouiller les oreilles des anciens Dieux maohis.

Toutes les danses des Marquises racontent une histoire. Les noms des groupes sont évocateurs. Le premier groupe se nommait « Temehoa », un vieux monsieur tenta de m'expliquer ce terme qui ne trouve pas d'équivalent dans la langue française. Il me disait que le « temehoa» correspond au moment où l'enfant qui est né dans le fond de sa vallée en sort. Lorsqu'il s'émancipe de son berceau, il part à la découverte des vastes étendues de son île. Il y rencontre des paysages rudes, et là, il prend sa leçon de vie. Toute cette notion se retrouve dans ce simple mot de « Temehoa» !

Le second groupe se nomme Hoata. Là, nous trouvons une traduction simple qui est « l'aube». Mais on parle aussi du petit matin de la troisième lune. Et là, encore, l'horizon des mots de notre langue n'est pas assez vaste pour y ranger toutes les notions marquisiennes. Si les mots sont des poèmes, la danse est là, elle aussi, pour nous relater les légendes qui se transmettent de père en fils depuis plus de 2000 ans

Les chants qui accompagnent les chorégraphies si gracieuses vont puiser leur inspiration dans les légendes.
Saviez-vous que c'est ici, aux Marquises que le plus ancien fossile de présence humaine a été trouvé en Océanie?
Deux mille deux cents ans nous séparent du premier homme qui est venu s'installer ici, sur Fenua Enata, la Terre des Hommes.

Dans ce décor, très particulier, fait de roches inquiétantes, de teintes peu rassurantes, l'homme s'est accroché à son imaginaire. Pour lui tenir compagnie, il a créé des Dieux. Les premiers habitants ont imaginé que les Dieux, vivaient sur l'océan, suspendus au milieu de nulle part, sans maison pour s'abriter des intempéries. Au fond de la nuit originelle, Atea, la femme du Dieu Atanua (ou Ataua) se plaignit de ne pas avoir de toit pour vivre. Désireux de combler son épouse, le Dieu Atanua par ses forces divines planta deux piliers au coeur de l'océan. Il les nomma Ua Pou et Hiva Oa... Ils furent les bases de son futur logement et c'est ainsi que naquirent les Marquises.

Hier soir, au son des tambours, nous avons eu droit à la légende récitée et imagée par les danseurs de Temehoa. Une pure merveille!

Ensuite, les danseurs de Hoata, nous ont donné une représentation de Haka. J'avoue qu'avant même de venir aux Marquises mon rêve était de voir ce type de danse. Les tambours résonnent avec violence. Les danseurs vêtus de simples « auti» (feuilles) s'imposent au sein du public par des cris de cochons sauvages. Des sons rauques sortent du fin fond de leurs tripes et rivalisent avec les tambours. Aucune vahiné, que des gros bras tatoués. Le groupe, par vagues successives, se jette sur le public en hurlant telle une meute. Les assauts sont entrecoupés de chorégraphies viriles, où, séries de pompes alternent avec des démonstrations de muscles bandés.

Vous le devinez, tout ce spectacle tribal est impressionnant. Et pour cause, la danse du Haka fait partie des rites ancestraux marquisiens. Cette danse guerrière était utilisée pour impressionner l'adversaire lors de conflits entre les différentes vallées.

Toutes les danses durent maximum une vingtaine de minutes. En général moins, car la chorégraphie est extrêmement physique et les chants mettent à rude épreuve les cordes vocales des participants.

Les costumes sont faits de tissus, de tapas, de burau, de riria, d'auti et de couronnes de fleurs ou le tiaré tient une place prépondérante. Je vous mets deux photos qui vous situeront mieux à quoi correspondent ces termes qui pourraient vous paraître, un tantinet rébarbatifs.
Le tapa :
Vous connaissez déjà le tapa, je vous en ai parlé dans une rubrique qui lui était spécialement dédiée... Mais, si, vous vous en souvenez! C'est une écorce d'arbre battue pour obtenir une étoffe plus ou moins souple!
Le burau :
Cet arbre est nommé catalpa dans la mer des Caraïbes. Lorsque l'arbre est jeune et forme des troncs de quelques centimètres de diamètres, il est coupé, son écorce est divisée en lamelles fines dont les vahinés se font des longues jupes.
Le riria :
C' est une feuille orange dont les vahinés se font des ceintures.
L'auti est une feuille souple et longue qui constitue les costumes des danseurs de Haka.
Le tiaré:
Tout le monde connaît cette fleur blanche qui honore l'oreille des vahinés.

Les danses, comme tout l'art ancestral marquisien, ont été interdites par les missionnaires du dix-neuvième siècle. Enfreignant les « tapu» (tabou), les Marquisiens ont perpétué l'art du pahu (tambour) dans le secret. Grâce à cette clandestinité, les coutumes traditionnelles ont été préservées. Elles furent également sauvées par monseigneur Le Cleac'h, évêque des Marquises de 1970 à 1986. Il autorisa la musique maohie dans les chants liturgiques.

Aujourd'hui, les coutumes reprennent le dessus. Afin de combler les lacunes engendrées par les interdictions, les Marquisiens sont allés piocher des informations dans les documents descriptifs des premiers navigateurs européens venus dans l'archipel. Ces recherches ont mené à de beaux résultats. Mais lorsque nous sommes au coeur d'une manifestation, comme celle d'hier, on ne peut s'empêcher de penser que la recherche dans les livres n'est pas seule responsable d'une telle réussite. La mémoire de leur peuple est gravée dans leurs veines. Leurs gestes, leur facilité à exprimer cet art qui leur appartient n'est pas qu'une résurrection. Leur talent jaillit seul. Tout cela est ancré en eux, et il suffisait de retrouver les voies de la liberté pour que tout ressurgisse.

Je vous reparlerai très certainement de la danse et de la musique aux Marquises. C'est l'un des aspects les plus fascinants de leur art, avec la sculpture et l'art du tatouage.

A plus, pour d'autres nouvelles des Marquises
Nat et Dom
www.etoiledelune.net

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