Nouvelles des Navigateurs

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entre les navigateurs, familles et amis du Réseau du Capitaine et de la CONAM.

mardi 15 septembre 2009

CAT MOUSSES - René et la famille à SUWARROW - Récit

Suwarrow 13 sept 09
Suwarrow, dans les îles Cook du Pacifique

Suwarrow (prononcé Suvarov) est un atoll des îles Cook situé à 950 kilomètres au Nord de Rarotonga. Sa superficie est de moins de 1 km², son lagon a un diamètre total de moins de 15 par 12 kilomètres. Il n'existe pas pour Suwarrow de tradition polynésienne proprement dite. Cette destination considérée de rêve pour son aspect isolé a été apprivoisée par deux écrivains célèbres : l'Américain Robert Dean Frisbee avant la deuxième guerre mondiale puis le Kiwi Tom Neale par la suite.

Ainsi, en octobre 1952, ce Néo-Zélandais du nom de Tom Neale, sorte de Robinson Crusoé volontaire, décida d'y vivre en ermite. Il y fit en tout trois séjours, d'octobre 1952 à juin 1954, puis d'avril 1960 à décembre 1963, avant d'y retourner de 1969 jusqu'à peu avant son décès survenu le 27 novembre 1977 à Rarotonga. De ses deux premiers séjours, il publia un récit autobiographique paru en 1966 et intitulé "An Island to Oneself " ("Une île pour soi"). Sa pierre tombale est toujours bien présente à l'entrée de l'île, nous nous y sommes bien sûr arrêtés pour une photo en règle. Il fut, semble-t-il, un des pionniers à bâtir le célèbre quai de pierre de cet ancrage. Mais à son plus grand désespoir, ce quai se trouva balayé dès la première saison des ouragans qui suivit, et depuis, il doit être restauré pratiquement chaque année avec le corail sur place.

Je dois dire, en toute honnêteté, que nous avons été légèrement déçus par cet endroit. Et en y repensant bien, je crois que si nous avons été déçus c'est que nous avions des attentes spécifiques, probablement basées sur la vidéo faite par la famille du voilier québécois Balthazar, qui y est passée, il y a de cela quelques années. L'endroit semblait si exotique et accueillant, les langoustes y abondaient, et les gardiens de l'île organisaient des festins de langoustes sur la plage. De quoi faire rêver, nous qui courons les langoustes sans grand succès depuis des mois déjà.

Dès notre arrivée sur l'île, la première chose que l'on voit c'est une énorme pancarte listant une multitude de règlements et des menaces d'amendes pour les contrevenants. Bon des règlements il en faut bien sûr, question de préserver la fragilité très précaire de l'environnement, du corail et de la faune aquatique, nous sommes bien d'accord.

Par la suite on fait la rencontre de la famille qui habite l'île, soit Véronica, John et leur quatre fils, âgés de 14 ans, 12 ans et des jumeaux de 8 ans. Ces derniers sont les administrateurs de l'île. Ils y vivent huit mois par année et quittent durant les mois de décembre à mars pour éviter la saison cyclonique.

On paye notre 50$ de ce parc national des Iles Cook et on fait nos formalités d'entrée. Nous étions le 98e bateau de plaisance à entrer dans le lagon cette année. Il y a belle lurette qu'on n'a pas payé pour nous arrêter sur une île mais ce n'est pas une surprise, on l'avait lu dans le guide.

Au cours de cette rencontre on nous fait relire les règlements et signer la feuille, on nous dit que l'administration a changé et que ce n'est plus papa John le gardien de l'île. On nous répète que comme administrateurs de l'île, il n'est pas dans leur énoncé de fonctions de nous divertir et nous emmener pêcher, on n'a pas le droit de mettre le pied sur les petites motus environnants de l'atoll, la pêche est plus ou moins permise. bla bla bla.

Bon je m'arrête ici car je dirais que notre impression un peu négative n'est pas nécessairement généralisée, ni partagée par la majorité de la dizaine de bateaux qu'il y avait au mouillage lors de notre visite. On avait juste des attentes personnelles un peu trop élevées et on s'attendait à un petit paradis qui s'est révélé un endroit où plusieurs avertissements ont été faits sur la radio et où nous nous sentions surveillés pour tout.

Il faut dire que nous avons été très choyés durant les 3 derniers mois tout au long de notre visite de la Polynésie française. Nous pouvions arrêter là où on voulait et n'avions aucun frais à payer (si on ne compte pas l'agent de Tahiti) pour naviguer dans des endroits absolument fantastiques (Gambier, Marquises, Tuamotu et les Iles de la Société). Alors vous comprendrez notre choc en arrivant ici dans ce parc réglementé un peu à outrance. J'imagine que notre coeur était encore en Polynésie et c'est ici que nous avons dû en faire notre deuil.

Un après-midi, comme on n'avait pas vraiment envie de demander la charité au gardien de l'île et de le déranger pour qu'ils nous emmènent plonger, nous sommes partis seuls avec Alexandre IV et Wasabi pour faire du snorkeling. Ca ne faisait pas 10 minutes qu'on nageait que les gardiens de l'île sont arrivés en trombe avec leur chaloupe pour nous questionner à savoir ce que nous faisions et nous répéter qu'il est formellement interdit de mettre le pied sur les petites îles environnantes. Ben non on n'ira pas sur vos îles!!

Mais tout de même, Jacques a pêché un petit mérou malabar, quels braconniers nous sommes! Ce soir-là on n'avait peut-être pas de langouste mais on s'est quand même fait un bon pot luck juste pour Alexandre IV, Wasabi et nous sur Cat Mousses. Isabelle avait apporté sa guitare pour l'occasion, nous avons chanté et eu bien du plaisir. Nous avons sacrifié trois membres de notre équipage pour ce souper, soit Craby, Johnny et Tony qui ont laissé derrière un seul de leur confrère, soit notre dernier crabe de cocotier, celui dénommé Peter. Les trois défunts ont fini en 'crab chowder' et en délicieux 'crab cakes' servis en apéro lors de notre souper.

J'ai longuement hésité avant de donner notre impression un peu négative de cette escale car au fond, je sais que la majorité des autres bateaux du mouillage ont semblé adorer. Ils ont eu de nombreux 'potlucks' sur la plage et y ont passé de bons moments. J'imagine qu'ont n'est juste pas passés au bon moment. Je n'enlève rien à la gentillesse des gardiens de l'île qui partagent les fruits de leur pêche aux bateaux du mouillage quand ils en ont l'occasion. Un matin par exemple, comme ils n'ont pas de réfrigération, ils sont passés distribuer des pièces restantes de deux thons jaunes pêchés la veille.

Si on se fie à l'expérience de Lucey Blue qui est passé à Suwarrow, cet arrêt fut inoubliable pour eux. Ils ont été enchantés et ne jurent que par Véronica et John. A ce sujet, une des raisons pour lesquelles nous avons insisté pour nous arrêter à Suwarrow était le fait qu'Amanda de Lucey Blue avait préparé pour Catherine une chasse aux trésors sur l'île.

Elle avait laissé une enveloppe aux gardiens de l'île à notre attention, contenant une carte (style pirate). Les enfants ont eu tôt fait de récupérer la carte pour nous guider sur l'île vers le trésor caché, un petit pot de bonbons à la menthe. Une bien bonne idée d'Amanda! Quelle belle façon de visiter une île. A notre départ, nous avons remis quelques vivres à Véronica et John en guise de remerciements avant de quitter mais pour tout dire, on n'avait pas vraiment de regrets de quitter l'endroit. D'autant plus que les vagues s'étaient mises à nous brasser de façon très inconfortable dans le mouillage depuis la veille. Bref, nous étions mûrs pour partir. Ho well chacun ses goûts!

Pour terminer, à titre historique pour les mordus d'histoire : L'île fut découverte en octobre 1813 par le Capitaine Mikhail Lazarev, commandant du navire russe le Suvorov qui naviguait de Kronstadt en direction de l'Alaska, alors territoire russe. Il baptisa l'atoll du nom de son navire, nom que reprirent plus tard les autorités néo-zélandaises sous l'orthographe, Suwarrow.

En 1848, un baleinier américain le "Gem" s'échoua sur les récifs de l'île. Le capitaine et son équipage durent abandonner le navire et rejoindre en chaloupe les Samoa avant de rentrer à Tahiti. C'est de Tahiti que le "Caroline Hort" appartenant à la compagnie baleinière des Frères Hort partit pour Suwarrow afin de récupérer l'huile restée dans les cales du navire échoué. Lors de ce passage, le subrécargue de l'expédition, un certain Lavington Evans déterra un coffre contenant 15000 dollars en pièces d'or. Quelques années plus tard en 1876, un Néo-Zélandais du nom de Henry Mair déclara à son tour y avoir découvert dans un nid de tortue, des pièces d'argent si bien que l'atoll acquit bientôt la réputation d'être une "île au trésor".

En 1860, un Anglais du nom de Tom Charlton et six insulaires de Rakahanga ainsi que des femmes des Tuamotu s'installèrent sur l'île. Durant leur séjour, le navire le "Dart" y fit également escale. Son capitaine Samuel S. Sustenance, y débarqua une trentaine de personnes de Penrhyn et un Européen, Jospeh Bird, afin d'y récolter des perles de nacre. Quelques semaines plus tard le "Tickler" du Capitaine Thomas F. Martin passa à son tour à Suwarrow y laissant un certain Jules Tirel. Très vite des troubles éclatèrent avec les Penrhyn qui tuèrent les trois Européens à savoir, Charlton, Bird et Tirel.

Le navire suivant à visiter l'atoll fut celui du Capitaine H.B. Sterndale en 1867 au nom de la Pacific Trading Co afin là encore d'y récolter des perles de nacre. Il y retourna en 1874 cette fois-ci pour la firme néo-zélandaise Henderson et MacFarlane. Lors de ce second séjour, il découvrit sur l'un des motu des murets de corail, des squelettes, un mousquet espagnol, ce qui laisse supposer que Suwarrow fut visité par des galions espagnols sans doute dès le XVIè siécle.


L'île fut annexée au nom de l'Amirauté britannique le 22 avril 1889, lors du passage du HMS Rapid du Capitaine W. McF. Castle. Néanmoins en octobre 1900, Suwarrow fut inclus au reste du Protectorat des îles Cook puis annexé l'année suivante à la Nouvelle-Zélande. La population s'élevait à l'époque à 30 personnes. Les autorités coloniales louèrent l'atoll à diverses compagnies, celle des Frères Lever en 1903 puis à l'A.B. Donald Ltd en 1923 avant que celui-ci soit peu à peu déserté de ses habitants et abandonné à lui-même.

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