Une nuit de plaisirs 14 sept 09
En route pour Niue, Pacifique sud
Après notre départ de Suwarrow, nous avions l'intention de nous rendre à Palmerston, cet endroit qui figure sur notre itinéraire depuis belle lurette. On en dit beaucoup de bien et apparemment que les familles là-bas se battent pour adopter les voiliers arrivants.
On aurait beaucoup aimé y aller mais les vents ne soufflaient pas dans la bonne direction et il aurait fallu attendre trop longtemps à Suwarrow pour obtenir une bonne fenêtre météo. Nous avons donc rayé Palmerston de notre liste pour viser Beveridge Reef, un endroit désert et inhabité au milieu de l'océan, l'ancrage le plus isolé d'Océanie, regorgeant supposément de langoustes. Le paradis sur terre quoi! Enfin un endroit où il n'y aurait pas déjà 10 bateaux au mouillage.
Mais mère nature ne voyait pas les choses de cet oeil et les vents de 18 noeuds qu'on nous annonçait étaient plutôt de 25 à 30 noeuds et nous avons passé une nuit d'enfer sur la mer qui nous a fait changer notre cap au petit matin. 'So be it. ce ne serait pas Beveridge Reef mais plutôt Niue. Il faut être flexible!
Pourquoi on a changé de cap? Laissez-moi vous raconter. au risque de sonner un peu pessimiste mais bon tout n'est pas toujours tout rose. des heures de plaisir comme dirait ma bonne amie Karine Chayer. Cette nuit de plaisirs restera sans doute longtemps gravée dans notre mémoire.
Nous avons donc quitté Suwarrow vers 09h30 AM, la mer était très agitée et nos estomacs un peu barbouillés. J'ai passé la majeure partie de ma journée à l'horizontale. En fin de PM, René m'appelle, un des trampolines menace de tomber à la mer, l'élastique qui le tient par un savant tressage a cédé. Belle opération que d'aller sécuriser ce trampoline sous les vagues qui explosent et menacent de nous avaler par le trou béant laissé par le trampoline! Puis ce qui restait de la glissière servant à insérer le 'bumper' de caoutchouc côté babord arrache et pend dans la mer. Une autre opération d'urgence!
On prend ensuite un troisième ris dans la grand voile et ce faisant, sous la force des vagues, je perds pied et je passe à un doigt de tomber du toit. Je me rattrape de justesse en agrippant la bôme de mes deux bras. J'étais bien sûr attachée avec mon harnais de sécurité mais quand même, je serais restée pendue dans le vide, pas une bonne idée! Puis on tente d'avaler une bouchée pour souper et René part se coucher un peu jusqu'à 22h30, puis moi jusqu'à 01h15 AM. Je suis sortie de mon sommeil par René qui me crie. J'accoure. nous sommes en train de perdre l'annexe! Une des cordes qui la tient sur les crochets du 'davvit' a cassé et l'annexe (dinghy) pend dangereusement dans le vide. Avec un savant mélange de 'straps' et de cordes, (bref d'amanchures de broche à foin), le capt récupère tant bien que mal l'annexe.
Puis, moi, Dany Giguère, l'invincible 'wonder woman'.. Après 13 ans de navigation. je suis malade. Le mal de mer a raison de moi et je vomis. Quelle honte, évidemment les enfants rigoleront bien en entendant cette histoire le lendemain! Et les avaries se poursuivent, le pilote automatique n'arrête pas de lâcher, le trampoline retombe à l'eau de nouveau laissant des cordages traîner à l'eau nous empêchant de partir le seul moteur maintenant utilisable pour reprendre notre cap. Les vagues n'arrêtent pas de venir se fracasser sur le pont et dans le cockpit. Une vague venue s'écraser dans la toile du bimini côté babord fait céder quatre des ancrages dans le haut de la toile. L'eau s'infiltre de partout dans le bateau, certains hatchs ne sont pas assez étanches malgré nos récentes réparations ce qui a pour effet de tremper les lits et matelas d'eau salée. On est trempés, je ne ma badre même plus de me changer, je ne porte plus qu'une culotte et mon manteau de pluie.
Le pilote ne tient pas, les avaries se succèdent, le capt décide donc de rester debout jusqu'au petit matin. Je m'étends sur un de nos matelas bleus dans le cockpit, munie de mon imper, ma veste de sauvetage et mon harnais, enroulée dans le taud (couvert de grand voile) déjà trempé. Je reçois plusieurs douches d'eau salée, les plantes aussi, elles virent parfois sur le côté avec le rebondissement des vagues, le bonheur quoi!
Au petit matin, le soleil risque un oeil, ouf serait-on sortis de cette nuit horrible! Le capt décide alors d'aller se coucher. Il n'est pas descendu qu'il remonte aussitôt. Il y a un peu d'eau salée dans la quille de tribord. juste un peu. jusqu'à l'égalité des planchers, c'est donc dire des centaines de litres! Tout est inondé, pompes, filages, cannages et tout. La pompe ne fonctionne plus, il faut écoper à la main. René finit par trouver ce qu'il pense être le problème, une poignée de hatch cassée dehors sur le compartiment extérieur avant, là où il y a l'un de nos réservoirs d'eau douce. Encore un peu d'eau! En descendant dans le compartiment, René a de l'eau jusqu'à la taille. Le bac de pièces de rechanges de tout ce qui est électricité flotte dans l'eau, (filage électrique, connections précieuses de rechanges de toutes sortes, etc). Perte totale, il est rempli d'eau, autant dire que tout son contenu est bon pour la poubelle.
Les ancrages d'époxy qu'il vient tout juste de refaire pour le réservoir d'eau douce ont encore lâché sous la force de l'eau. Un pas d'avant, quatre pas de reculons! On vide le compartiment à l'aide d'un sceau d'eau, chaudière pour les Québécois, et René part enfin se coucher.
Les enfants et moi entreprenons de tout vider les cales, laver à l'eau douce et sécher mais ça ne sèche pas. Il faut libérer les planchers, il y a du stock partout sur les lits, les garde-robes sont vidés, un beau bordel! On s'attaque ensuite aux transplantations d'urgence de nos plantes pour les dégorger de leur eau salée. Je ne donne pas cher de leur peau mais elles sont si chères aux enfants qui les soignent depuis des semaines dans le cadre de leur projet de science. Je n'ai d'autre choix que de tenter de les sauver. Puis je remarque que la trappe d'urgence fait un bruit bizarre. Et oui encore un ancrage qui a cédé, elle est remplie d'eau, ça attendra le réveil du capitaine.
Dois-je mentionner qu'il n'y aura pas d'école aujourd'hui? Les profs sont en dépression momentanée. A mon tour d'aller faire un petit somme. Ha et notre disque dur est tombé à terre aussi hier. On ne sait pas encore s'il fonctionne ou pas. On n'ose pas vérifier, c'était toutes nos photos, films et musique!
Une journée passe, l'eau rentre toujours par le compartiment extérieur du patin avant à tribord et ce malgré la réparation de la poignée cassée. En cherchant plus loin, René trouve le problème. On avait remarqué une fissure en nettoyant la quille il y a quelques semaines. C'est bien ce qu'on craignait. Un vieux problème sûrement dû à un accident antérieur d'un ancien propriétaire. Le problème avait été colmaté et était non décelable lors des deux inspections chèrement payés que nous avons fait faire du bateau. Ainsi l'eau s'infiltre maintenant à un rythme de 10 litres à l'heure, il faut donc aller écoper le compartiment avant à toutes les 3 à 4 heures jour et nuit, vagues pas vagues dans la noirceur la plus totale de la nuit.
On a bien tenté de colmater avec de l'époxy en poté et du silicone 4200 mais la réparation finit toujours par fuir. Il faudra inévitablement sortir le bateau de l'eau mais la question est de savoir si nous pourrons attendre jusqu'en Nouvelle-Zélande.
Est-ce que ça vous donne encore le goût de rêver tout ceci? Mais bon au petit matin quand le soleil se lève, les problèmes semblent toujours moins gros. Une chose à la fois! Sur ce je termine, assez de chiâlage pour aujourd'hui. Malgré tout le moral est bon, il faut bien en rire!
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