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Récit 248 - Les Bermudes
Les
Bermudes c'est un endroit presqu'obligé pour les navigateurs. Bien que la
navigation y soit peu attrayante en raison du récif entourant l'archipel; chaque
année plus de 1000 yachts s'y arrêtent pour se reposer, se réapprovisionner ou
simplement attendre que le mauvais temps passe, comme ce fut notre cas. Entre
avril et juin, ce sont des bateaux en provenance des Caraïbes qui naviguent
vers l'Europe ou les Etats-Unis. Puis, plus tard à l'automne, les bateaux qui y
passent sont des bateaux qui proviennent des Etats-Unis ou du Canada et qui
descendent vers les Caraïbes.
Les Bermudes c'est un archipel de plus de 150 îles et ilets qui fut d'abord
découvert par un capitaine espagnol, Juan de Bermúdez en 1505. Les Espagnols
n'ont jamais pu cependant, s'approprier le territoire, car ils n'ont jamais osé
franchir le récif entourant l'île et n'ont ainsi, jamais 'officiellement' mis
pied sur l'île. Les Bermudes ont été rendus célèbres en 1609, lorsqu'un bateau
( le Sea Venture) de la 'Virginia Company' installée en Virginie et Jamestown
(USA), s'était échoué sur le récif après avoir été séparé du reste de la
flotille lors d'un ouragan. Heureusement tout l'équipage (150 personnes) avait
réussi à se rendre sur l'île sain et sauf pour s'y établir et rebâtir deux
bateaux qui rejoindraient leur établissement de Jamestown, à peine 10 mois plus
tard. Les Bermudes sont aujourd'hui, un territoire outremer britannique et non
un pays indépendant, dont la capitale est maintenant Hamilton (la première
ayant été St-George en 1612).
C'est à St-George que se font les procédures d'entrée et c'est là que nous
nous trouvions au mouillage car il semble que tous les navigateurs tombent sous
le charme de l'endroit (classé World Heritage site) et s'y installent pour la
durée de leur séjour aux Bermudes. C'est vraiment charmant comme paysage, le
cachet y est unique et authentique.
Ce sont de jolies maisonnettes colorées au style britannique, toutes de pierre
construites avec de petits jardins anglais. Toutes
les maisons sont bâties de pierre locale (Bermuda Rock), le tout plâtré et
peinturé de couleurs vives. Elles sont toutes sur le même modèle, coiffées de
toits blanchis à la chaux avec une petite rigole pour récupérer l'eau de pluie
qui est emmagasinée dans des réservoirs sous les maisons. Les Bermudiens ne
semblent pas manquer d'eau car, quand il pleut... il pleut mes amis!!!
C'est
hyper joli et d'une propreté impeccable, de plus les habitants sont extrêmement
aimables et accueillants. Dommage par contre, que le coût de la vie y soit si
faramineux.
La population des Bermudes, se chiffrait à 64 237 habitants en 2010 et est
ainsi répartie: 54%
noirs, 31% blancs, 8% multiracial, 4% asiatique, et 4% d'autres races.
Culturellement parlant, l'influence est principalement britannique mais aussi
Afro-Caribienne. Une danse locale (que nous avons eu la chance
de voir) et appelée 'Gombey dance', illustre d'ailleurs très bien ce mélange
culturel: africain-caribien, natif américain et britannique.
L'anglais
est la langue officielle parlée ici, mais une très petite portion de l'île (10%)
parle aussi le portugais, dû à 160 ans d'immigration portugaise en provenance
des Açores, des Madères et du Cap-Vert. La devise pour sa part, est passée de la
livre 'pound' bermudienne au dollar bermudien en 1970 et se trouve au pair avec
le dollar américain qui est tout autant utilisé et accepté sur
l'île.
L'économie
locale repose sur deux activités, les assurances et le tourisme. Les plus
grandes firmes d'assurances internationales y opèrent (sûrement pour cause
d'exemptions de taxes corporatives). Le tourisme, pour sa part, est la deuxième
plus grande industrie des Bermudes. En effet, cette île attire chaque année,
plus d'un demi-million de visiteurs, la majority (80 %) en provenance des
Etats-Unis, mais aussi du Canada et du Royaume-Uni.
Le climat sous-tropical offre une végétation magnifique. Il y avait
autrefois sur cette île, une espèce de cèdre endémique, dont le diamètre du
tronc atteignait des tailles records. De quoi fournir un important chantier
maritime, jusqu'à ce qu'un insecte ou parasite décime ou rase tristement la
totalité de cette espèce d'arbres. Des efforts ont été mis à semer et replanter
mais la croissance de ces arbres est si lente qu'il en prendra plusieurs
centaines d'années avant que les arbres arrivent à maturité, surtout que le
parasite est toujours présent sur l'île et difficilement éradiquable.
Au
cours de notre passage au Bermudes, notre but premier était de faire un 'blitz'
école, mais aussi de la maintenance sur le bateau, choses que nous avons faites
religieusement à tous les jours. J'ai même refait mes vernis de mains courantes
et table de cockpit (ça brille comme un sou neuf)! Nous avons su joindre l'utile
à l'agréable en visitant St-George à l'aide d'une visite guidée, mais aussi
grâce à un après-midi géo-cache qui nous a fait marcher la ville dans ses
moindres racoins. Une autre journée fut passée à Royal Naval Dockyard,
l'attraction principale de l'île, puisque c'est là que s'arrêtent les bateaux de
croisière. Nous n'avons pas manqué d'aller essayer leur tout nouveau mini-golf,
le plus chic et 'glamour' au monde avec ses tapis rouges. C'est là que se
tiendra d'ailleurs le championnat mondial de mini-golf cette année. Finalement,
nous avons aussi passé un samedi à Hamilton (la capitale). Nos déplacements se
faisaient en autobus ou ferry car, ici les touristes ne sont pas autorisés à
faire la location de voiture. Dorénavant ils ne louent que des 'scooters',
apparemment à cause d'un nombre d'accidents trop élevé dû au fait que la
conduite sur les routes se fait à gauche. Nous avons investi, également,
beaucoup de temps dans la recherche d'emploi et applications diverses, sans
grand succès, mais bon, sait-on jamais. Le capitaine a aussi pris le taureau
par les cornes et mis le bateau en vente sur différents sites. Ça sent
dangereusement la fin.
Après
un séjour de presque deux semaines aux Bermudes, le temps était venu de lever
l'ancre avant de s'enraciner définitivement. Nous sommes finalement partis le 7
juin, un vendredi... un vrai navigateur ne part jamais un vendredi! Mais il le
fallait, afin de se faufiler entre la tempête tropicale Andrea et une autre
dépression qui se développait tout de suite derrière. Il n'y aura pas une
seconde à perdre et il faudra pousser fort pour arriver à Halifax avant que les
vents de 44 noeuds et les vagues de 5m et plus ne se lèvent.
Le deuxième jour de notre navigation, les vents forcissent, on ressent les
effets d'Andrea. Heureusement que nous avons attendu avant de partir, parce
qu'à voir comment on se fait brasser dans le sillage de la tempête, on préfère
se voir dans la queue qu'en plein coeur de ce système. On essuie des vents qui
montent parfois jusqu'à 35 noeuds mais comme ils proviennent de l'arrière, c'est
gérable. Comme il n'y a rien à l'épreuve de nos pêcheurs, les lignes sont à
l'eau. Résultat... Deux
dorades (mahi-mahi) une le matin de 10 kg ( 1 m 10) et comme si ce n'était pas
assez, une autre en PM, cette fois de 25kg (1m55), soit deux centimètres plus
petite que moi. Il n'y a que Cat Mousses pour pêcher dans de pareils temps.
Devinez ce que j'ai fait de ma soirée. J'ai apprêté du poisson
jusqu'à 23
h30.
Des cannages de poisson préalablement bouilli, des cannages de brandade (une
tartinade de poisson) et le capitaine nous a préparé un ceviche et a mis deux
énormes filets à sécher (reste à voir si ça séchera avec ce temps froid et
humide). Franchement, en terme de texture, le thon arrive vraiment deuxième
après la dorade. Le thon est beaucoup plus sec, il faut vraiment prendre garde
de ne pas trop le cuire. Des 'fish&chips' de dorade avec sauce tartare
maison pour dîner, c'est à mourir ... 'to die for'! C'était fort probablement
nos dernières dorades car une fois le 40e parallèle franchi, les eaux sont trop
froides pour la dorade.
Ce
matin du troisième jour, deux beaux cachalots se rapprochent à moins de 50m du
bateau. Magnifique! Aujourd'hui,
mis à part les classes du matin et de l'après-midi, nous décrétons que c'est
journée officielle de douche parce qu'une fois le 'Gulf Stream' passé, la
température de l'eau chutera drastiquement pour passer du 19-20 degrés actuel à
10-11 degrés. Je sens que cette douche en plein air sera aussi notre dernière
et qu'on courera dorénavant les douches de marina. En
PM Nicolas attrape un petit thon mais on décide de lui laisser la vie sauve et
de le remettre à l'eau.
Ça
commence à sentir la Canada, plus que 240 miles nautiques avant Halifax! Nos
élèves travaillent fort, Thomas est même devenu tuteur pour Antoine. Il fait un
excellent professeur, il est patient et surtout très original dans son approche
et ses explications. Je ne sais pas qu'elle mouche l'a piqué aujourd'hui, il
nous a cuisiné un gateau aux bananes cet PM. Disons que ce n'est pas Thomas qui
use le plus mon tablier de cuisine, il préfère endosser le rôle de goûteur mais
toujours est-il que son gâteau aux bananes était tellement bon que tous se sont
entendus pour dire que c'était le meilleur gâteau aux bananes que nous ayons
jamais mangé et je ne blague pas. Le problème c'est qu'il refuse de me
divulguer sa recette secrète, je ne pourrai donc pas répéter cet
exploit.
Avant
dernière journée de navigation, au réveil nous constatons que le capitaine n'a
pas menti, il fait un froid de canard, il pleut et il y a du brouillard.
Branle-bas de combat général sur Cat Mousses, où sont les bottes, tuques,
mitaines, foulards, polaires, manteaux et caleçons longs!!! Ce sera un peu
comme une journée pyjama à jouer à des jeux, lire et écouter des films tous
emmitouflés et collés ensemble; une fois les classes du matin et PM complétées
(bien sûr). C'est fou mais c'est comme une journée de fête sur Cat Mousses.
Depuis le temps que les enfants rêvaient d'avoir froid! Ils sont servis
aujourd'hui. Il fait tellement froid que nos pêcheurs n'ont même pas osé mettre
une ligne à l'eau, de peur j'imagine, d'avoir à arranger le poisson si jamais ça
mordait.
On
avait oublié cette température misérable de notre première traversée il y a 5
ans. Quand je pense qu'il fallait barrer jour et nuit, 24 heures sur 24, à la
merci des éléments, sous les embruns, le froid et les douches continuelles de la
mer qui se déchaînait. Une chance que Pierre et Anne étaient avec nous, on
n'aurait pas survécu sans eux et qui sait, nous aurions peut-être eu envie
d'avorter ce voyage. Ça n'augurait rien de bon, rien de tout ce que nous avions
rêvé du moins. Encore heureux que nous ayons persévéré dans notre aventure car
une fois aux Açores, nous avons vite oublié ces désagréments qui étaient
dorénavant chose du passé.
J'ai
du mal à croire qu'hier encore, je me faisais bronzer sur le pont, alors
qu'aujourd'hui nous sommes emmitouflés de la tête aux pieds; drastique comme
changement! Nous serons passés par toutes les conditions possibles au cours de
cette traversée. De la pétole aux vents de plus de 30 noeuds, tantôt sous le
soleil, tantôt sous la pluie, avec des vents tournant constamment. Heureusement
que nous sommes amarinés et que le mal de mer est derrière moi, car cette nuit,
je me verrais très mal assise dehors sous le froid, le brouillard et la pluie,
à monter la garde. Vive les instruments de navigation (radar et AIS). De
toute façon, on n'y voit rien dehors cette nuit tant le brouillard est
épais. Si
la tendance se maintient, nous devrions atteindre Halifax pour 14h00 le 12 juin.
Yé!!!
Finalement
nous sommes arrivés à Halifax en début de PM. Wow! Quel bonheur! Mission
accomplie, nous sommes pratiquement de retour au point de départ. Nous étions
émerveillés comme des enfants... par les paysages, les maisons, les senteurs...
On a hâte de vous revoir chers parents et amis!
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